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28 octobre 2013

Collaborer avec les technologies

Ce texte a initialement été publié par la Vitrine technologie-éducation sous licence CC BY-NC-SA 3.0, avant la création d’Éductive.

Image : © violetkaipa - Fotolia.comÀ l’hiver 2013, dans le cadre d’un labo VTÉ, la Vitrine technologie-éducation (VTÉ) et le Centre d’étude et de développement pour l’innovation technopédagogique (CÉDIT) ont animé un espace de travail et de rencontres virtuelles ayant pour objet  de creuser un peu plus le thème de la collaboration avec les technologies en éducation.

Cette variante du concept de  « laboratoire vivant » est une sixième édition pour la VTÉ. Ces rassemblements virtuels ne sont pas des formations, mais des lieux d’expérimentation, d’exploration et de documentation sur l’utilisation des outils des technologies de l’information et des communications (TIC) dans un contexte d’enseignement. Un labo VTÉ se déroule généralement sur une période variant de quatre à cinq rencontres en ligne, qui ont lieu à toutes les deux ou trois semaines. Chaque rencontre est d’une durée de 90 minutes, au cours desquelles les participants sont invités à s’interroger sur les stratégies pédagogiques à utiliser avec les outils TIC et, dans ce cas-ci, à expérimenter pour favoriser la collaboration en classe ou à distance entre pairs.

Pour assurer la qualité optimale des échanges dans le groupe, nous avions limité l’inscription à vingt participants. Chaque participant devait s’engager, dans la mesure du possible, à prendre part à l’ensemble des étapes du laboratoire. Notre communauté de « laborantins collaborateurs » était formée d’enseignants, de conseillers pédagogiques et de membres d’organismes desservant le secteur collégial et universitaire québécois. 

Entre le 12 février et le 26 mars 2013, ce sont près de vingt intervenants en éducation supérieure qui ont partagé leurs découvertes et leur expertise. Ils ont coconstruit des documents en ligne et ont expérimenté des outils technologiques en infonuagique, comme Google Drive et Cmap Tools. Il s’agissait d’outils TIC avec lesquels la plupart d’entre eux avaient rarement travaillé. La VTÉ avait aussi hébergé un wiki afin de pouvoir répertorier tous les documents de référence, les consignes d’étapes, les aides à la tâche, les rapports d’étapes, et afin d’encourager l’ajout de contenus par les participants. Le choix d’utiliser le wiki comme outil collaboratif pour ce labo VTÉ nous semblait évident puisque son utilisation en éducation est généralement connue et bien documentée depuis son apparition [1]. 

Les rencontres d’étapes s’articulaient autour des quatre thèmes suivants :

  1. Pédagogie de la collaboration 
  2. Écriture et partage de documents
  3. Partage de cartes conceptuelles 
  4. Pratiques de collaboration à distance 2.0 

1. Pédagogie de la collaboration

Les participants ont été invités à répondre à un sondage éclair sur l’utilisation qu’eux-mêmes faisaient des technologies dans un contexte de collaboration. Près du quart du groupe (23 %) n’utilisait que très peu, voire pas du tout, les technologies pour collaborer. Le reste du groupe les utilisait, entres autres, pour collaborer avec des collègues (41 %) ou à des fins pédagogiques (36 %).

Qu’est-ce qu’une collaboration réussie?

Pour profiter des expériences pédagogiques antérieures des participants, ces derniers ont été invités à partager sur le tableau blanc de la plateforme utilisée quelques éléments caractéristiques d’une collaboration réussie avec ou sans l’utilisation des technologies. La liste des caractéristiques nommées est la suivante : 

  •   Une bonne collaboration s’observe par un gain en efficacité de temps et d’efforts. 
  •   Les interventions entre les participants sont nombreuses et riches en contenus. 
  •   La collaboration répond à un besoin commun qui est partagé par les membres de l’équipe.
  •   Une forme d’empathie est observée lors des interactions.
  •   Les objectifs sont atteints et la tâche est réussie. 
  •   Les participants ont l’occasion d’apprendre sur eux-mêmes et de réfléchir dans une perspective métacognitive. 
  •   Le processus et le produit sont en harmonie, il y a partage d’information et de ressources entre les membres. Chacun contribue équitablement, et tous s’enrichissent mutuellement. 
  •   Le fruit de la collaboration permet un suivi en laissant des traces structurées et accessibles. 
  •   La gestion de l’équipe est considérée comme une tâche en soi pour que le résultat de la collaboration corresponde à la somme de l’équation 1+1=3.

