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1 février 2018

Un projet international pour développer les compétences interculturelles des étudiants en stage à l’étranger

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

À partir de 2018 et pour une période de 3 ans, nos cégeps respectifs s’impliqueront dans le projet E-Learning for Intercultural Skills in Social Education (ELISSE). Ce projet international en travail social a vu le jour afin de répondre à un besoin criant en matière de développement des compétences interculturelles auprès d’étudiants collégiaux et universitaires dont les stages se réalisent à l’étranger. Outre la réalité terrain, les codes sociaux et les modes de communication en milieu de stage (y compris avec les superviseurs) diffèrent grandement d’une culture à l’autre et constituent des facteurs de dépaysement supplémentaires pour les étudiants. Le projet ELISSE vise à améliorer leur accompagnement pédagogique à distance, notamment par le développement d’outils construits par l’ensemble des établissements partenaires du projet.

L’origine du projet interculturel en travail social

Le projet est né de différents besoins repérés dont les principaux peuvent être résumés ainsi :

  • Besoin de formation des intervenants et travailleurs sociaux qui travailleront en milieu multiculturel après leurs études;
  • Besoin d’améliorer l’accompagnement pédagogique des mobilités étudiantes internationales […];
  • Besoin d’améliorer les compétences des écoles de travail social en matière de formation à distance.

Source : Site du Projet ELISSE

L’initiateur du projet est Jean Malbos, professeur en intervention sociale à Clermont-Ferrand. Ce domaine regroupe des programmes en travail social, en éducation spécialisée et en éducation à l’enfance.

Jean Malbos a constaté que le manque de compétences interculturelles des étudiants entravait parfois le bon déroulement de leur stage. Même s’ils sont bien préparés, plusieurs étudiants vivent un choc culturel dans le milieu d’accueil. Certains éprouvent un certain désarroi en constatant que les modèles et les méthodes d’intervention appris dans leur pays d’origine ne fonctionnent pas d’emblée dans une autre culture. La communication avec le superviseur de stage local peut aussi s’avérer difficile, puisque les codes sociaux ne sont pas les mêmes. Plusieurs étudiants ont l’impression de vivre une situation d’échec.

Au fil de ses rencontres avec d’autres enseignants et superviseurs dans les milieux de stage, Jean Malbos a réalisé qu’il s’agissait d’une problématique partagée. Ces professeurs spécialistes ont donc entrepris un projet pour y remédier. Grâce au financement de 260 000 euros du programme Erasmus+, ce projet a mobilisé la collaboration d’établissements issus de 6 pays :

  • France
  • Belgique
  • Portugal
  • Italie
  • Pays-Bas
  • Canada

Des partenariats ont aussi été conclus dans 4 pays d’accueil pour la réalisation des stages :

  • Côte d’Ivoire
  • Sénégal
  • Vietnam
  • Madagascar

L’équipe du projet ELISSE, composée d’enseignants en travail social et de spécialistes en interculturalité. Martin représentait l’équipe d’ingénierie pédagogique. Photo prise lors de la rencontre de décembre 2017 à Clermont-Ferrand par Jean Malbos.

L’objectif du projet ELISSE est de soutenir les étudiants des différents programmes en intervention sociale dans l’acquisition de compétences interculturelles avant, pendant et après leurs stages. Nous souhaitons qu’ils soient outillés pour mieux comprendre la culture dans laquelle ils se trouvent et qu’ils puissent adapter leurs méthodes d’intervention de manière contextualisée. Au terme de leur stage, les étudiants auront développé des compétences interculturelles transposables dans n’importe quel autre contexte où ils auront à intervenir auprès d’une clientèle issue d’une culture différente de la leur.

On parle souvent du choc à l’arrivée, mais il y a aussi un « choc du retour » pour plusieurs stagiaires. Avoir des collègues avec qui échanger peut faire une grande différence. Nous espérons que les outils développés permettront de créer une communauté d’apprentissage et d’entraide, où d’anciens stagiaires pourront également intervenir.

