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Étape Laboratoire vivant et innovation

Première étape du labo VTÉ sur la capacité d'innovation (11 février 2014)

Étudiant assis avec son ordinateur

© Texelart – Fotolia.com

La première étape de ce labo VTÉ a eu lieu le 11 février 2014. Voici un compte rendu :

Le but de ce laboratoire est de réfléchir sur la capacité d’innovation et la réussite au collégial en examinant un problème actuel proposé par le Centre collégial de transfert de technologie en pratiques sociales novatrices (CRISPESH). Nous nous adressons aussi bien aux gestionnaires qu’aux acteurs du terrain. Les participants inscrits à ce labo VTÉ peuvent réagir aux discussions du panel d’invités par l’entremise de l’outil « clavardage » de la plateforme utilisée pour la rencontre.

Les invités de notre premier panel  :

  •  Lynn Lapostolle et Christian Barrette
, de l’Association pour la recherche au collégial (ARC).
  • Marc Tremblay et Stéphanie Tremblay, du Centre collégial de transfert de technologie en pratiques sociales novatrices (CRISPESH).
  • Pierre Gignac ing., doctorant en mesure et évaluation en éducation à l’Université de Montréal.
  • Pierre Gignac travaille à développer un outil de mesure sur la capacité d’absorption de connaissances en innovation. Il étudie comment les gens sont capables d’utiliser de nouvelles connaissances pour produire des innovations dans le cadre de diagnostics organisationnels. 
  • Alexandre Enkerli, enseignant à l’Université Concordia, ethnographe informel et observateur des communautés de pratique émergentes et de l’innovation sociale.
  • Pierre-Julien Guay, coordonnateur à la Vitrine technologie-éducation.
  • Gisèle Bertrand, chargée de projet du 
Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations, à l’aide des technologies de l’information et de la communication (CEFRIO)

Compte rendu :

Nous commençons par un tour de table des invités en les invitant à partager leur définition de l’innovation :

  • Christian Barrette : Selon lui, alors qu’il se base sur sa formation d’anthropologue, l’innovation est d’assimiler avec une faculté d’adaptation. L’adaptation et notre capacité à innover se traduisent ultimement par notre capacité à survivre. L’innovation n’est pas une nécessité en soi, sauf en situation de crise.
  • Marc Tremblay :  L’innovation passe par le changement social, un changement de pratique qui part d’un besoin et d’une nécessité de changer.
  • Pierre Gignac :  L’innovation est liée à la créativité. Il faut transcender les barrières et ne pas se laisser arrêter par le contexte qui nous modèle et qui est tenu pour acquis. Principalement, c’est de pouvoir partager les idées. De plus en plus, l’innovation est complexe et se réalise à la limite de plusieurs disciplines.
  • Alexandre Enkerli : L’innovation passe par les usages, par exemple, prendre un outil de création et en faire quelque chose de nouveau. On parle souvent d’outils de création et d’invention lorsqu’on parle d’innovation. L’innovation sociale en labo vivant, elle vient des gens et de leurs usages.
  • Pierre-Julien Guay : L’innovation dérange à cause des structures des organisations. «Si vous voulez vous faire des ennemis, essayez donc de changer des choses», disait Woodrow Wilson.
  • Gisèle Bertrand : L’innovation c’est la rencontre des expertises, c’est beaucoup lié à la capacité des ouvertures et de cocréation des différents partenaires entre eux. C’est aussi lié à l’appropriation d’un milieu preneur.

Problématique discutée :

L’utilisation d’une synthèse vocale est un moyen privilégié pour rendre possible la lecture des textes, examens ou livres à plusieurs étudiants ayant un trouble d’apprentissage ou ayant un handicap visuel. Or, le format des textes transmis par les enseignants ne permet pas systématiquement l’utilisation adéquate de la synthèse vocale, ce qui exige souvent un long traitement des documents pour les rendre accessibles, dont la numérisation et la conversion en format Word. Même si on trouve des solutions individualisées, on aimerait bien développer des solutions plus globales et durables en cette matière.