Selon Daniel LaBillois, enseignant et chercheur au Cégep de la Gaspésie et des Îles et membre du Centre d’étude et de développement pour l’innovation technopédagogique, les caractéristiques rapportées par les participants du laboratoire sont très précises et riches. Pour répondre à la question d’une collaboration réussie, il suggère de se tourner vers un cadre de référence à jour et bien fait, rédigé par le Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) de l’Université Laval : Les pratiques collaboratives en milieu scolaire : cadre de référence pour soutenir la formation [2] :

Pour qu’il y ait une réelle collaboration, certains auteurs réfèrent à la nécessité d’un niveau d’interdépendance professionnelle, impliquant que les membres de l’équipe travaillent ensemble, partagent leurs connaissances, leur expertise, leurs expériences, leurs habiletés et leurs compétences individuelles dans le but de résoudre des problèmes communs [3]

L’accent doit être mis dès le départ sur l’identification d’un but commun pour réussir une collaboration, souligne Daniel LaBillois.

Conditions ou principes d’une collaboration réussie

Les participants ont ensuite tenté de déterminer les conditions optimales ou les principes d’une collaboration réussie. L’une des principales conditions retenues par les participants est la suivante :

  •   Une volonté claire de tous les membres du groupe à collaborer et à partager les ressources vers l’atteinte d’objectifs communs qu’ils ont eux-mêmes clairement définis. 

Daniel LaBillois ajoute que la collaboration ne peut être imposée et doit être volontaire. Si on l’impose, cela nuit au succès et aux autres conditions qui suivent. Il prend pour référence Interactions: Collaboration skills for school professionnals, de Friend & Cook (2010) [4] :

Interpersonal collaboration is a style for direct interaction between at least two co-equal parties voluntarily engaged in shared making as they work toward a common goal [5].            

La collaboration nécessite la parité entre les participants. […] 

La collaboration est basée sur la poursuite de buts communs [6]

LaBillois souligne l’importance de la contribution de tous les membres d’une équipe par le partage de ressources, de tâches et de responsabilités, ce qui permet de mettre en place une appartenance et une zone de confiance mutuellement partagées. Pour référence, il cite Friend & Cook (2010) [7] :

La collaboration requiert le partage des responsabilités.  […] Les individus qui collaborent partagent leurs ressources. […] Les individus qui collaborent estiment et valorisent ce mode d’interaction interpersonnelle. […] La confiance mutuelle est présente au sein d’une équipe collaborative. […] Un sentiment d’appartenance accompagne les individus qui travaillent en collaboration [8].

Les participants observent que d’autres conditions ne sont pas à négliger, surtout lorsque l’outil de collaboration est technologique :

  •   Une planification et une organisation du travail à effectuer sont deux conditions essentielles au bon déroulement d’un travail collaboratif. 
  •   Lors de l’utilisation de la technologie, la bonne maitrise de l’outil choisi vient favoriser cette collaboration entre les membres. 
  •   Les outils doivent également être bien choisis, donc adéquats pour les objectifs à atteindre. Ils doivent être conviviaux et simples d’utilisation. 
  •   La reconnaissance des forces et la complémentarité des expertises dans un groupe de travail doivent être mises au service de la réalisation de tâches significatives. 
  •   Sur le plan des habiletés personnelles de chacun des participants, l’ouverture d’esprit, la qualité de l’écoute à l’oral et à l’écrit, ainsi qu’une bonne volonté et une implication de tous sont nécessaires. 

Collaboration… ou coopération?

Collaborer à l’aide des technologies représente tout un défi autant pour les enseignants que pour les étudiants. Notre culture de collaboration et de partage dans laquelle nous avons évolué jusqu’à tout récemment se faisait essentiellement au cours de rencontres de travail en temps réel et en présence physique des autres collaborateurs. Dans d’autres cas, les travaux d’équipe pouvaient aussi être une mise en commun de travaux accomplis individuellement. Selon LaBillois, même s’il y a une bonne volonté, il faut travailler à développer une habitude de collaboration avec les technologies. Il cite notamment un article de Christine Vaufrey, publié sur Thot Cursus : Éviter la frustration dans les groupes de travail en FOAD [9] [10] :

Cette culture du partage du work in progress n’est absolument pas naturelle, surtout chez des apprenants qui ont été élevés dans la culture du « chacun pour soi » que l’on rencontre encore si fréquemment à l’école. Ce n’est pas la bonne volonté qui leur fait défaut, c’est l’habitude [11].