Une expertise québécoise reconnue à l’international

Le Cégep Marie-Victorin et le Cégep régional de Lanaudière à Joliette forment un seul et même partenaire canadien (outre-mer) au sein du projet ELISSE.

Le Cégep Marie-Victorin est actif depuis plus de 35 ans dans le milieu du développement et de la coopération internationale. La création en 2005 d’un Bureau de développement international (BDI) est une manifestation concrète d’un des appels du Projet éducatif du Cégep, qui valorise la découverte d’autrui et du monde. La dimension internationale du Cégep Marie-Victorin est présente à travers tous les programmes d’études à l’enseignement régulier.

Dans son engagement vers l’international, le Cégep Marie-Victorin travaille avec de nombreux partenaires outre-mer, notamment avec l’Institut du Travail Social de la Région Auvergne (ITSRA) où enseigne Jean Malbos. Les étudiants stagiaires dans le domaine de l’intervention sociale ont partagé, par le passé, les mêmes milieux de stage que ceux de Jean Malbos.

En raison de notre expertise dans la préparation des étudiants en vue de leur stage à l’étranger, Jean Malbos a fait appel à nous, à titre de partenaire outre-mer, pour le projet ELISSE. C’est donc à titre de conseillère au BDI que je travaille sur ce projet, car c’est moi qui serai en lien avec les enseignants et les étudiants qui participeront à ce projet. Marie-Élaine

Le Cégep régional de Lanaudière à Joliette s’est par la suite joint au projet. L’établissement travaille depuis plusieurs années avec l’ITSRA. C’est par ce lien qu’une enseignante de Techniques d’éducation spécialisée, Audrey Pelletier, a été sollicitée pour participer au projet ELISSE. L’équipe comprenait déjà plusieurs enseignants en travail social ayant de très bonnes connaissances et compétences en interculturalité, mais personne pour les former et les accompagner dans l’appropriation des outils technologiques et l’enseignement à distance.

Audrey m’a contacté pour me proposer de me joindre au projet. Après un premier contact avec Jean Malbos, j’ai proposé de créer une équipe d’ingénierie pédagogique. Mon expérience d’enseignant pendant 15 ans dans une école d’ingénieur en France a pesé dans la balance. Mon mandat dans le projet ELISSE consiste à coordonner l’équipe responsable de la mise en place et du développement des outils de formation. Martin

L’enjeu est d’arriver à transposer à distance des outils pédagogiques déjà utilisés et éprouvés en présentiel par les différents partenaires. C’est également cette équipe qui offrira une formation et un accompagnement technologique initial aux enseignants. Par la suite, chaque établissement sera en charge de ses propres formateurs.

Deux modalités pédagogiques innovantes… et leurs défis!

Jumelage d’étudiants de différents pays dans un même milieu de stage

Cette modalité vise à encourager un croisement des perceptions culturelles entre des étudiants d’origines diverses. Idéalement, nous aimerions que des stagiaires de pays différents soient jumelés dans un même milieu de stage (effectué aux côtés d’un étudiant local), mais la conciliation des calendriers scolaires pose un défi. Par exemple, au Québec, les stages s’inscrivent généralement aux sessions d’automne et d’hiver, puisqu’ils correspondent à des stages de fin d’études. En France, ils ont plutôt lieu au printemps.

Le contexte de formation varie aussi grandement d’un pays à l’autre et d’un programme à l’autre. Les étudiants qui partent en stage à l’étranger n’ont pas tous eu la même formation préalable. Un défi consiste à développer du matériel pédagogique universel, sans donner une impression de « déjà vu » à ceux qui auront déjà suivi une formation sur l’interculturalité.

L’origine des étudiants peut aussi avoir un impact sur l’accueil reçu en milieu de stage. Les étudiants provenant de pays européens au passé colonial peuvent percevoir une tension à cet égard dans certains pays d’accueil. Nos outils d’accompagnement doivent tenir compte de ces relations particulières. La collaboration entre les stagiaires constitue une approche innovante pour soutenir un échange interculturel et une meilleure compréhension réciproque.