Inclusion et accessibilité

Selon Marc Tremblay, du CRISPESH, il faut s’ériger contre le mythe selon lequel les services adaptés dans un collège sont les seuls responsables de l’inclusion et de l’accessibilité. Sa conception de l’innovation passe par le changement social, un changement de pratique qui part d’un besoin et d’une nécessité de changer. L’idée n’est pas de pointer un responsable de cette situation comme l’enseignant, par exemple. Il ne faut pas que cela se fasse dans une atmosphère tendue et dans la dispute des ressources limitées qui fait partie des enjeux.

Quand on pense qu’au Québec, plus de 800 000 personnes se « qualifient » à titre de personnes handicapées et que 43 % de la population est âgée de 45 ans et plus, soudainement, on ne parle plus que d’une poignée marginale « d’aveugles et de sourds », mais bien d’un Québécois sur deux qui peut bénéficier directement de l’accessibilité. Donc l’accessibilité des documents est aussi un problème de société qui concerne tout le monde et non seulement un problème de clientèle spécifique.

On mentionne qu’il y a une loi au Québec, qui ne s’applique pas encore au monde de l’éducation, pour mettre en place des règles pour que les documents produits par le gouvernement répondent à des normes d’accessibilité. « … les standards SGQRI 008 demeurent des pratiques recommandées, mais non obligatoires pour tous les organismes publics qui relèvent des réseaux connexes de l’éducation et de la santé. »

À propos des objets d’apprentissage, quand ils sont trop génériques ça ne rend service à personne. On souhaite que ces outils soient adaptés pour chacun ou que les étudiants puissent se les approprier. Cela va au-delà d’un seul outil pour résoudre tous les problèmes. C’est le changement social qui va pouvoir mener à l’innovation sur les usages, mais comment y arriver ?

Les éditeurs, oui, mais…

Une partie du problème vient de l’édition pédagogique commerciale qui ne voit pas toujours un intérêt lucratif important. Il y a également la question des droits d’auteur qui demeure en suspens lorsqu’on parle d’adaptation. C’est difficile de mettre toutes les maisons d’édition autour d’une table et de décider d’opter pour un format numérique unique. Chaque maison d’édition utilise des formats numériques différents, ce qui complique souvent leur utilisation. Le monde de l’éducation n’exige pas non plus des maisons d’édition des formats adaptés, et l’enseignant n’a généralement pas le temps d’effectuer une démarche pour aller chercher l’information sur ce qu’est une documentation adaptée.

Pour Pierre Gignac, les éditeurs pourraient avoir un intérêt à faciliter l’accès de leurs publications aux personnes en situation de handicap. La population est de plus en plus vieillissante, et les problèmes de vision affectent cette tranche de la population qui a une espérance de vie plus longue. En viendrons-nous à davantage écouter un livre plutôt qu’à le lire ?

Pour Lynn Lapostolle, de l’ARC, l’aspect de l’édition n’est pas la seule chose dont on doit tenir compte. La liberté scolaire permise dans les établissements fait en sorte que les enseignants choisissent indépendamment les ouvrages qu’ils utiliseront dans leur classe. Le volume de documents qu’il faudrait adapter est très élevé, sans oublier les documents de cours « faits maison » écrits par les enseignants et aussi vendus. L’édition commerciale ne représente pas nécessairement le problème le plus grave.

Une autre difficulté à souligner est qu’il n’y a pas nécessairement de déclaration de handicap de la part des étudiants, et ce, pour toutes sortes de raisons. Parfois, certaines personnes ne veulent pas déclarer leur handicap ou divulguer un diagnostic quelconque. L’utilisation de services adaptés, c’est souvent ce qui stigmatise un étudiant.

Des pistes

Heureusement, il y a des choses qui se font. Il y a un marché orienté sur les situations de handicap, ce qu’on appelle les technologies spécialisées. Un projet de conception universelle d’apprentissage a été mis en branle pour mieux savoir comment outiller les enseignants pour rendre leurs cours accessibles. La conception universelle d’apprentissage est une approche américaine qui est orientée sur l’accès universel.