Lors des échanges, on tient à faire une distinction entre la collaboration et la coopération dans une perspective centrée sur les apprentissages en équipe. Ce sont des éléments auxquels les participants au laboratoire sont régulièrement confrontés même sans l’utilisation des outils technologiques, à savoir :

  •   La collaboration implique de travailler ensemble tandis que la coopération implique de s’entraider. La collaboration semble donc aller plus loin que la coopération, et le niveau d’engagement ne semble pas être le même. 
  •   Dans un contexte de coopération, chacun des membres d’une équipe fait une partie de la tâche alors que dans un contexte de collaboration, tous contribuent et travaillent à la même tâche. Les cibles et les visées ne sont donc pas les mêmes. La collaboration peut nécessiter une implication sur une plus longue durée.

Dans un contexte de collaboration à distance, une perception de la collaboration asymétrique non souhaitable pourrait même s’installer si l’outil de collaboration ne permet pas le partage des travaux dès le début de la collaboration. À ce sujet, Vaufrey (2012) affirme :

(…) de récentes expériences nous montrent que le choix des outils de travail s’avère crucial pour minorer le sentiment de frustration qui peut empoisonner un travail de groupe à distance. (…)

Il est donc tout à fait intéressant d’utiliser des outils de production en ligne : outils de traitement de texte, de réalisation de cartes mentales et autres schémas, etc. Et surtout, de partager les travaux en cours, dès le début [12].

Les stratégies pédagogiques qui favorisent la collaboration

Daniel LaBillois, qui est coauteur du rapport de recherche et du Guide d’implantation. Pédagogies actives [13] au Cégep de la Gaspésie et des Îles, privilégie quelques stratégies pédagogies dites actives pour favoriser la collaboration. Le guide, téléchargeable en format PDF, présente les fiches descriptives et les démarches de stratégies suivantes :

Les participants ont également partagé d’autres méthodes et moyens qu’ils ont déjà utilisés et qui suscitent une bonne collaboration de la part des étudiants :

Les pratiques collaboratives en milieu scolaire

Certaines différences de comportements ont été observées par les participants du laboratoire sur le plan des habitudes de collaboration d’un programme collégial à l’autre. Le cas du programme de Sciences de la nature a été mentionné comme étant un peu plus difficile et plus compétitif, notamment en lien avec les exigences de la cote R. Par conséquent, la collaboration entre étudiants se croyant en compétition est plus ardue à instaurer. 

L’enjeu des contributions asymétriques est un élément qui revient constamment dans un contexte de pratiques collaboratives. Il faut que les membres d’une équipe de travail réalisent individuellement et rapidement  que chaque contribution est une « plus-value » pour l’ensemble du groupe. Par exemple, un participant du laboratoire a relaté que lors d’un projet en écologie dans son collège, des données statistiques étaient rassemblées par tous les étudiants de la classe. Cette expérience ne prenait un sens que si l’on mettait en commun l’ensemble des données de toute la classe. Dans ce cas-ci, l’utilisation de Google Apps for Education pour collaborer à plusieurs sur un même chiffrier est devenue  un élément intrinsèque pour l’atteinte des objectifs. La collaboration a ensuite été évaluée par l’enseignant et par les pairs. Parfois, l’utilisation d’un forum de discussion en ligne destiné aux étudiants permet aussi de cerner des problèmes de contributions asymétriques et de trouver des solutions assez tôt dans le processus de travail.

Certains nouveaux étudiants arrivent au collégial avec de bonnes habitudes de collaboration qu’ils ont commencé à développer au cours des années au secondaire. On note que ces étudiants poursuivent leur développement d’habiletés de collaboration lorsqu’ils se retrouvent en  classes d’apprentissage actif pour des cours en physique et en mathématiques. Ce type de pédagogie active contribue à favoriser la collaboration entre étudiants.

