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5 septembre 2018

Entrevue avec 2 enseignantes de chimie qui exploitent la classe inversée

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Je me suis entretenue en juin 2018 avec Julie Belzile et Chantal Secours, du Collège Montmorency, alors que la session d’hiver se terminait et que la préparation de la session d’automne s’entamait. J’ai trouvé très intéressante leur pratique à la fois dynamique et réflexive de la classe inversée. Leur démarche et les questionnements dont elles m’ont fait part m’ont semblé caractéristiques d’enseignantes désireuses de faire ce qu’il y a de mieux pour leurs étudiants, tout en étant soumises aux contraintes liées à « la vraie vie ». J’ai pensé partager avec vous une toute petite partie (remaniée à des fins éditoriales) de notre entretien.

Chantal Secours et Julie Belzile

Note

J’ai initialement contacté Julie Belzile et Chantal Secours dans le cadre d’un texte comparant les avantages et inconvénients, pour un enseignant, de concevoir ses propres vidéos ou d’utiliser des vidéos trouvées sur le web pour inverser sa classe.

Vous utilisez la classe inversée dans votre cours de chimie organique? De quelle façon?

Julie : Depuis 2 ou 3 ans. Chaque semaine, nous plaçons sur Moodle des liens vers des vidéos tirées de la chaîne YouTube de Caroline Cormier et nous donnons des lectures à faire dans le manuel ou dans les notes de cours, en lien avec les notions de base qui seront à l’étude cette semaine-là. Chaque étudiant peut choisir s’il préfère lire ou consulter les vidéos (ou les deux), mais il doit s’approprier le contenu. Ensuite, chaque étudiant doit compléter ce qu’on appelle un « billet d’entrée »; un exercice qui porte sur les notions qui étaient expliquées dans les vidéos et les lectures. Au début du cours, on fait un retour en groupe sur les billets d’entrée. Ça nous permet de répondre aux questions, de rectifier le tir au besoin, avant d’aller plus loin.

Évaluez-vous le billet d’entrée des étudiants?

Julie : Non, mais ils doivent le faire s’ils veulent comprendre ce qu’on fait en classe ensuite. Le fait qu’ils aient vu les notions de base à la maison nous permet d’utiliser le temps de classe, dans la classe d’apprentissage actif, pour voir les notions plus avancées.  Avant qu’on fasse la classe inversée, ce sont les notions avancées que les étudiants voyaient quand ils étaient seuls à la maison et ça posait problème. On n’évalue pas les billets d’entrée, mais les étudiants les complètent quand même. Ils essaient. Des fois, ils disent : « Je n’ai rien compris… », mais ils essaient. Il faut dire que Chimie organique est un cours de fin de DEC. En première session, en Chimie générale, la réalité est différente. On essaie de faire la même chose, mais on rencontre des problèmes…

Chantal : La session prochaine, nous allons donner le cours Chimie des solutions dans la classe d’apprentissage actif. Nous sommes en train de brasser des idées. Nous ne pensons pas utiliser les billets d’entrée cette fois-ci. Nous avons l’impression que c’est difficile de changer les conceptions erronées des étudiants, après qu’ils aient travaillé sur un billet. Quand ils comprennent mal, on dirait que c’est plus dur de corriger leurs conceptions fausses.

Comme si le fait d’avoir travaillé fort pour répondre aux questions du billet d’entrée les rendait « attachés » à leurs idées, même quand elles sont fausses?

Chantal : Oui… Et nous voulons éviter le fait que les conceptions erronées ne s’ancrent. Une option serait de leur donner des exercices résolus à faire dans le volume de référence. L’avantage serait que les étudiants pourraient valider leur réponse sur le champ.

Julie : Aussi, un collègue du département de physique nous a parlé de « concept quiz » qu’il fait. Nous songeons à le faire dans une optique de classe inversée. On cesserait alors de donner des billets à compléter pour être admis au cours.

« Concept quiz »? Qu’est-ce que c’est?

Julie : Quand les étudiants arrivent dans la classe, il y a une question au tableau. Pour être en mesure d’y répondre correctement, les étudiants doivent avoir fait les lectures préparatoires,. Cela les motive à faire les lectures! Les étudiants répondent à la question avec des télévoteurs ou avec Socrative, puis, ils se consultent, et répondent à nouveau. Selon le taux de bonnes réponses, l’enseignant ajuste les explications qu’il va donner.

Note

Ce que Julie Belzile décrit correspond à ce qui est appelé « enseignement par les pairs », ou « instruction par les pairs ». Ce schéma résume la méthode, initialement développée par Eric Mazur, de l’Université Harvard.

La méthode d’enseignement par les pairs développée par Eric Mazur. Schéma initialement paru dans un dossier de Profweb sur l’utilisation pédagogique des diaporamas numériques.

Profweb a déjà publié le témoignage d’un enseignant de physique exploitant l’enseignement par les pairs.

Et pour les activités préparatoires des étudiants? Vous leur fournirez des vidéos aussi?

Julie : Ça reste à voir… Il y aura sans doute des lectures, peut-être des vidéos en plus.

Chantal : À la suite de notre expérience en chimie organique, on se rend compte que, si on utilise des vidéos, il faudrait qu’on les fasse nous-mêmes. Les vidéos qu’on utilise en chimie organique [celles de la chaîne YouTube de Caroline Cormier] sont bonnes, mais les étudiants préféreraient que ce soit nous qui expliquions… Notre collègue Alain fait ses propres vidéos, et les étudiants préfèrent ça. On ne voit pas Alain dans ses vidéos (on l’entend commenter des PowerPoint; les notions apparaissant à l’écran au fur et à mesure qu’il parle), mais ça marche quand même. Il faudrait que ce soit notre voix que les étudiants entendent.

Mais faire des vidéos, ça prend du temps…

Julie : Oui! C’est pour ça qu’on réfléchit comme il faut… Ça laisse beaucoup de décisions à prendre et beaucoup de choses à faire d’ici le début de la prochaine session!

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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