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10 février 2015

Quelle place pour les badges numériques dans le milieu de l’éducation ?

[Texte paru dans le numéro 87, avril 2015, du bulletin Clic].

Une centaine de participants se sont inscrits au laboratoire de la Vitrine technologie-éducation (VTÉ) sur les badges numériques ouverts (Open Badges), proposé en collaboration avec le Groupe de travail québécois sur les normes et standards en technologies de l’information pour l’apprentissage, l’éducation et la formation (GTN-Québec) et l’Association canadienne pour la reconnaissance des acquis (CAPLA). Cette série de trois activités en ligne, réparties de septembre à décembre 2014, a permis de porter un regard nouveau sur la valeur pédagogique de l’intégration des badges numériques ouverts dans le milieu de l’éducation.

À cette occasion, des enseignants et des conseillers pédagogiques du réseau collégial québécois ont découvert et exploré le concept émergeant de badges numériques et les nouvelles façons d’enseigner qu’ils pouvaient susciter. Des praticiens francophones (secondaire, collégial et universitaire) et fournisseurs de solutions tant du secteur public (Cégep à distance, Moodle-DECclic, REPTIC) que privé (Fondation Mozilla et son initiative Open Badges), provenant de différents pays, ont participé aux débats.

Un groupe francophone et un groupe anglophone, avec chacun un axe spécifique, ont été formés. Le groupe francophone s’est concentré plus particulièrement sur l’intégration des badges numériques dans des contextes pédagogiques formels, c’est-à-dire entre des acteurs du milieu de l’éducation. De son côté, un groupe anglophone, animé par Alexandre Enkerli, s’est concentré sur l’intégration dans un cadre informel, à savoir les liens vers les communautés professionnelles et sociales. Vous en trouverez un compte rendu des idées principales en cliquant ici.

Le présent article porte sur le groupe francophone dont vous trouverez les enregistrements vidéo ainsi que de nombreuses ressources complémentaires en cliquant ici.

Introduction au concept de badge numérique

Lors de cette étape, les participants ont eu le loisir de découvrir ce nouveau concept ainsi que la diversité des contextes d’utilisation des badges numériques ouverts en éducation.

Anatomie d’un badge ouvert numérique (illustration : Kyle Bowen, traduction S. Ravet)

Anatomie d’un badge ouvert numérique
(illustration : Kyle Bowen, traduction S. Ravet)

Un badge numérique est avant tout l’illustration d’une relation de confiance, basée sur des métadonnées. À l’image des renforts qui constituent le cœur d’une balle de baseball, les métadonnées structurent chaque badge en précisant qui a émis le badge et qui l’a reçu, quels sont les critères d’attribution ainsi que les preuves apportées pour l’obtenir.

Dès lors, il est facile de se contenter d’utiliser le badge numérique comme une carotte afin de récompenser la performance des étudiants. Mais n’est-ce pas déjà le cas avec les diplômes ? Or, il ne s’agit pas de remplacer le système actuel, mais de le compléter. Pensez plutôt aux jeunes décrocheurs qui arrivent sur le marché du travail avec peu de scolarité. N’ont-ils pas acquis eux aussi des compétences au fil des cours qu’ils ont suivis et cela même en l’absence de réussite sur la totalité du parcours qui leur était imposé pour obtenir leur diplôme ?

Un badge ouvert numérique est une déclaration de confiance basée sur des critères appuyés par des preuves. (illustration : Kyle Bowen, traduction S. Ravet)

Un badge ouvert numérique est une déclaration de confiance
basée sur des critères appuyés par des preuves.
(illustration : Kyle Bowen, traduction S. Ravet)

Ce concept est né de la nécessité de reconnaitre les apprentissages informels. Il est mis de l’avant par la Fondation Mozilla au travers de l’initiative Open Badges dans le but de proposer un outil permettant la reconnaissance d’une compétence informelle.

Jusque-là, tout le monde s’entend sur les bienfaits de cette initiative. Cela dit, les badges numériques permettront-ils un jour la reconnaissance informelle de compétences informelles au même titre que les compétences formelles acquises dans un système éducatif on ne peut plus formel ?

Il ne s’agit pas de remplacer les diplômes, ni même les mécanismes de reconnaissance des acquis (RAC) dont la finalité reste très formalisée, mais d’ajouter des nuances afin de refléter la diversité des personnalités qui se cachent derrière les appellations normalisées des diplômes.

La grande diversité d’utilisation des badges numériques (illustration : Mozilla, traduction S. Ravet)

La grande diversité d’utilisation des badges numériques
(illustration : Mozilla, traduction S. Ravet)

Imaginez plutôt un outil numérique et intégré à vos profils sur les réseaux sociaux, à mi-chemin entre les bulletins de notes, peu partagés par les étudiants malgré la présence de mentions individualisées, et les diplômes, largement répandus, mais dépourvus de toute annotation.

