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10 mars 2015

Votre utilisation des TIC en classe est-elle réellement innovante?

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Certains parmi vous connaissent peut-être déjà Alan November. Ce chercheur a été désigné par le magazine Tech and Learning comme l’un des 15 penseurs les plus influents de la dernière décennie aux États-Unis. Son domaine d’expertise porte sur l’intégration des TIC en pédagogie. Il est d’ailleurs l’un des fondateurs de la Stanford Institute for Educational Leadership Through Technology. En janvier 2015, il a animé le webinaire Clearing the Confusion between Technology Rich and Innovative Poor, au cours duquel il a proposé 6 questions qui permettent aux enseignants de réfléchir à la définition de l’innovation en matière de technologies éducatives et d’évaluer leur propre pratique. Au début, 90% des participants du webinaire croyaient faire preuve d’innovation en éducation grâce à la technologie, mais ils se sont presque tous ravisés à la fin de l’activité. Vous êtes curieux de savoir pourquoi? Nous vous proposons un survol de ces 6 questions pour le découvrir.

1. L’utilisation du numérique pour une tâche contribue-t-elle au développement de l’esprit critique sur le web?

Sur le web, il y a de tout! Certaines sources sont crédibles, certaines ne le sont pas, et une multitude d’autres ont un statut ambigu. Avant l’ère du numérique, la situation était relativement simple : l’enseignant sélectionnait les textes appropriés à la thématique à l’étude. L’étudiant n’était pas laissé à lui-même face à une marée d’informations, comme c’est le cas aujourd’hui. Qu’est-ce qui est juste? Qu’est-ce qui est faux? Comment séparer le bon grain de l’ivraie? Comme enseignants, nous observons chez nos étudiants de profondes lacunes, non seulement en matière de sélection de l’information, mais également en recherche d’information. Par exemple, des étudiants ont parfois le réflexe de taper le sujet de leur devoir dans un moteur de recherche et ils se fient aux premiers résultats qui apparaissent. Il faut leur montrer comment utiliser ces moteurs de recherche, en particulier leurs options avancées, pour les aider à effectuer une recherche efficace à partir de mots-clés choisis judicieusement. C’est de cette façon que les étudiants développeront leur esprit critique afin de chercher et de sélectionner l’information pertinente.

2. Est-ce que la tâche demandée a permis aux étudiants de développer de nouvelles perspectives?

November en parle comme de nouvelles pistes d’enquêtes. Selon lui, l’usage du numérique dans une tâche pédagogique permet aux étudiants de développer de nouvelles perspectives sur une situation donnée en posant des questions que l’auteur qualifie de créatives, d’innovantes, voire d’impossibles. Sur le web, il existe des réponses à toutes ces nouvelles questions qu’il n’aurait sans doute pas été possible d’aborder si on ne se limitait qu’aux documents écrits.

3. Les étudiants ont-ils l’occasion de rendre leur processus de réflexion « visible » ?

L’auteur fait ici référence à l’utilisation des outils numériques qui laissent des traces de ce que les étudiants pensent. Par exemple, l’outil d’enregistrement vocal Kaizena permet aux étudiants d’analyser et de commenter leur processus de rédaction. L’enseignant pourra écouter l’enregistrement et mieux comprendre le fil de pensées de l’étudiant. Il devient possible d’appréhender un potentiel écart entre les idées que l’étudiant cherchait à exprimer et ce qu’il a écrit dans son texte. Enseigner l’utilisation de ce type d’outils, dans une perspective d’autoévaluation, apporte une valeur ajoutée à l’utilisation du numérique par les étudiants, en plus de contribuer à l’amélioration de leurs compétences rédactionnelles.

4. Les étudiants ont-ils la possibilité d’élargir leurs perspectives et d’établir un dialogue auprès d’un auditoire international?

Les opportunités de partage des idées et des réflexions des étudiants sont nombreuses. Elles peuvent être locales, comme la production d’un travail écrit remis en ligne, ou plus globales, comme la mise en ligne des travaux faits par les étudiants ou la création d’un blogue. Plusieurs enseignants encouragent déjà leurs étudiants à interagir entre eux et à échanger des idées dans le forum de leur cours. Or, il est aussi possible pour les étudiants de s’impliquer dans des forums spécialisés, de dialoguer avec des gens de partout dans le monde et ce faisant, d’élever la conversation à un niveau supérieur à celui qui aurait pu être atteint en classe. L’avantage d’une large diffusion des réalisations ou des réflexions étudiantes est de favoriser le dialogue avec des individus d’origines diverses, ce qui représente une situation d’apprentissage authentique et contribue largement à la motivation scolaire. Plusieurs étudiants sont plus enthousiastes à l’idée de publier pour une audience globale, une audience qui ne se limite pas seulement à l’enseignant.

