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24 novembre 2021

La réalité virtuelle pour enseigner les comportements sécuritaires en Technologie minérale

La réalité virtuelle présente un intérêt pédagogique certain pour l’enseignement des comportements responsables à adopter en matière de santé et de sécurité au travail.

Comment expliqueriez-vous où sont les angles morts sur un camion de roulage Caterpillar 797? Vous auriez probablement de la difficulté à le faire clairement et précisément, même si vous en conduisiez un depuis 25 ans.

Dans l’industrie minière, il y a plusieurs dangers qui sont difficiles à décrire et qui doivent être expérimentés sur le terrain pour être bien compris.

Pour pallier ce problème, une petite équipe du Cégep de Thetford a décidé d’amener le terrain en classe grâce à la réalité virtuelle (RV). Leur application, développée en partenariat avec la firme de RV Super Splendide, téléporte les étudiants sur un site d’exploitation minière pour qu’ils puissent expérimenter certaines situations dangereuses sans quitter le confort de leur salle de classe.

Nadia Paquet et Jean-François Huard ont été si satisfaits des résultats qu’ils ont obtenus avec l’application sur les angles morts qu’ils ont décidé d’en développer une deuxième, qui place les étudiants dans des situations dangereuses en usine.

Pour leurs 2 simulations, Nadia Paquet et Jean-François Huard ont remporté le Prix du ministère de l’Enseignement supérieur au concours des Trophées du numérique.

La vidéo de présentation des 2 simulations pour les Trophées du numérique

La genèse de l’application sur les angles morts des véhicules miniers

À l’automne 2017, Nadia Paquet, enseignante en Technologie minérale au Cégep de Thetford, a commencé à réfléchir à un projet de réalité virtuelle avec le répondant TIC de son collège, Éric Cloutier. Ils avaient tous les 2 développé de leur côté un intérêt pour cette nouvelle technologie et avaient perçu son potentiel pédagogique pour les étudiants de Technologie minérale.

Jean-François Huard, un autre enseignant du programme, a entendu parler du projet et s’est rapidement joint au remue-méninge.

Le projet a progressé lentement pendant environ 1 an, jusqu’à que les 3 personnes rencontrent des intervenants de Coalia (qui s’appelait alors le Centre de technologie minérale et de plasturgie) et du Centre de développement et de recherche en intelligence numérique (CDRIN, Cégep de Matane), qui les ont aidés à clarifier leur vision de l’application. Ils étaient prêts à soumettre leur idée à la direction du collège.

Évidemment, développer une application de réalité virtuelle est une démarche coûteuse qui prend du temps. Pour cette raison, la direction du Cégep de Thetford était initialement hésitante à donner le feu vert au projet, mais s’est aisément laissée convaincre par les premières images du prototype de l’application!

Même avec le soutien de la direction, un projet si complexe n’aurait pas été possible sans un financement et une assistance technique externes. Le CDRIN, le CTMP, Super Splendide et le Cégep de Thetford ont fourni un soutien financier pour le développement de la première application.

Le soutien technique était fourni par Super Splendide, qui a pris en charge la conception de l’expérience immersive et la création de l’application.

Jean-François et Nadia ont collaboré à la collecte d’images utilisées dans l’application ainsi qu’à l’élaboration du scénario à partir des notions théoriques à enseigner. Par exemple, lorsqu’un employé arrive près d’un camion minier, il doit s’assurer d’être vu en communiquant avec l’opérateur du véhicule verbalement, mais aussi par un signal de la main. La nécessité de cette double intervention a donc été prise en compte dans la mécanique de jeu conçu par Super Splendide.

Comment fonctionne la simulation sur les angles morts des véhicules miniers?

L’application transporte les étudiants sur le site d’une mine pour expérimenter plusieurs des dangers auxquels ils feront face dans leur travail.

Les étudiants se « téléportent » de situation en situation et doivent identifier les employés qui sont dans une situation dangereuse (par exemple, les employés qui se trouvent dans l’un des angles morts d’un camion) en utilisant les manettes fournies avec le casque de RV.

Chaque étudiant dispose d’une limite de temps pour donner un maximum de bonnes réponses, ce qui les garde alertes et ajoute un aspect compétitif à l’activité. Le tableau de pointage s’est d’ailleurs avéré l’une des composantes les plus appréciées de l’application.

À la fin de l’activité, l’étudiant est transporté dans la cabine du conducteur du véhicule, d’où il peut revoir l’ensemble des actions posées à partir d’un autre point de vue.