Cet outil, c’est la brique élémentaire, le bloc Lego que tout un chacun doit pouvoir s’approprier pour se valoriser, aime à dire Serge Ravet, un des experts invités. Dès lors, les acteurs du système éducatif ne devraient pas être les uniques émetteurs de badges.

Le sac à badges (Badge Backpack) rassemble les badges collectés ici et là par un individu un peu comme un passeport rassemblerait les visas attestant de ses voyages. (illustration : Mozilla, traduction S. Ravet)

Le sac à badges (Badge Backpack) rassemble les badges collectés ici et là
par un individu un peu comme un passeport rassemblerait les visas
attestant de ses voyages (illustration : Mozilla, traduction S. Ravet)

De ce fait, le badge n’est pas centré sur l’organisation qui l’a créé, mais bel et bien sur l’apprenant. Ce dernier est donc libre d’enrichir sa collection de badges dont il sera fier d’afficher certains d’entre eux sur les réseaux sociaux, un blogue ou, encore, de le lier à une page Web ou encore à son CV. Les badges issus de l’initiative Open Badges sont technologiquement neutres, c’est-à-dire qu’ils peuvent être ajoutés à n’importe quel sac à badges (Backpack en anglais) compatible. C’est une caractéristique qu’il est important de vérifier avant de considérer d’associer votre badge à n’importe quel fournisseur de badges en ligne. En effet, certaines de ces plateformes ne permettent tout simplement pas d’extraire les badges afin de les utiliser auprès d’un autre fournisseur. Cet aspect est important, car il permet de reconnaitre le savoir-faire tout au long de la vie alors que vos besoins vont probablement changer. C’est-à-dire qu’un badge de ne doit pas se résumer aux seules habiletés acquises à l’école.

Les badges numériques permettent ainsi à un finissant d’une technique comportant des habiletés en multimédia de les mettre de l’avant afin d’attirer clients ou employeurs potentiels. Mieux encore, tout au long de ses futurs perfectionnements, le jeune infographiste pourra collecter de nouveaux badges attestant la réalisation de projets professionnels.

Dans la même idée, est-ce que cela voudrait aussi dire qu’il est possible de valoriser les projets périscolaires et extrascolaires ? Certainement ! Le badge numérique est universel. Les limites sont celles que vous vous fixez, et les enjeux ne sont pas techniques, car il est très facile de les élaborer.

Élaboration d’un badge numérique

Lors de cette étape, les participants ont discuté des problématiques d’élaboration d’un badge et de l’utilité d’un canevas.

Le badge numérique est la brique élémentaire, le bloc Lego que tout un chacun doit pouvoir s’approprier. (S. Ravet)

Le badge numérique est la brique élémentaire,
le bloc Lego que tout un chacun doit pouvoir s’approprier. (S. Ravet)

C’est parti ! Vous êtes décidé. Mais par où commencer ? Telle est probablement la première question qui vous viendra à l’esprit ! Pour vous aider, vous trouverez ci-dessous un schéma pour vous guider dans l’élaboration d’un badge numérique. Ce canevas a été présenté avec plusieurs autres lors de la seconde étape du laboratoire afin de discuter des principaux aspects à considérer dans ce genre de démarche. Tout d’abord, évitez de foncer tête baissée sans avoir sérieusement pensé à votre projet de badge et au besoin que vous souhaitez combler. La conception est la phase la plus importante et probablement la plus longue. Réfléchissez bien à ce qui existe déjà et que vous cherchez à compléter ! Puis, il faudra vous demander ce que le badge reconnait ou encourage entre le savoir-faire, l’attitude, les connaissances ou encore les valeurs, par exemple. Bien entendu, clairement déterminer les parties prenantes est crucial. Qui va recevoir le badge ? Qui va attribuer le badge ? Qui va consulter le badge et qui pourrait éventuellement endosser votre badge ? Continuez d’avancer dans votre réflexion en examinant maintenant le mode d’attribution. Précisez plus spécifiquement quels seraient les indicateurs d’une bonne performance et les preuves qui en témoigneraient. Avez-vous déjà une idée du processus d’attribution, des acteurs à impliquer afin de définir une méthode assurant tant la qualité que la cohérence de votre démarche d’un badge à l’autre ? Muni de ces informations, vous pourrez alors entamer la seconde phase : celle de la mise en œuvre.

Attention, la réflexion n’est pas terminée ! Pensez à déterminer les ressources nécessaires pour arriver à vos fins. Quelle stratégie de promotion envisagez-vous ? Celle-ci dépend de la communauté sur laquelle vous pouvez vous appuyer. Votre badge est-il destiné à un de vos groupes d’étudiants ou à un ensemble de personnes ayant assisté à votre colloque ? Encore une fois, tout dépend de votre objectif. Ce dernier vous aidera enfin à définir les indicateurs de succès qui vous aideront à mesurer la valeur de votre badge sur le terrain. Rien de pire, en effet, qu’un badge dont personne ne voit l’intérêt et qui finit sa vie tel un trophée sur une étagère.