Ce que certains participants retiennent de la pédagogie de la collaboration

Voici quelques extraits tirés du wiki au sujet de ce que retiennent certains participants de cette première étape du laboratoire sur la collaboration :

  •   « Il faut bien motiver les participants pour les amener à collaborer. » G. Halladjian
  •   « Un contexte de compétition (avec la cote R, par exemple) peut limiter la collaboration. L’évaluation peut la favoriser. » C. Reverd
  •   « Il faut insister sur la valeur ajoutée de la collaboration et les avantages pédagogiques du travail d’équipe. Il faut développer progressivement cette habitude et aider les participants (étudiants) à « apprivoiser » cette démarche. » B. Gagnon
  •   « La collaboration ou la coopération me semblent être des synonymes au sens de leur utilisation pédagogique. Il est difficile de qualifier ce que les étudiants font actuellement dans les travaux d’équipe, tant au collégial qu’à l’université. Je ne crois pas que la contribution parcellaire (intro, chap. 1… conclusion et mise en forme) soit ce que l’on attend comme compétence à développer. C’est pourquoi la planification des activités doit réserver un temps à l’apprentissage de cette compétence à collaborer. Plusieurs arguments de disponibilité (temps et locaux) ne tiennent plus grâce aux technologies. De plus, le monitoring est plus facile de la part du professeur pour corriger des comportements et favoriser une réelle collaboration. La première source d’apprentissage étant l’imitation, peut-être faudrait-il que les enseignants développent les contenus et les activités en collaboration en utilisant les outils technologiques de partage d’information et en démontrant une réelle approche programme où il est possible de suivre les traces du développement des compétences tout au long de la formation. » C. Martel
  •   « Le travail en équipe, ça s’apprend, même dans des contextes hautement compétitifs. Aussi : l’un des premiers critères de réussite du travail collaboratif, celui d’une participation volontaire, n’est pas nécessairement donné d’avance dans les cadres formels d’apprentissage (Ex. : travaux qui sont l’objet d’une évaluation certificative). Les travaux d’équipe sont souvent imposés. Ils peuvent être bien accueillis comme l’inverse. Un travail sur les perceptions, d’entrée de jeu, me semble alors souhaitable. » A. Beaudin-Lecours.

2-Écriture et partage de documents 

La deuxième étape du laboratoire a permis de vivre concrètement une expérience d’écriture en mode collaboratif et synchrone dans l’outil infonuagique Google Drive. Les objectifs étaient de produire, en moins de 35 minutes, un document en petites équipes de travail, et de partager le document avec d’autres. 

Image : © Sergey Nivens - Fotolia.com

Les participants ont été répartis en équipes de huit ou neuf personnes parmi trois sous-ateliers de la plateforme en ligne utilisée pour la rencontre. Leur mission était de remplir une grille d’analyse d’outils d’écriture, qui comportait certains critères permettant de juger des fonctionnalités disponibles. Parmi ces critères, on comptait, par exemple, la présence ou l’absence d’une section clavardage ou d’une section commentaires, la possibilité de visualiser l’historique des modifications, la possibilité de faire du partage d’écran, la facilité d’utilisation et l’ergonomie, le partage de documents, les avantages et les inconvénients. Au besoin, les grilles pouvaient être modifiées ou bonifiées par les participants. Une synthèse de l’ensemble des travaux des trois équipes de travail est présentée dans le document, produit en mars 2013 et maintenant accessible en mode consultation sur Google Drive : Synthèse de l’activité d’écriture en mode collaboratif .

Les participants ont ensuite formulé leurs commentaires sur l’expérience de collaboration vécue en mode d’écriture. Les observations ont servi de pistes de réflexion sur la préparation et la planification future d’activités pédagogiques avec des étudiants. Un avantage est indéniablement la mise en commun des informations sur un seul et même document. Comme l’utilisation de l’écriture collaborative en mode synchrone ou asynchrone comporte un haut potentiel pédagogique pour la « classe active » et la « classe inversée », l’expérimentation a permis aux participants de se faire une meilleure opinion de l’efficacité des outils technologiques de collaboration. 

La planification de l’activité de collaboration est aussi un aspect que l’on doit prendre en compte pour assurer la réussite d’une activité d’écriture en mode collaboratif. Les enseignants doivent prévoir le temps nécessaire pour préparer techniquement la création des comptes d’utilisation et des documents modèles à créer et à partager. 

La taille des équipes de travail a également été mentionnée comme un élément important lors de ce type d’activité. Un participant a envisagé, pour sa part, de former des équipes de cinq personnes ou moins en plus d’alterner entre les modes synchrone et asynchrone.

Enfin, ces outils technologiques ont également un potentiel d’utilisation fort intéressant pour le travail à distance. Des participants ont affirmé distinguer plus facilement des services, tels que Google Drive pour la collaboration avec un certain espace de stockage, des services infonuagiques comme Dropbox qui sont plutôt pensés pour le stockage, le partage de fichiers volumineux et la conservation des données. La collaboration avec ce service se réalise donc moins directement.

