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19 avril 2017

Contribuer au développement de futurs praticiens réflexifs et créatifs

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

J’ai rencontré Bruno Lemieux, chargé de cours au sein du Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage à l’Université Laval et également conseiller pédagogique au Collège Mérici. Au début de la session d’hiver 2017, Bruno a invité l’équipe de Profweb à se présenter à la relève enseignante. C’était aussi une belle opportunité pour parler des différentes ressources mises à leur disposition en tant que futurs enseignants.

Bruno donne le cours Les TIC dans l’enseignement secondaire. Il me mentionnait alors qu’il souhaite former de futurs praticiens réflexifs. Cette invitation à assister à son cours constituait une belle occasion d’en savoir plus sur son approche pédagogique, basée sur un modèle d’apprentissage actif.

Bruno Lemieux, chargé de cours (Université Laval) et conseiller pédagogique (Collège Mérici).

Peux-tu nous situer ton cours dans le cursus des étudiants?

Bruno : Il s’agit d’un cours au choix offert dans le cadre du baccalauréat en enseignement secondaire. C’est un cours où la pondération invite l’enseignant à accompagner les étudiants dans la réalisation de projets: 1 heure de théorie et 3 heures de travaux pratiques dans un laboratoire informatique. Dans ce cours, j’ai une double intention. Je souhaite engager les étudiants dans:

  • Un survol de divers outils technopédagogiques et de pratiques collaboratives exemplaires mettant à profit les TIC
  • Une réflexion critique et créative de l’utilisation des technologies pour l’enseignement et l’apprentissage

Pour y arriver, je place les étudiants dans des situations immersives, déstabilisantes et expérientielles où un jeu s’installe entre leur rôle d’étudiant universitaire et leur rôle de futur enseignant et collègue. On s’amuse régulièrement à porter les 2 « chapeaux » et le fait que je les considère comme de futurs collègues et professionnels de l’enseignement les mobilise. Plusieurs d’entre eux ont réalisé des stages et sont près de la réalité terrain. J’installe donc un climat de classe convivial où nos échanges sont orientés sur notre développement professionnel.

Quel est le fondement de ton approche dans ce cours? Quelles sont les compétences visées?

Bruno : Je prends appui sur le référentiel du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur portant sur le développement de compétences professionnelles pour la profession enseignante. La compétence 8 s’énonce comme suit: « Intégrer les technologies de l’information et des communications aux fins de préparation et de pilotage d’activités d’enseignement-apprentissage, de gestion de l’enseignement et de développement professionnel. »

Tableau synthèse [PDF] de la compétence 8 (p. 151).

Cette compétence professionnelle est l’une des 12 compétences développées et visées dans la formation initiale des enseignants en enseignement secondaire. Ces compétences sont en interrelation. Le cours de TIC amène aussi l’étudiant à :

  • Agir en tant que « professionnel héritier, critique et interprète d’objets de savoirs ou de culture dans l’exercice de ses fonctions »
  • S’engager dans des démarches individuelles et collectives de développement professionnel

Il faut mentionner que ce cours attire les étudiants et à raison, car dans les commissions scolaires, lors des entrevues d’embauche, il arrive souvent que l’on demande aux candidats quelles sont leurs expériences avec l’utilisation des technologies en enseignement ou s’ils ont de l’expérience avec un certain outil déjà intégré aux pratiques dans l’école.

Capture d’écran d’un blogue créé par de futurs enseignants de mathématiques et hébergé sur un Espace web de Profweb.

De quelle façon as-tu amorcé et structuré ce cours?

Bruno : Au tout début du cours, je demande aux étudiants de compléter une activité d’autoévaluation leur permettant de se situer par rapport à leur niveau d’habiletés TIC. Dès le deuxième cours, je leur annonce que ce même questionnaire d’autoévaluation est utilisé en pédagogie de première année au collégial, et même dans certains programmes avec profil TIC au secondaire. La table est mise! Bien que le cours est contextualisé au niveau secondaire, les étudiants constatent rapidement que le développement de compétences TIC pour l’enseignement et l’apprentissage s’avère transdisciplinaire et souhaitable dans les différents niveaux d’enseignement afin d’assurer un arrimage et une progression.

Pour l’une des activités importantes du cours, mon scénario pédagogique repose sur la pédagogie active, notamment en faisant appel à l’apprentissage par projet. Je mise aussi sur le BYOD (Bring your own device ou Apportez vos appareils personnels) afin de leur permettre de vivre des situations authentiques avec de vraies difficultés! Je m’amuse même à planifier des moments où je vis des pépins techniques devant eux pour voir comment ils réagiront.

