Des étudiantes en train de faire une simulation
Mon projet de développement de simulations en réalité virtuelle
Afin de réaliser des simulations interactives en réalité virtuelle, j’ai fait une demande pour obtenir du soutien et un dégrèvement (0,2) de la part de mon collège. Ce projet a commencé à l’hiver 2021.
Processus de développement d’une simulation
Avant de développer une simulation, je commence par rencontrer l’équipe d’enseignants et d’enseignantes qui l’utilisera pour bien connaître leurs besoins.
Puis, je scénarise une simulation et je fais valider le scénario par l’équipe d’enseignants et d’enseignantes et l’équipe du service audiovisuel. Je le révise au besoin et le fait valider à nouveau, jusqu’à ce qu’on ait une version qui convient à tous. Trouver des moments où tout le monde est libre pour les rencontres entre enseignants et enseignantes est souvent l’un des aspects les plus difficiles du projet! (Surtout qu’en Soins infirmiers, les cours semi-intensifs font que les horaires, chargés, varient d’un mois à l’autre…)
J’ai ensuite une rencontre de pré-tournage avec les techniciens du service audiovisuel.
Nous faisons le tournage en vidéo 360º. Le tournage en lui-même est assez court et peut se faire une demi-journée. Des enseignantes ou enseignants de Soins infirmiers incarnent les personnages. Dans le futur, j’aimerais faire appel aussi à des étudiants et des étudiantes de théâtre du cégep. Leur apport pourrait être très intéressant, en particulier pour incarner les personnages pour lesquels les compétences des acteurs et actrices comptent pour beaucoup, comme dans le cas des personnes atteintes de troubles de santé mentale!
Pour le moment, nous avons fait les tournages dans l’un des laboratoires du département, un local qui ressemble beaucoup à une chambre d’hôpital. Éventuellement, il pourrait être intéressant de réaliser le tournage dans un hôpital pour montrer certains lieux dont nous n’avons pas de «reproductions» au collège.
Faire vivre les simulations aux élèves
Dans mon département, avant que les élèves partent pour un stage, il y a toujours une journée de préparation qui est organisée par l’équipe d’enseignantes et d’enseignants responsables.
Dans le cas des stages pour lesquels les simulations ont été conçues, cette journée a lieu dans l’Espace Moebius de la bibliothèque du collège: un local équipé de casques de réalité virtuelle et d’écrans. (Il y a 3 postes de réalité virtuelle dans le local.)
Une partie de cette journée est consacrée à une série d’ateliers où les étudiants étaient en équipe de 2. Certains ateliers sont construits autour de vignettes cliniques interactives dans Moodle (les «leçons»), mais l’un des ateliers est une simulation en réalité virtuelle.
Lors de l’activité, un élève met un casque de réalité virtuelle pour être «immergé» dans la simulation. Son coéquipier ou sa coéquipière a en main le dossier médical de la patiente et doit lui en communiquer le contenu, car il ou elle ne peut pas lire en portant le casque. L’élève sans casque voit la simulation sur un écran. Cette personne n’a pas la sensation d’immersion de son coéquipier ou de sa coéquipière, mais a quand même accès à toute l’information pertinente.
Des étudiantes en train de faire une simulation
Ce qui est intéressant avec cette approche, c’est qu’elle permet de mettre en lien des éléments réels, comme le dossier, avec la réalité virtuelle. De plus, cette façon de procéder favorise la communication et le travail d’équipe, 2 qualités nécessaires dans notre profession. Cela permet aussi d’inclure les élèves qui ne tolèrent pas le casque: ils sont jusqu’à maintenant peu nombreux, mais ils apprécient pouvoir vivre quand même la simulation.
Puisque le déroulement d’une simulation est très variable, les équipes ont souvent envie de faire la simulation une 2e fois pour explorer les conséquences de certaines décisions. Les rôles peuvent alors être intervertis au sein de l’équipe, pour permettre aux 2 personnes de vivre l’immersion. (Plusieurs choisissent aussi de s’échanger le casque au milieu de la simulation.)
Les simulations en réalité virtuelle durent environ 20 minutes.