Ce que certains participants retiennent de l’expérience d’écriture collaborative

Voici quelques extraits tirés du wiki du laboratoire :

  • « Des possibilités incroyables me sont offertes par ces outils. J’y vois un grand intérêt pédagogique. Je pense aussi à une autre utilisation lors de mes déplacements au Québec et à l’extérieur du pays autant dans ma vie professionnelle que personnelle. » M. Gendron
  • « La flexibilité des outils collaboratifs donne beaucoup de liberté à l’enseignant voulant les intégrer à ses activités pédagogiques. Par contre, il doit redoubler de prudence dans la planification préalable de l’activité et la préparation des apprenants, ainsi que vérifier dans son contexte de pratique (notamment en milieu institutionnel) les politiques en vigueur en lien avec le stockage et l’accès à distance des contenus. » M. Couture
  •   « Que de potentiel d’apprentissage une fois que l’étudiant maitrise ces outils. Il est important de procéder graduellement, bien planifier l’activité, avoir des attentes en lien avec les compétences à développer. Ce sont des outils qui se prêtent bien à l’évaluation formative. » C. Martel

3-Partage de cartes conceptuelles

En troisième étape du laboratoire, les participants devaient utiliser le logiciel gratuit CMap Tools  en mode d’écriture collaborative pour aller au-delà d’une utilisation en solo de la conception d’une carte conceptuelle.

 La majorité des participants avait déjà utilisé les cartes conceptuelles dans leur pratique, mais seulement le quart l’avait déjà fait en mode collaboration. Les principaux outils utilisés antérieurement par les participants étaient les suivants : Freemind, Lucidchart, Power Point, Word, Inspiration, Cmap Tools, Omnigraff.

Carte heuristique ou carte conceptuelle

Avant de commencer les travaux d’équipe, Nathalie Lefebvre, du Centre d’étude et de développement pour l’innovation technopédagogique, nous a fourni quelques explications afin de mieux distinguer une carte heuristique d’une carte conceptuelle. 

  •   Dans une carte conceptuelle, les liens entre les concepts sont toujours présents, et la structure et l’organisation sont plus formelles. 
  •   Dans une carte heuristique, les liens entre les concepts ne sont pas présents, et la structure et l’organisation sont plus spontanées.

19292609 - teamwork© Photo_MaChaque participant devait ensuite accéder au serveur du Centre collégial de développement de matériel didactique (CCDMD), puis se connecter au document de l’un des trois groupes pour pouvoir travailler de façon synchrone. L’interface de la plateforme du laboratoire a permis de préserver un lien de communication audio pour pouvoir plus facilement coconstruire en ligne et pallier les difficultés plus techniques. 

Cette fois-ci, la mission de chacun des groupes de travail était d’élaborer, en 40 minutes, un schéma de concepts autour de la question de départ suivante : Comment envisagez-vous la collaboration à l’aide des schémas avec vos étudiants ou vos collègues?

La carte conceptuelle représentée ici recoupe toutes les informations des trois cartes réalisées au cours de cette étape de laboratoire : Synthèse des applications pédagogiques. 

Lors du retour sur l’expérience tous ensemble, les participants ont affirmé que les liens sémantiques de la carte constituent une réelle valeur ajoutée sur le plan pédagogique. Cmap Tools est cependant un outil technologique plus complexe à manipuler, surtout en mode de collaboration synchrone. Il faut initier graduellement les participants à cet outil. Quelques participants, dans le cadre de ce laboratoire, n’ont pas réussi à se connecter à leur groupe de travail. On recommande de démarrer l’utilisation de cet outil de façon individuelle pour bien comprendre son fonctionnement. C’est un exercice vraiment complexe lorsqu’il est réalisé en équipe. Les équipes de travail doivent comprendre entre trois et cinq personnes au maximum. Cela nécessite de mettre en place des règles et des rôles à établir entre les participants d’une équipe.