Vous êtes prêt à passer à l’action ? Un dernier détail qui a son importance, n’oubliez pas de penser à la conception graphique de votre badge !

Un des canevas d’élaboration d’un badge numérique présenté lors du laboratoire (illustration : DigitalMe, traduction S. Ravet)

Un des canevas d’élaboration d’un badge numérique présenté lors du laboratoire
(illustration : DigitalMe, traduction S. Ravet)

Implantation d’un badge numérique dans un réseau de confiance

Lors de cette étape, les participants ont découvert le réseau de confiance qu’il faut mettre en œuvre au-delà d’un badge pour en assurer son plein succès.

Un tiers doit valoriser votre badge numérique aux bénéfices de son détenteur. (illustration : Mozilla, traduction S. Ravet)

Un tiers doit valoriser votre badge numérique aux bénéfices de son détenteur.
(illustration : Mozilla, traduction S. Ravet)

Puisque le badge est l’expression d’une relation de confiance, celle-ci doit pouvoir s’appliquer aussi bien au sein de la relation enseignants-étudiants qu’entre un employeur et ses employés et, pourquoi pas, entre un travailleur autonome et ses clients.

Lors de la dernière étape du laboratoire, la notion de confiance a été décortiquée en détail en partant d’une question fort simple, à savoir est-il possible de s’autodécerner un badge numérique et, dans ce cas, quelle valeur peut-on lui accorder ?

De ces discussions est venue l’idée du passage d’un badge de compétences à vocation individuelle au badge de réussite à vocation beaucoup plus collective. L’idée sous-jacente étant celle de « faire avec » et non pas seulement de « faire pour ».

Imaginez une équipe constituée de plusieurs corps de métiers qui, collectivement, ont participé à un projet. Le même badge, tel que celui attestant de la construction d’un pont, par exemple, prend une valeur particulière selon le destinataire (ingénieur en chef, chargé de projet, technicien, commis, etc.). Dans ce cas, le badge exploiterait le lien qui unit les détenteurs de ce badge avec l’idée de les rapprocher.

Dès lors, il faut distinguer un réseau de confiance de la confiance dans le réseau. Tout est dans la valorisation de l’information dans le sac à badges.

D’autres participants ont appuyé l’idée d’avoir des badges « fermés » appuyés par un système formel, des compétences ministérielles, et dont la remise réduirait la nécessité d’apporter des preuves alors que des badges « ouverts », davantage informels, existeraient en parallèle. Catégorie dans laquelle seraient intégrés les badges autoproclamés, par exemple.

Ce qui pose la question de la confiance à mettre dans un badge autodécerné sans autre badge de réussite…

Un des experts présents au laboratoire a rappelé qu’un artéfact était à la base d’une compétence et donc d’un badge. Il prône vigoureusement une approche collective riche de sens car basée sur des preuves de réussite comme un badge attribué par un client, l’approche collective étant à l’opposé de l’approche normative. Cette dernière est essentiellement basée sur les compétences et potentiellement source de danger à ses yeux.

Dès lors, il voit un badge autoproclamé comme un badge d’aspiration sans preuve menant à un faux sens de la réussite, ce que ne partageaient pas tous les participants. Comme quoi les badges peuvent répondre à de nombreux besoins et types d’approches. Le débat continue ! Mais une chose est certaine, un badge ne doit pas être élaboré pour un enseignant (à moins qu’il ait un rôle d’apprenant), ni même pour ses étudiants, mais pour le tiers qui doit en déverrouiller la valeur sur le terrain pour le plus grand plaisir de ses détenteurs selon les critères requis par l’émetteur.

Maintenant que vous savez ce qu’est un badge numérique ouvert (Open Badges), que vous avez une meilleure idée sur la façon d’élaborer le vôtre, que diriez-vous d’en créer un ? Toutefois, cet aspect technologique a délibérément été mis de côté dans ce laboratoire, car il s’agit de la partie la plus facile… Nous vous proposons donc ci-dessous une brève sélection de sites (majoritairement en anglais) pour faire vos premiers pas :

– Moodle, que cela soit depuis la plateforme DECclic du milieu collégial québécois ou depuis la plateforme Moodle de votre établissement. Il faut pour cela disposer d’une version 2.5 au minimum.

Credly ; Peer 2 Peer University (P2PU) ; Achievery ; Open Badge Factory ; etc.

Vous en connaissez d’autres ? Partagez-les avec nous ! Vos commentaires sur vos initiatives avec les badges numériques sont également les bienvenus !