5. Les étudiants ont-ils la possibilité de contribuer à une cause (action engagée)?

L’article présente l’exemple d’étudiants à Istanbul qui devaient adapter le contenu de leur cours de géométrie pour des étudiants aveugles. Ils ont développé des activités tactiles qu’ils ont ensuite publié en ligne, pour un partage global de cette ressource.

Selon l’auteur, il s’agit de la qualité la plus difficile à acquérir lorsqu’on développe une tâche pour les étudiants. Si cette tâche est ancrée directement dans la réalité et qu’elle peut contribuer à l’amélioration d’une cause ou d’une situation problématique, elle permettra à l’étudiant d’attribuer une signification particulière à ses apprentissages. L’article présente l’exemple d’étudiants à Istanbul qui devaient adapter le contenu de leur cours de géométrie pour des étudiants aveugles. Ils ont développé des activités tactiles qu’ils ont ensuite publié en ligne, pour un partage global de cette ressource. Plusieurs étudiants se sont investis dans le projet bien au-delà des 40 heures requises, pour le seul plaisir de contribuer bénévolement à cette cause. La clé de la réussite de ce projet a été de susciter l’implication des étudiants dans un projet qui a une portée sociale, où leur contribution était valable et reconnue. Ils tiraient leur motivation, non pas d’un système de notation qui récompense ou punit, mais de leur sentiment de contribuer concrètement à une cause et de faire une différence.

6. Est-ce que la tâche demandée souligne les meilleures réalisations étudiantes à travers le monde?

L’ère du numérique permet d’offrir aux étudiants des exemples concrets de réalisations d’autres étudiants à travers le monde. Dans certains cas, il est possible de dénicher sur Youtube des démonstrations d’expérimentations ou de réalisations dans le cadre de concours étudiants à travers le monde. Cette possibilité d’offrir aux étudiants des exemples concrets de réussite et d’excellence dans différents domaines offre de bons modèles aux étudiants, parce qu’ils peuvent visualiser ce que d’autres étudiants ont accompli avant eux. Cela peut les inspirer, les motiver et les rendre plus enclins à travailler davantage sur leur propre projet ou expérimentation. Les entraîneurs recourent souvent à cette stratégie pour motiver leurs athlètes. Pourquoi ne pas la transposer dans le cadre d’expérimentations techniques ou scientifiques?

Distinction entre une utilisation riche et une utilisation novatrice des technologies

S’il est difficile de définir l’innovation technologique – et que ce sujet demeure matière à débats – plusieurs participants du webinaire d’Alan November ont réalisé que l’utilisation des technologies dans un contexte scolaire ne garantissait pas l’innovation. Pour November, il faut aller au-delà de la considération fonctionnelle des technologies et réfléchir à des stratégies éducatives qui permettent d’élever le niveau de réalisation étudiante. Pour November, c’est ce dernier élément qui établit une distinction entre une utilisation réellement innovatrice des technologies éducatives et une utilisation « riche » sur le plan technologique, mais « pauvre » en termes d’innovation.

Cette perspective surprenante sur l’utilisation pédagogique des TIC vous paraîtra sans doute audacieuse, mais nous trouvions qu’elle proposait des pistes de réflexion et des prospectives inspirantes. Elle est aussi prétexte à une saine évaluation de vos propres usages pédagogiques des technologies. L’article aborde plusieurs des mêmes habiletés qui se retrouvent dans le Profil TIC : les six propositions de l’auteur vous inspirent-elles? Nous avons envie de vous lire!

À propos des auteurs

Andréanne Turgeon

Andréanne Turgeon a été éditrice pour Profweb de 2014 à 2019. Elle a ensuite coordonné l’organisme jusqu’à son intégration chez Collecto. Depuis 2022, elle est directrice du nouveau secteur des Services de pédagogie numérique chez Collecto, auquel se rattache la plateforme Éductive.

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