Optimiser l’utilisation de la RV en classe

Puisque la RV est une technologie relativement nouvelle, peu d’étudiants ont déjà eu la chance de l’essayer. Pour les aider à s’initier à cette technologie, les enseignants commencent par demander aux étudiants de visionner des vidéos 360° de mines souterraines ou de surface. Lorsque tous les étudiants sont à l’aise avec le média, ils peuvent passer aux scénarios préparés par leurs enseignants.

L’une des principales préoccupations de Nadia et Jean-François était de trouver la meilleure façon d’intégrer l’application dans leur pratique pédagogique pour maximiser l’acquisition des connaissances : avec un seul casque de RV, comment faire en sorte que le reste du groupe soit engagé dans l’activité?

Les 2 enseignants ont décidé de projeter le flux du casque sur un tableau blanc et de faire travailler les étudiants en équipes. Ils font un cumul des scores par équipe, ce qui fait en sorte que les étudiants collaborent les uns avec les autres. Résultat: toute l’équipe développe ses habiletés de communication.

Quels sont les avantages de l’utilisation pédagogique de la RV?

Évidemment, l’effet de nouveauté lié à l’utilisation d’un casque de RV stimule la motivation des étudiants. Nadia estime que seulement le quart des étudiants avait déjà expérimenté la RV. La majorité était très excitée d’essayer quelque chose de nouveau.

Les enseignants soulignent l’augmentation de la réaction émotive des étudiants. Comme ils vivent des situations dangereuses, le risque semble beaucoup plus réel, ce qui entraîne une meilleure rétention des connaissances. Plusieurs ont fait des liens avec leur vie quotidienne: quand on sait à quel point la visibilité est limitée depuis le siège du conducteur d’un camion, on est plus prudent lorsque l’on circule autour des imposants camions de déneigement.

Finalement, l’aspect ludique de l’application alimente une saine compétition entre les étudiants, qui les motive à répéter l’activité souvent pour améliorer leur score (et leur maîtrise des contenus du même coup)!

Une simulation qui met l’étudiant sur les lieux d’un accident de travail

Une nouvelle application, financée en partenariat par le Cégep de Thetford et Super Splendide, et avec le soutien du Plan d’action numérique, a été terminée en mars 2020. La pandémie a retardé son implantation dans un cours. Celle-ci aura lieu au cours de l’année scolaire 2021-2022.

Créée en collaboration avec Rio Tinto Alcan, cette application place l’apprenant dans une situation où il doit prévenir un accident, dans un milieu de travail.

L’étudiant dispose d’environ 5 secondes pour apporter les correctifs nécessaires avant qu’un accident ne se produise. S’il ne parvient pas à identifier correctement la cause, il est alors témoin de cet accident.
Quand un accident survient, cela cause toujours un effet de surprise chez les étudiants. Toutefois, un soin particulier a été apporté afin de ne pas causer des « plaies d’apprentissage ». Ainsi, aucun personnage ne meurt dans notre simulation.

Lorsque l’étudiant réussit à éviter une situation d’accident, il est alors transporté sur le lieu d’un nouvel accident qu’il doit aussi prévenir. Cette chaîne d’accidents potentiels se poursuit pendant 5 minutes. L’étudiante ou l’étudiant doit résoudre le plus de cas possibles au cours de ce laps de temps.

Augmenter le photoréalisme d’images

Par ailleurs, le Cégep de Thetford a travaillé en 2019-2020 avec le CDRIN sur un projet du Programme d’aide à la recherche et au transfert (PART) pour augmenter le photoréalisme dans les environnements de formation (réalité virtuelle, vidéo 360).

Une image captée par un drone, à gauche, et une version de la même image créée à l'aide de Unity, à droite

Une image captée par un drone, à gauche, et une version de la même image créée à l’aide de Unity, à droite

Réfléchir à la pertinence de la RV en enseignement et en apprentissage

Si nos projets ont piqué votre curiosité, visionnez l’enregistrement du laboratoire virtuel sur les technologies immersives organisé par la Vitrine technologie-éducation (maintenant Éductive), dans lequel Éric Cloutier a fait une présentation du projet et discuté de la pertinence pédagogique de la RV.

Remerciements

Merci à Éric Cloutier, Nadia Paquet et Jean-François Huard pour leur précieuse collaboration pour la rédaction de cet article!

À propos des auteurs

Simon Côté-Massicotte

Simon est rédacteur et éditeur pour Éductive et enseigne l’anglais langue seconde au Cégep Limoilou. Il est passionné de littérature et est détenteur d’un baccalauréat en études anglaises de l’Université Laval. Il est mu par le désir d’améliorer l’expérience d’apprentissage de ses étudiants et ses intérêts pour la pédagogie numérique incluent l’apprentissage actif et la ludification.

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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