La valeur pédagogique de cet outil semble résider davantage dans le processus de réalisation de la carte que dans la carte elle-même qui a surtout une valeur pour ses créateurs. Le professeur doit faire réaliser des cartes par ses étudiants. « Imaginez une familiarisation avec l’outil dès la première session », a affirmé l’un des participants. « Imaginez  la valeur ajoutée en deuxième et troisième année, alors que les étudiants deviennent experts avec cet  outil. » 

Ce que certains participants retiennent de l’utilisation de Cmap Tools 

Voici quelques extraits tirés du wiki du laboratoire :

  •   « Ceci demande un plan de travail. Est-ce que tout le monde doit pouvoir travailler en même temps dans la même carte? La technique doit suivre… Il faut, bien entendu, un plan B. » M. Gendron
  •   « Les outils de collaboration sont performants. J’ignorais qu’on pouvait travailler en collaboration (en mode synchrone) avec Cmap. Le travail en équipe avec les outils de collaboration demande une gestion d’équipe. Des outils comme le clavardage ou la visioconférence (Hangouts  ou Skype) m’apparaissent fort intéressants pour favoriser la communication directe entre les membres d’une équipe lors de la rédaction (création) collective d’un document ou d’une carte conceptuelle ou une carte heuristique. Les étudiants ont tendance à faire leurs travaux en équipe selon le principe « chacun fait sa partie », habitude qu’il faut modifier par l’interactivité commune, d’où l’importance de leur montrer comment faire pour gérer un travail d’équipe véritablement collaboratif où « tout le monde fait tout ensemble. » B. Gagnon
  •   « Les étudiants développent les habitudes de travail qui sont payantes pour les notes. Il faut changer cette attitude tôt dans le programme de formation. C’est une démarche concertée (collaborative) préalable des enseignants d’un département ou d’un programme qui peut venir à bout de ce changement de comportement. Seules les technologies nous permettent de monitorer les progrès de cet apprentissage à la collaboration que nous voulons développer chez les étudiants. Nos scénarios pédagogiques doivent être planifiés plus finement et améliorés en fonction d’une rétroaction rigoureuse. Ça semble une perte de temps sur le précieux contenu, mais il est rentable de le faire pour outiller les étudiants et les mettre en action sur leur apprentissage. » C. Martel

Pratiques de collaboration à distance 2.0

48004323 - Handschlag per Handy und Smartphone© Robert KneschkeLors de la quatrième et dernière étape du laboratoire, nous avons tenté de cibler quelques bonnes pratiques professionnelles qui favoriseraient la collaboration à l’aide des outils technologiques. Pour coconstruire un document de référence, deux équipes de travail ont été formées. La répartition des participants dans ces équipes s’est faite selon leur choix personnel d’approfondir l’expérimentation de Google Drive ou de Cmap Tools.

Chaque équipe devait répondre à trois questions suivantes : 

  1. Décrivez votre meilleur coup et son contexte de collaboration (avec ou sans technologie).
  2. Nommez les conditions de réussite et les écueils que vous avez rencontrés.
  3. En tenant compte de ce que vous avez vu dans les différents labos, nous voudrions savoir quelle expérimentation vous seriez tentés de mettre en place dans les trois prochains mois.

S’en est suivie une compilation des différents éléments mentionnés qui ont permis de tirer quelques bonnes pratiques significatives à vérifier lorsqu’il est question de la collaboration à l’aide des technologies.

De bonnes pratiques à prévoir du côté technologie…

Le choix d’un outil technologique pour favoriser la collaboration peut dépendre de plusieurs variables techniques à prévoir :

  •   Est-ce le bon outil pour les besoins présents, pour le contexte de collaboration, pour les acteurs concernés et en tenant compte des infrastructures techniques?
  •   La facilité d’utilisation est-elle acceptable pour le type de collaboration visé?
  •   Est-ce qu’un accès Internet est prévu, et la disponibilité de la bande passante est-elle suffisante pour l’implication demandée de la part des utilisateurs?
  •   L’autorisation et l’accès au document en mode collaboratif sont-ils trop complexes à réaliser?
  •   La sauvegarde des documents est-elle sécurisée? Est-il possible de revenir à des versions antérieures d’un document?
  •   De l’aide de dépannage technique est-elle disponible au moment de la collaboration?
  •   Si le plan A ne fonctionne pas tel qu’il était prévu, quelles sont les stratégies technologiques de rechange pour les plans B, C, D…?

De bonnes pratiques à prévoir du côté de l’accompagnement pédagogique…

Les bonnes pratiques d’accompagnement pédagogique nécessitent de se questionner sur les éléments suivants : 

