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27 avril 2017

L’influence du numérique sur les bibliothèques collégiales: vers un prolongement de nos salles de classe

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Je n’avais jamais vraiment réfléchi au rôle de la bibliothèque collégiale avant de tomber sur un article très inspirant intitulé : How This School Library Increased Students Use by 1,000 Percent (« Comment cette bibliothèque scolaire a réussi à augmenter son taux d’utilisation de 1000 pour cent auprès des élèves »). Paru en 2016, cet article raconte comment une école secondaire aux États-Unis a transformé sa bibliothèque pour la convertir en un espace de collaboration à aire ouverte. L’enseignante que je suis a trouvé ce concept à la fois inspirant et emballant. Ne serait-il pas merveilleux de me retrouver dans une salle remplie de matériel et d’outils TIC que mes étudiants pourraient utiliser de manière collaborative? Une bibliothèque animée, vivante, où se trouveraient des groupes d’étudiants en train de travailler, de parler, de créer et d’apprendre ensemble. Un endroit dans lequel un « bibliothécaire TIC » serait disponible pour aider les étudiants lorsqu’ils ont des questions ou qu’ils rencontrent un problème avec l’un des outils utilisés. Cela m’a amenée à réfléchir à nos bibliothèques collégiales. Serait-ce possible? Pourrais-je rêver d’avoir accès au prolongement de ma salle de classe pour soutenir un apprentissage encore plus actif et des projets collaboratifs? Les TIC prennent de plus en plus de place dans nos stratégies d’enseignement et d’apprentissage: comment les bibliothèques s’inscrivent-elles dans cette mouvance pédagogique?

La bibliothèque scolaire présentée dans l’article a connu une évolution impressionnante: de l’endroit le moins fréquenté de l’école (environ une dizaine d’élèves par semaine), elle est devenue son lieu le plus populaire. Pour réaliser cette transition, les rayons ont été alignés sur les murs extérieurs de la pièce pour dégager le centre et créer l’espace à aire ouverte nécessaire pour le type d’installation souhaitée. Les nouveaux équipements incluent des écrans de téléviseur compatibles avec les appareils mobiles, un projecteur interactif, un tableau blanc amovible, des écrans tactiles, un fond vert et du matériel pour l’enregistrement vidéo, des tablettes iPad et des ordinateurs de table. Le mobilier traditionnel a même été remplacé par des tables et des chaises à roulettes. Ces modifications ont permis d’étendre la classe dans l’école en offrant un aménagement dont ne disposent pas toutes les salles et en permettant aux enseignants et aux élèves d’utiliser ce nouvel espace en complément à leur classe habituelle. Lorsque ce projet a débuté, il ne bénéficiait d’aucun soutien financier. Le comité responsable a sollicité des dons de téléviseurs et de mobilier (auquel il était possible de rajouter des roulettes) pour commencer. Finalement, l’école a obtenu une bourse de 20 000 $ qui lui a permis d’investir dans leur équipement de rêve. Puisqu’il s’agissait d’une école secondaire, et non d’un collège, je me suis demandé si ce type d’aménagement d’apprentissage à aire ouverte pouvait s’implanter dans notre milieu.

J’ai effectué quelques recherches et j’ai trouvé quelques universités canadiennes qui étaient en train de se tourner vers des espaces collaboratifs ouverts, aussi appelés collaborative commons. Il n’y avait aucune mention des TIC ni de l’équipement utilisé par les étudiants, seulement d’un espace où les groupes pouvaient travailler ensemble, sans avoir à parler à voix basse, et dans lequel ils étaient libres de déplacer le mobilier selon leurs besoins. J’ai ensuite concentré mes recherches vers les cégeps pour savoir s’ils s’inscrivaient dans ces changements. J’ai été agréablement surprise par mes trouvailles! Le plan de développement des prochaines générations de bibliothèques collégiales correspond en tous points à mon rêve pour le futur. Les administrateurs des bibliothèques travaillent déjà à faire des espaces collaboratifs TIC une réalité!