Certaines compagnies comprennent qu’une personne qui a un handicap est un client potentiel de plus. Par exemple, les appareils mobiles Apple comprennent d’office une section  « accessibilité » qui permet à une personne avec des problèmes de vision d’avoir accès à une synthèse vocale et à plusieurs outils pour améliorer la lisibilité des textes. La tablette numérique devient un outil adéquat pour les personnes qui ont un problème physique.

Alexandre Enkerli mentionne que de petites initiatives très ciblées peuvent donner des résultats assez rapidement, par exemple, construire des exercices ou un guide des études avec des étudiants. Les contenus ne sont plus à la merci des éditeurs, mais bâtis de session en session et d’année en année. Au lieu d’acheter des contenus, on peut les construire ensemble avec les étudiants, ce qui peut aussi faire partie de l’évaluation de l’étudiant. Le matériel ainsi construit en classe peut être réutilisé lors des prochaines sessions de cours avec de nouveaux groupes. En commençant avec ça, de façon très concrète, on crée des contenus qui sont adaptés au type de langage utilisé et faciles à adapter, ce qui permet d’améliorer la pédagogie. Ça fonctionne très bien dans le cadre d’un enseignement en classe inversée. On construit des contenus en classe, puis le temps réservé à l’extérieur de la classe est utilisé pour apprendre de façon autonome. On bâtit petit à petit des choses qui peuvent inclure les gens.

Pour Chritian Barrette, ce que nous abordons tient à un conflit entre les tendances lourdes dans nos organisations pour encourager une accessibilité universelle aux études supérieures, d’une part et, d’autre part, une tendance à standardiser les processus. On va à la fois vers une ouverture qui génère son lot d’étudiants de plus en plus diversifiés. En même temps, pour répondre à ces besoins, on se retrouve devant des organisations qui interpellent l’innovation.

Laboratoire vivant et innovation

Gisèle Bertrand est chargée de projet au développement pour le CEFRIO. Elle fait un parallèle avec l’expérimentation des laboratoires vivants dans le cadre d’un projet de recherches nommé Des laboratoires vivants pour des territoires innovants.

L’idée du projet était d‘étudier le concept du laboratoire vivant qui était en effervescence en Europe en 2011. On est parti d’un cadre théorique qui avait été mis en place par des chercheurs néerlandais, puis adopté par le réseau européen des Living Labs

Le Living Lab est une approche d’innovation ouverte conjuguée à une approche centrée sur l’usager. On fait aussi appel à des approches d’innovation territoriales qui se déroulent en contexte réel. Les chercheurs accordent une valeur importante aux questionnements et à l’évaluation évolutive. On s’interroge sur le processus, puis on réintègre les résultats de nos expérimentations dans le projet. 

C’est très important de partir de la problématique des usagers, puisqu’ils sont au cœur des expérimentations et de la résolution des problématiques. C’est vraiment une rencontre de savoir et de cocréation de solutions entre les savoirs tacites et la recherche.

Pour le CEFRIO, les laboratoires vivants constituent un espace d’innovation ouverte en contexte réel avec multipartenaires et centré sur les usagers où les partenaires participent conjointement à l’élaboration des services, produits, approches, pratiques, applications en lien avec les technologies comme objets d’étude ou comme outis.

Retour à la problématique

Alors, est-ce qu’un laboratoire vivant pourrait devenir l’une des voies de solutions envisagées pour faire émerger des solutions innovantes pour la problématique soumise par le CRISPESH ? Pour Marc Tremblay, il y a des réflexions à avoir d’ici la deuxième rencontre du laboratoire VTÉ. « Mon but caché, c’était de faire la démonstration qu’il n’y a pas juste les spécialistes en adaptation scolaire qui peuvent réfléchir sur la question. Le défi a été bien relevé par les présentateurs. Je suis content de pouvoir aller chercher les commentaires d’autres gens qui sont à l’extérieur de la situation. Je crois qu’il est important de mobiliser le plus de gens possible. »

 

 

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