  •   Les consignes fournies sont-elles précises et claires? Il faut différencier les consignes techniques des consignes pédagogiques dans un document en ligne.
  •   Une attribution des rôles des membres d’une équipe pour la tâche à accomplir et lors du déroulement d’une rencontre synchrone a t-elle été prévue?
  •   Quels sont les interventions nécessaires et le protocole prévu lors d’interactions inégales ou inadéquates entre les membres des équipes?
  •   La gestion de l’organisation, du temps et des séquences des apprentissages synchrones et asynchrones est-elle adéquate?
  •   La structuration du travail à accomplir en mode synchrone (plan, scénario, travaux, présentation…) est-elle réalisable?
  •   L’objectif commun pour réaliser la tâche en mode collaboration est-il clair?
  •   Quelles sont les disponibilités de l’enseignant pour assurer un suivi serré des travaux et de leur déroulement?
  •   Certains membres des équipes de travail ont-ils besoin de plus de soutien?
  •   Est-il nécessaire de construire des gabarits de travail? Sont-ils clairs et bien structurés?
  •   Y a t-il des équipes de travail à réduire pour ne pas excéder cinq ou six personnes au maximum?
  •   Est-ce que sont prévus des outils de support pédagogique accessibles tels que aide-mémoire, aide à la tâche, outils en ligne?
  •   Un code de conduite éthique est-il prévu? (nétiquette, respect des droits d’auteur, façon de citer…)?
  •   Quel est le moyen retenu pour conserver une trace des échanges?
  •   L’estimation du temps investi dans le projet, temps de correction, temps pour déterminer des moments de collaboration… est-elle adéquate? 
  •   Les grilles ou les fiches d’évaluation (objectifs, niveaux d’atteinte des compétences…) sont-elles assez précises et comprises par l’étudiant?

Des bonnes pratiques à prévoir du côté des utilisateurs et acteurs de la collaboration…

Voici une liste des conditions qui favorisent la collaboration dans un contexte d’utilisation d’outils technologiques :

  •   Possibilité de se prononcer de façon anonyme lorsqu’il est question de donner une opinion afin de favoriser la libre expression et la participation.
  •   Rappel du rôle clé de certains participants en lien avec leur statut professionnel.
  •   Écoute et participation active des partenaires, des collègues, des étudiants, etc.
  •   Intérêt pour l’utilisation de la technologie, pour le travail en équipe et pour la collaboration.
  •   Exécution du travail requis entre les rencontres par respect pour les autres collaborateurs.
  •   Mise de côté de son ego.
  •   Rapport de confiance entre les membres de l’équipe.
  •   Partage de son expertise.
  •   Adhésion à un but commun, objectif ou cible de travail.
  •   Évaluation des compétences numériques des utilisateurs.
  •   Formation préalable à l’utilisation de l’outil pour les collaborateurs qui en ont besoin.
  •   Prise en compte des craintes de certains participants concernant l’utilisation des technologies.

Retour sur l’expérience du labo VTÉ-CÉDIT

Tous les participants pensent, qu’à la suite des expérimentations de ce laboratoire en mai 2013, ils devraient bénéficier des retombées collaboratives des TIC dans leur pratique respective. Plusieurs se sentent mieux outillés et prêts à parler de leur expérience de collaboration à leurs collègues et même à utiliser les outils expérimentés dans leur cours avec leurs étudiants. Voici quelques remarques tirées du formulaire d’évaluation de ce laboratoire :

  •   « J’utilisais déjà ces outils, mais ces ateliers m’ont donné le goût de les intégrer davantage dans mes comités et groupes de travail. »
  •   « Je vais expérimenter Google Documents et la création de cartes conceptuelles avec mes étudiants dans un cours en formation à distance et dans un autre cours en présentiel. Je pourrai aussi montrer ces outils aux professeurs et chargés de cours. »
  •   « Je connais bien les outils collaboratifs (leurs fonctions), mais ce sont les différents contextes d’utilisation qui m’inspirent et me donnent des idées nouvelles! J’ai glané quelques expériences inspirantes… (Ex. : utilisation d’un forum anonyme pour les sujets sensibles). »
  •   « Comment utiliser ou favoriser l’utilisation d’outils collaboratifs avec des personnes qui n’en font pas l’usage habituellement? Le labo m’a offert quelques pistes de réponses. Encore une fois, j’imagine plusieurs usages, mais je dois peaufiner les stratégies. »

Mais qu’en est-il vraiment de l’intégration des outils de collaboration dans la pratique? Un deuxième sondage, effectué quatre mois plus tard en septembre 2013, indique que, pour la plupart des répondants, c’est l’utilisation de Google Drive qui semble plus facile à intégrer pour le partage de documents et la collaboration en tant que telle. Le manque de temps et le sentiment d’aisance avec un outil sont deux facteurs invoqués comme obstacle à l’intégration dans les pratiques.