En quoi consiste le projet sur lequel les étudiants travaillent?

Bruno : Le projet de session se divise en 4 grandes étapes :

  1. Former des équipes d’experts
    Je propose un premier travail collaboratif à l’aide de la suite Google. Les 32 étudiants forment des équipes de 4, ce qui donne 8 équipes. Je les appelle « les équipes d’experts ». Ce n’est rien de nouveau comme stratégie, mais je m’assure qu’ils prennent conscience de leur responsabilité envers les autres membres de la classe. Cet hiver, chaque équipe a choisi un thème parmi les suivants :

    • Émergence des environnements de classes d’apprentissage actif
    • iPad et tablette à l’école: usages, avantages et défis
    • Les jeux sérieux en éducation
    • Intérêt pédagogique de l’utilisation du TBI/TNI
    • La technologie au service de l’apprentissage de l’écriture et de la lecture
    • BYOD et technologie mobile
    • Réalité augmentée et environnement numérique d’immersion
    • Classe inversée et utilisation d’environnement numérique d’apprentissage

    Ils doivent travailler à corédiger un essai sur le sujet qu’ils ont retenu.

  2. Créer une petite communauté professionnelle de partage

    Les « experts » partagent le fruit de leur réflexion sur Google Drive. Ils doivent aussi présenter un exposé oral en intégrant les TIC à des fins de préparation et de pilotage. L’environnement de classe devient de plus en plus une petite communauté de partage. Il y a une coévaluation en temps réel : les étudiants votent sur les contenus et soulèvent des questions. Cela m’amène à détruire l’étiquette selon laquelle je suis un enseignant « pro-techno » mur-à-mur. On adopte plutôt des positions nuancées en s’appuyant sur des modèles tels TPACK et SAMR afin d’avoir une compréhension systémique de différents niveaux d’intégration. On cherche la « valeur ajoutée » de l’utilisation des TIC pour nos pratiques enseignantes.

  3. Élargir les murs de la classe

    Elle consiste à ajouter une dimension « en réseau » à cette petite communauté de partage en présentant des ressources offrant une veille sur divers thèmes, des communautés de partage et différents outils de curation. Les étudiants y voient différentes avenues pour s’intégrer et se développer sur le plan professionnel.

  4. Contribuer à un environnement collaboratif en réseau

    Une dernière étape est menée en collaboration avec Profweb. Les étudiants ont accès à un Espace web. Ils doivent créer un blogue de façon autonome et vulgariser le contenu de leur dossier d’experts en s’adressant à de nouveaux enseignants. Le blogue s’inspire notamment de la structure, du style de rédaction et des publications de Profweb et de l’École branchée. Voici d’ailleurs quelques captures d’écran des blogues en lien avec les thématiques du cours.

Un aperçu du blogue sur la classe inversée et les environnements numériques d’apprentissage (ENA).

Un aperçu du blogue sur l’utilisation des iPad et tablettes à l’école.

Un aperçu du blogue sur les appareils mobiles et le BYOD à l’école.

Un aperçu du blogue sur les classes d’apprentissage actif.

Un aperçu du blogue sur l’utilisation des TIC en soutien à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.

Un aperçu du blogue sur les jeux sérieux en éducation.

Un aperçu du blogue sur les tableaux blancs interactifs.

En conclusion, que souhaites-tu que tes étudiants retiennent à propos de ton approche?

Bruno : Je suis toujours heureux de voir que les étudiants s’engagent dans les projets proposés et qu’ils font des productions collectives et individuelles de grande qualité. Je touche du bois, mais j’ai très peu d’absence en classe, cela même à l’université! J’utilise une approche collaborative et je crée un climat de classe similaire à celle du cours de didactique des sciences, où les étudiants se mobilisent et trouvent du sens dans les activités. Ils me mentionnent régulièrement qu’ils ont le sentiment de réellement se développer en tant qu’enseignants. Je crois qu’ils auront le même soucis de centrer leur pratique sur les besoins des apprenants. Plusieurs étudiants, notamment ceux dans le domaine des sciences et technologies et des mathématiques, sont surpris de constater que des stratégies concrètes et des intentions pédagogiques claires sont derrière la conception de situations d’apprentissage signifiantes.

Je tente d’être la bougie d’allumage qui les amène à découvrir leur pouvoir d’action en tant que professionnel de l’enseignement.

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