Accompagnement pédagogique à distance

La localisation des stages à l’international pose certains défis d’accessibilité technologique. Ce ne sont pas tous les milieux qui disposent d’un accès internet (et sa vitesse est variable). Dans certains pays, il arrive même que l’accès à l’électricité soit limitée et nécessite l’usage de génératrices. Lors de la création des outils pédagogiques pour la formation à distance, l’équipe devra tenir compte des contraintes d’accès et du matériel technologique disponible dans les milieux de stage. Par exemple :

  • Il y aura vraisemblablement un environnement numérique d’apprentissage pour centraliser les ressources mises à la disposition des étudiants. Mais la vitesse internet permettra-t-elle de télécharger aisément des fichiers, notamment audio? La bande passante pourra-t-elle soutenir des vidéos? Toute la question de la communication synchrone en dépend, d’autant que la dimension relationnelle occupe une place importante dans les domaines du travail social, tant pour les étudiants que pour les enseignants. La solution de communication ne passera pas forcément par le web. Le téléphone, lui, fonctionne toujours…
  • Les outils offerts aux étudiants dépendent des moyens informatiques accessibles sur place. Si les étudiants utilisent des postes d’ordinateur, le système d’exploitation et les logiciels seront-ils compatibles? Le journal de bord semble un outil incontournable pendant les stages. Nous devons prévoir comment et sur quel support les étudiants pourront rédiger, envoyer leur travail et recevoir une rétroaction.

L’objectif à long terme est que ces outils puissent convenir peu importe la destination. Nous devons donc miser sur une approche minimaliste, qui s’appuie sur le moins de ressources possibles, tout en prévoyant un éventail d’options selon le contexte des stages.

Les prochaines étapes du projet

Une première phase diagnostique s’est déroulée en 2016-2017. Nous avons distribué des questionnaires pour connaître les besoins des étudiants et pouvoir mieux les outiller. Nous devions aussi définir quelles sont les compétences interculturelles à développer par les stagiaires. Cette première étape s’est achevée en décembre 2017 par une rencontre à Clermont-Ferrand.

À l’hiver 2018, notre objectif sera de formuler des recommandations à ce sujet auprès des établissements partenaires et d’entamer la phase de création des outils de formation à distance. Une première rencontre à cet effet aura lieu début février, en Italie. L’équipe d’ingénierie pédagogique développera ensuite des outils et Martin offrira une formation aux enseignants du projet en mars, lors d’une rencontre qui aura lieu au Portugal.

À la rentrée d’automne 2018, une quarantaine de stagiaires pourront déjà expérimenter le jumelage dans le pays d’accueil et la formation à distance du projet ELISSE. Nous avons hâte de vous raconter la suite du projet!

À propos des auteurs

Marie-Élaine Lambert

Détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en géographie, Marie-Élaine est enseignante au Cégep Marie-Victorin depuis 14 ans. Elle est l’enseignante responsable du Projet international, en sciences humaines. Depuis janvier 2017, elle est également conseillère à la mobilité étudiante et enseignante pour le Bureau de développement international, dans le même Cégep. Depuis sa participation, en 2002, à un stage de coopération international au El Salvador, elle s’efforce de sensibiliser ses étudiants aux grandes inégalités sociales et surtout à l’importance de l’ouverture à l’autre.

Martin Richard

Détenteur d’un baccalauréat, d’une maîtrise et d’un doctorat en informatique, Martin a été enseignant chercheur pendant 15 ans dans une école d’ingénieur. Depuis 2010, il est conseiller pédagogique au Cégep régional de Lanaudière à Joliette. Il s’intéresse particulièrement à la scénarisation pédagogique et à l’intégration des outils technologique à l’enseignement.

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Jessika Vigneault
Jessika Vigneault
7 février 2018 14h24

Félicitations Marie-Élaine et Martin pour votre projet novateur et si important !