En fait, je ne suis pas encore suffisamment confiante avec ces technologies (Google+, Dropbox, CMap Tools, etc.) pour les enseigner à mes étudiantes. J’ai intégré à mon cours d’été des forums sur Moodle ainsi que le présentateur Prezi pour la rentrée, mais ça se limite à ça.

J’ai eu peu de temps à investir dans la maîtrise de ces outils.

Tout a bien fonctionné. Même pour des étudiants à distance, je n’ai pas eu de remarques négatives ou de problèmes signalés. J’irai plus loin au trimestre d’automne avec un autre groupe.

Activité d’intelligence collective et de collaboration

La  Vitrine technologie-éducation vous propose maintenant de poursuivre le travail réalisé lors de ce labo VTÉ-CÉDIT.  Le document en ligne, Vade-mecum 2.0 des bonnes pratiques de collaboration avec les technologies  est ouvert à tous ceux qui aimeraient ajouter de bonnes pratiques de collaboration. Puisque ce document en demeure un à la portée de tous à plus ou moins un « clic », nous l’avons intitulé vade-mecum qui provient du latin et qui se traduit par « viens avec moi ». Pour y collaborer ou pour simplement le consulter, rien de plus facile. Il vous suffit d’accéder au document hébergé en infonuagique et d’y ajouter vos bonnes pratiques de collaboration.

 
 1. Le premier wiki a été implanté par l’informaticien Ward Cunningham au milieu des années 90 : WikiWikiWeb. (consulté le 3 sept 2013)
 2. Beaumont, C., Lavoie, J. & Couture, C. (2010). Les pratiques collaboratives en milieu scolaire : cadre de référence pour soutenir la formation. Québec, Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES), Université Laval.
 3. Ibid., p. 5
  4. Friend, M. et Cook, L. (2010). Interactions: Collaboration skills for school professionnals (6e  éd.). New-Jersey, Pearson Education.
  5. Id., cité dans Beaumont, Lavoie & Couture, 2010, p. 6
  6. Ibid., p. 7-9
  7. Id., Op. cit. 
   8. Id., cité dans Beaumont, Lavoie & Couture, 2010, p. 7-9
   9. NDLR : FOAD : Formation ouverte et à distance
   10. Vaufrey, C. (2012). Éviter la frustration dans les groupes de travail en FOAD. Document téléaccessible : http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/18493/eviter-frustration-dans-les-groupes-travail/. Mis à jour le 26 septembre 2012 et consulté le 3 septembre 2013.
   11. Ibid., p. 4
   12. Ibid., p, 4
   13. Arsenault, L., Bédard, D. & LaBillois, D. (2011). Guide d’implantation. Pédagogies actives. Rapport de recherche et guide d’implantation. Carleton-sur-mer, Québec.

À propos de l'auteur

Yves Munn

Yves Munn est chargé de projets pédagonumériques à l’Université du Québec à Montréal. Il bénéficie d’un parcours professionnel riche et varié depuis plus de 35 ans. Membre de la Commission de l’enseignement et de la recherche universitaire (CÉRU) du Conseil supérieur de l’éducation (CSE) du Québec, Yves Munn est également connu pour ses réalisations en tant que conseiller pédagogique en apprentissage en ligne et de réalisateur pour le service des affaires publiques et de l’information de la Société Radio-Canada. De 2012 à 2014, il a été conseiller technopédagogique pour la Vitrine technologie-éducation. Grâce à sa riche expérience, Yves Munn a développé une expertise pointue en matière de pédagogie et d’innovation au service de l’enseignement et de l’apprentissage. Il est également reconnu pour sa veille pédagogique active en éducation supérieure.

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Philippe Aubé
Philippe Aubé
21 mai 2012 14h57

Les étudiants l’admettent, ils sont nombreux à envoyer des « textos » ou « SMS » pendant leurs cours. Connaissez-vous des enseignants qui utilisent le « texto » à des fins pédagogiques? Si c’est le cas, il me ferait plaisir de publier un récit dans Profweb à ce sujet!

David Descent
David Descent
6 septembre 2012 19h17

Bonjour,

Vous soulevez le point que des étudiants utilisent les réseaux sociaux comme Facebook pour créer des groupes d’entraide sans que les professeurs y soient invités. Cette tendance est très intéressante. Certains de ces groupes sont assez sophistiqués avec des responsables par domaine par exemple. Ils constituent des centres d’aide informels, autorégulés, privés, des antichambres de la classe en quelque sorte. Je me demande si de tels groupes ne devraient pas être encouragés dans le cadre de la réussite.