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24 septembre 2012

Le télévote : bien plus pédagogique que vous ne le pensez!

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

On estime à un million1 le nombre de télévoteurs en usage aux États-Unis (2011). Il faut toutefois une seule des démonstrations de l’enseignante Véronica Ponce pour nous convaincre de ses usages polyvalents et des impacts directs sur la matière.

Quand cette matière suscite la discussion, c’est une véritable révolution qui s’opère en classe. Des distorsions sont éliminées, des faux jugements. La pédagogue doit parfois composer avec celui qui décide de se maintenir à contre-courant dans des positions parfois un peu embrouillées. Le travail de la philosophe n’en est que plus justifié.

Les télévoteurs en classe : pourquoi?

Voici mes principales raisons, en ordre d’importance décroissant.

  1. Déterminer le niveau de compréhension de la matière

    Un des usages les plus utiles est de pouvoir sonder la compréhension des étudiants en temps réel. On peut passer à une autre notion dans la confiance ou s’attarder davantage. C’est un réel avantage surtout lorsque l’on constate combien les étudiants ont des réticences à avouer leur incompréhension (par gêne ou abnégation)! On a beau les questionner, souvent ce n’est qu’à l’examen qu’on s’aperçoit qu’ils n’ont pas bien compris. Parfois, ils pensent avoir saisi alors que ce n’est pas le cas!

    On sait enfin ce qui a réellement été compris ou ce qui ne l’a pas été. Parfois, ce peut être la moitié du groupe qui a mal saisi la matière! Alors j’explique le concept ou la théorie autrement ou je demande à des étudiants qui ont bien saisi la matière de le faire.

    Habituellement, après la seconde explication, le concept est acquis. Les quelques étudiants qui sont encore confus sont invités à me rencontrer après le cours ou durant mes heures de bureau pour des clarifications.

  2. Évaluer les étudiants

    Pour m’assurer que mes étudiants lisent les textes au programme, je fais des tests de lecture. Les télévoteurs, lorsqu’ils sont assignés à des étudiants précis, peuvent être utilisés pour donner de tels tests. Et le temps de réponse peut être minuté.

    Extrait de la communication donnée lors du colloque de l’ACPQ (28 mai 2012)

  3. Connaître l’opinion des étudiants sur des thèmes controversés

    C’est utile pour déterminer les contenus à couvrir en classe. Je peux voir si cela vaut la peine de traiter le thème.

    La première fois que j’ai utilisé les télévoteurs, c’était pour une question portant sur l’homosexualité. Depuis ce temps, je traite toujours de ce thème que je ne croyais plus du tout controversé. J’ai compris par le télévote qu’il fallait encore faire de l’éducation à ce sujet.

    La discussion est également plus facile à tenir en classe avec des télévoteurs parce que les résultats affichés montrent que certains étudiants détiennent des appuis pour les positions qu’ils adoptent, ce qui leur donne le courage de les défendre publiquement. À l’opposé, les étudiants timides ou minoritaires apprécient beaucoup pouvoir se manifester de façon anonyme sans craindre le jugement des autres. Il reste que lorsqu’il s’agit d’opinions dont ils ont honte, cela reste toutefois difficile de leur faire expliquer verbalement pourquoi ils pensent ainsi.

    S’il est vrai que le télévote n’est pas une méthode infaillible par le fait que je ne reçoive que les réponses que mes étudiants sont prêts à me donner, il permet de développer plus de liens avec les élèves et de discuter avec eux à un niveau plus profond en abordant parfois des questions pour lesquelles leur point de vue n’est pas fixé.

  4. Évaluer l’effet de notre travail de conscientisation

    Les discussions en classe ont un impact sur l’opinion des étudiants et leur exercice de la réflexion. On peut l’observer en reposant une question suite à une étude plus approfondie d’un thème. Par exemple, mes étudiants sont généralement plus tolérants par rapport à l’homosexualité suite à notre étude de ce thème.

    televoteur

    Un participant utilisant un télévoteur (photo : Alan Wolf)

  5. Connaître certains aspects de la vie privée des étudiants

    Il est important, particulièrement en philosophie, de pouvoir arrimer son enseignement aux réelles pratiques des étudiants. Cela est d’autant plus vrai pour les questions relevant de la vie privée.

    En étant informée, par exemple, des expériences sexuelles ou homosexuelles de mes étudiants, et de leurs opinions à cet égard, et même à l’égard de la pornographie, je lève le voile sur des réalités méconnues. Les réponses étonnent parfois! Par exemple, la consommation de la pornographie est plus importante que je ne le croyais chez mes étudiants, y compris ceux de sexe féminin. Cette information ne m’aurait pas été divulguée sans l’usage des télévoteurs! Les étudiants hésitants à s’exprimer le font dorénavant, car ils sont sous le couvert de l’anonymat. Ils apprécient eux-mêmes savoir si leurs pratiques sont minoritaires ou partagées et c’est pourquoi ils me réclament souvent que je pose certaines questions!

  6. Corroborer certaines des théories (sociologiques ou psychologiques) étudiées en classe

    Comme il est possible de compiler les résultats aux sondages d’une session à l’autre, on peut imaginer se servir des télévoteurs pour tester des hypothèses en sociologie. On doit, pour le moment, verser les résultats dans Excel.

Les inconvénients et limites

Les inconvénients mineurs concernent davantage la logistique (pile déchargée, bogue du logiciel ou de l’ordinateur). La réelle limite reste le suremploi qu’il faut éviter parce qu’il entraîne une baisse de participation des élèves. J’ai déjà traité du problème de fossé qui se crée parfois entre l’activité de télévote et la discussion ouverte. Cela reste encore un défi que l’enseignant doit toujours assumer!

Y a-t-il des situations où vous feriez usage du télévote?

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Nicole Perreault
Nicole Perreault
24 septembre 2012 18h08

Merci pour ce récit, Veronica. Les nombreux usages pédagogiques du télévoteur que vous présentez sont inspirants. Est-ce que vos étudiants vous ont fait part de leur appréciation de ce type d’activité ? Avez-vous observé un effet sur leur motivation ? J’ai bien hâte de lire les suggestions d’autres usages pédagogiques du télévoteur en classe. Merci encore et bravo !

Marie-Michelle Poisson
Marie-Michelle Poisson
20 septembre 2014 14h41

Très intéressant mais trop bref!!! J’ai envie d’explorer ce nouvel outil. J’aurais aimé en entendre plus sur le  » fossé qui se crée parfois entre l’activité de télévote et la discussion ouverte »

Marie-Michelle Poisson
Collège Ahuntsic

PS Je pense que nous aurions dû lire négation plutôt que « abnégation ». Il y a contresens à mon avis…