Je me suis entretenue avec plusieurs acteurs du réseau collégial et j’ai appris que la vision des bibliothèques collégiales est de passer d’un endroit où l’on cherche des livres à un lieu où les étudiants et les enseignants sont soutenus activement. Le type de soutien varie grandement selon les programmes offerts par le collège. Les bibliothèques offrent :

  • Le prêt de livres et d’ouvrages de référence
  • La location de matériel électronique comme des ordinateurs portables, des iPad, des caméras, etc.
  • Des espaces pour le travail collaboratif (parfois dans des salles fermées)
  • Des salles technologiques de formation pouvant accueillir une classe entière. Les formations portent sur des sujets variés (par exemple, comment effectuer une recherche efficace ou citer correctement ses sources)

Selon Marc Julien, spécialiste en moyens et techniques d’enseignement (SMTE) au Cégep Limoilou, le personnel des bibliothèques doit se montrer flexible et prêt à offrir du soutien dans différentes circonstances. L’équipe de la bibliothèque du campus de Charlesbourg a remarqué que les types de demande avaient beaucoup changé au cours des dernières années. La bibliothèque a plusieurs vocations différentes aujourd’hui et le défi que cela représente pour le personnel est de s’adapter rapidement et de manière proactive pour arriver à suivre l’évolution des besoins des étudiants et des enseignants.

Nicole Haché, coordonnatrice de la bibliothèque du Collège régional Champlain Saint-Lambert, voit le rôle de sa bibliothèque comme un créateur de partenariats entre les programmes et les enseignants de son collège, de sorte qu’elle parvient à répondre aux demandes d’aide et aux services dont tous les intervenants ont besoin. Nicole résume ainsi sa vision de la bibliothèque :

La réussite étudiante est une préoccupation que notre bibliothèque prend vraiment à coeur. Ce ne sont pas les livres qui la rendent si importante, mais les services qu’elle offre.

La bibliothèque du campus de Charlesbourg au Cégep Limoilou est divisée en plusieurs zones pour offrir différents services aux étudiants et aux enseignants.

Nathalie Faure, technicienne en documentation au Collège Champlain St-Lawrence, est du même avis. Parmi l’offre de services aux étudiants, l’accompagnement dans la recherche documentaire et la formation sur les méthodes de recherche efficaces sont devenus des pôles importants pour lesquels la bibliothèque du campus St-Lawrence joue un rôle de premier ordre. Nathalie explique que, par le passé, les ouvrages de référence disponibles à la bibliothèque provenaient de sources fiables. Les étudiants n’avaient pas autant besoin d’être guidés dans le choix de leurs sources. Aujourd’hui, ils doivent apprendre à identifier une source fiable lorsqu’ils effectuent des recherches en ligne. Cela fait maintenant partie de l’offre de services de la bibliothèque, qu’il s’agisse de donner des formations à une classe entière, d’offrir de l’aide individuelle à la recherche ou d’effectuer du prêt de matériel informatique, comme des ordinateurs portables ou des tablettes iPad. Le personnel de la bibliothèque est prêt à aider les étudiants pour soutenir leur réussite.

En plus des aménagements pour la formation et le soutien à la recherche, les nouvelles bibliothèques misent également sur les espaces collaboratifs. Au Collège Champlain St-Lawrence, plusieurs salles sont réservées pour le travail en équipe. Pas besoin de chuchoter dans ces locaux, puisqu’ils sont stratégiquement situés près de l’aire de circulation et du bureau des prêts, ce qui s’avère bien utile lorsque les étudiants ont des questions. Un agrandissement éventuel de la bibliothèque pourrait offrir davantage de ces types de salle. Dans une autre partie de la bibliothèque, nous retrouvons des postes de travail individuels avec ordinateurs. Au campus de Saint-Lambert, la bibliothèque est sur plusieurs étages, ce qui permet au collège de bien structurer et d’organiser l’ensemble des services offerts aux étudiants et au personnel enseignant. Par exemple, au premier étage, la bibliothèque offre une aire ouverte destinée au travail collaboratif: les étudiants peuvent déplacer les chaises et les tables selon leurs besoins. Des ordinateurs sont mis à la disposition des étudiants et une salle pour la formation documentaire se trouve au même étage.

La bibliothèque du campus de Charlesbourg (Cégep Limoilou) a intégré des salles collaboratives dotées d’un tableau blanc et d’un moniteur pouvant se connecter à un ordinateur portable. Dans la même partie de la bibliothèque, des tables avec différents jeux, comme un jeu d’échecs, offrent aux étudiants la possibilité de prendre une pause et de se détendre entre 2 séances d’études. Il s’agit d’une initiative particulièrement importante, puisque l’anxiété des étudiants est un phénomène ayant pris une grande ampleur dans le réseau collégial. Dans une zone différente, des ordinateurs sont mis à la disposition des étudiants pour le travail individuel et tout au bout de la bibliothèque se trouve une classe d’apprentissage actif. La bibliothèque du campus de Charlesbourg possède quelques atouts supplémentaires comme un service de l’audiovisuel, situé dans les locaux de la bibliothèque, qui offre un fond vert, une salle pour la création et l’édition de vidéos et même la présence d’une technicienne sur place!

L’étage principal de la bibliothèque au Cégep Champlain St-Lambert a été conçu comme une aire ouverte pour le travail collaboratif pour les étudiants.

Ces exemples montrent comment le Regroupement des bibliothèques collégiales du Québec (REBICQ) voit le rôle des bibliothèques collégiales. Tous les spécialistes que j’ai interrogés ont réitéré l’impact positif des changements à venir de même que la vision commune portée par le REBICQ. Il y a une volonté de saisir cette occasion d’offrir les services nécessaires à l’apprentissage et à la réussite des étudiants. La rapidité de ces changements est souvent tributaire du montant de financement disponible, puisque les rénovations requises pour le réaménagement de l’espace sont dispendieuses. Cela n’a toutefois pas empêché les bibliothèques d’aller de l’avant, notamment en effectuant des changements qui ne nécessitent pas d’investissement substantiel.

Pendant le processus ayant mené à la rédaction de cet article, j’ai découvert que ma bibliothèque idéale était déjà en train de devenir une réalité. Le futur de nos bibliothèques collégiales est excitant, tant pour les étudiants que pour les enseignants. De voir que les bibliothèques se transforment et évoluent dans l’objectif d’offrir de l’aide et des services essentiels à l’ère du numérique est aussi un soulagement. Par ce changement de paradigme dans les bibliothèques, les enseignants gagnent des alliés et les étudiants trouvent l’aide et l’accompagnement dont ils ont besoin. Nos bibliothèques collégiales sont en train de devenir une extension de nos salles de classe, avec une offre de services et une expertise absolument cruciales pour les étudiants. Je vous invite d’ailleurs à vous informer davantage au sujet de votre bibliothèque institutionnelle: je suis convaincue que vous serez, vous aussi, agréablement surpris par tout ce qu’elle offre!

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Nicole Perreault
Nicole Perreault
28 avril 2017 0h50

Bravo pour cet article qui met en lumière l’apport considérable des bibliothèque collégiales pour soutenir la réussite de nos étudiants, cela dans un esprit de collaboration et de renouvellement à l’affût des pratiques gagnantes à l’ère du numérique.

Daniel Marquis
Daniel Marquis
28 avril 2017 13h57

Le support numérique s’impose progressivement et nous amène à délaisser le format papier. C’est le cas pour les périodiques avec Eureka ( 5 000 titres), Érudit, Repère, Cairn et Ebsco. Je transfert annuellement plus de 2 000$ de mon budget d’abonnement vers les ressources numériques de revues, journaux et magazines. Exit la reliure annuelle de revues. Pour les documentaires vidéo l’offre de Curio (Radio-Canada), CVE (Grics Télé-Québec) et YouTube est considérable même si on achète encore des DVD documentaires et de Fiction. Pour le livre la situation est différente, nos clientèles ne sont pas toujours bien formées à ces usages et pourtant l’avenir est là notamment avec la Collection canadienne globale de ProQuest et Pretnumerique.ca Pour les ouvrages de référence, ils servent très peu avouons-le et l’Encyclopédie Universalis est une bonne source. Pour la musique sur CD: oublions le tout, on a diminué nos achats de 90% et on est pris avec une collection de 7 000 titres qui ne sert plus.

Toutefois le principal défi n’est pas là, il est avant tout dans une réingénierie complète des postes (cadre, +professionnel, soutien) au niveau de la dotation et de l’organisation du travail pour tenir compte des exigences du numérique. Il est aussi dans la formation de nos usagers aux exigences de ce nouveau support. Il est aussi au niveau du portail web soutenant ces usages.

Les espaces physiques des bibliothèques doivent se transformer comme le démontre cet article et les réalisations de Limoilou, Charlesbourg et Saint-Lambert.

A ce sujet une suggestion de lecture : Reimagining The Academic Library de David W. Lewis. (disponible chez amazon et en peb au Centre de documentation collégiale et partiellement sur GoogleBooks https://books.google.ca/books?id=F34SDAAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false ) et sa conférence en ligne https://youtu.be/8-SYUslsVfg )

Ainsi on pourrait se poser la question, dans cette transition, compte tenu de programmes pré-universitaires et techniques communs et de besoins similaires, pourquoi réinventer la roue 53 fois … ne pourrait-on pas envisager une Grande bibliothèque collégiale commune à tout le territoire québécois pour l’accès au numérique et des bibliothèques locales offrant ce qui est pas numérique et le service audiovisuel? Des bibliothèques locales contribuant à la Grande bibliothèque numérique pour l’ajout de ressources et accordant plus de temps au support (référence) et à la formation documentaire des étudiants et des enseignants?

Est-ce possible? La culture organisationnelle des cégeps laisse peu de chance à l’édification de cette bibliothèque mais qui sait ?

Anne-Frédérique Champoux
Anne-Frédérique Champoux
2 mai 2017 21h04

Merci pour cet article éclairant, qui met bien en valeur la capacité d’adaptation et d’innovation des bibliothèques collégiales (de même que celle du personnel!). Oui, plusieurs de nos bibliothèques ont été rénovées au cours des dernières années. Mais au-delà de ces changements physiques, c’est souvent l’ensemble de l’offre de services aux étudiants et à toute la communauté collégiale qui se trouve repensée. De nos jours, les techniciens en documentation et les bibliothécaires collégiaux s’attachent à repenser leur rôle. Il ne s’agit plus simplement d’acheter des livres et de les mettre sur les rayons. Mes collègues deviennent véritablement des « accompagnants » dans les activités d’enseignement et d’apprentissage. Ils sont des formateurs, ils créent du matériel pédagogique, ils veillent au respect des droits d’auteur, ils évaluent des ressources électroniques, ils négocient des licences, ils font de la veille, ils participent à des comités… je pourrais continuer. En un mot, ils travaillent pour demeurer en phase avec les avancées technologiques et pédagogiques. En plus, ils font en sorte que la bibliothèque s’inscrive véritablement dans « la vie » du collège, aménagent des lieux invitants que la communauté aime fréquenter, les animent par des conférences ou des expositions, assurent la présence de la bibliothèque sur le web et les médias sociaux, prennent part aux « grands événements » qui rythment les années scolaires, etc. Pour moi, la bibliothèque est plus que jamais un espace de mise en relation, d’un lecteur avec un livre, d’un chercheur avec une information, d’un étudiant avec un outil ou une technologie, d’un professeur avec une ressource éducative, d’une personne avec une autre.

Caroline Villeneuve
Caroline Villeneuve
3 mai 2017 13h59

Merci pour ce commentaire qui met en lumière le rôle des techniciens en documentation et celui des bibliothécaires au collégial à l’ère du numérique. Je ne peux qu’appuyer tes propos en observant le travail des employés de la bibliothèque du Cégep Limoilou, les locaux de Profweb étant situés au campus de Charlesbourg.