Puisque les simulations se font en équipe, une personne qui se sent inconfortable en immersion peut choisir de laisser son ou sa partenaire porter le casque.
Le travail en équipe requis pour les simulations est représentatif de plusieurs situations de stage. Le fait que chaque personne ait besoin de l’autre (pour lire le dossier ou pour poser les actions dans la simulation) force la communication, ce qui est très positif. De plus, en équipe de 2, les élèves ont moins peur de faire des erreurs.
Après la simulation, les équipes font un autodébreffage en réfléchissant à leurs actions et aux conséquences de celles-ci. Elles utilisent les notes qu’elles ont inscrites sur le petit tableau blanc de la CLAAC. Puis, à la fin de la ronde d’ateliers, un retour en grand groupe est effectué.
Pédagogiquement, je trouve cela très stimulant! Cette stratégie pédagogique place l’enseignant dans la peau d’un accompagnateur, plutôt que dans le rôle du détenteur du savoir. Les élèves apprennent de leurs erreurs et en discutent entre eux.
Les simulations produites jusqu’à maintenant ont montré des situations courantes que les élèves sont susceptibles de rencontrer en stage. Leur but est de préparer les élèves au stage. Toutefois, les simulations en réalité virtuelle pourraient aussi être utilisées comme complément aux expériences vécues en stage. En effet, le vécu des élèves en stage est inégal: ils et elles ne vivent pas toutes les expériences possibles. Des simulations pourraient donc aussi servir à mettre les élèves dans des situations plus rares que certains n’auraient pas eu la chance de vivre en réalité avant d’entrer sur le marché du travail.
L’échéancier du projet
La 1re session où j’ai eu un dégrèvement partiel (hiver 2021), j’ai scénarisé 1 simulation qui a été produitée cette session-là. À ce moment-là, je ne travaillais pas avec la vidéo 360º, mais plutôt avec une photo 360º.
À l’automne 2021 et l’hiver 2022, 2 simulations ont été réalisées. La 1re a été implantée à l’hiver 2022, l’autre à l’automne 2022.
Actuellement, il y a 3 simulations qui sont prêtes. D’ici la fin de la session, j’aimerais qu’il y en ait 2 ou 3 de plus. (Mon dégrèvement est plus important cette session-ci.)
Mon projet était le 1er projet de grande ampleur en lien avec la réalité virtuelle au collège, les techniciens ont dû s’approprier de nouveaux équipements et l’application nécessaire pour insérer des interactions dans les simulations, 3DVista [en anglais]. Maintenant, ils ont davantage d’expérience (et 3DVista s’est amélioré également!), ce qui me permet d’explorer de nouvelles options pour la scénarisation (il y a des fonctionnalités technologiques qui n’existaient pas au départ) et d’accélérer la production des simulations.
Je ne compte pas vraiment mes heures quand je travaille sur des projets qui me passionnent, comme les simulations. N’empêche, Louise-Andrée Brien, professeure à l’Université de Montréal et experte des simulations virtuelles, m’a dit un jour qu’elle estime que la création d’une bonne simulation prend 80 heures environ. Cette estimation me semble raisonnable, si je me fie à ma propre expérience.
Les techniciens audiovisuels, eux, doivent consacrer environ 50 heures au total à chaque simulation (ce qui inclut les rencontres de préproduction avec moi, le tournage et la postproduction). La postproduction est, en fait, un gros travail de montage.
Pourquoi des simulations de réalité virtuelle?
Langage non verbal
Mon département n’est pas encore équipé de mannequins de simulations haute-fidélité. Ces mannequins sont très utiles, mais leur langage non verbal est… inexistant. Les simulations en réalité virtuelle sont particulièrement pertinentes dans les situations où le langage non verbal des patients est important, comme dans le cas de troubles de santé mentale.
Coût et accompagnement nécessaire
Malgré le temps que leur création demande, les simulations en réalité virtuelle sont significativement moins coûteuses que les mannequins haute-fidélité.
Les mannequins nécessitent d’être utilisés dans un grand local avec la présence constante d’un technicien ou d’une technicienne. En ce moment, à la bibliothèque, Cynthia Simard, technicienne en travaux pratiques est présente pendant l’utilisation des casques pour soutenir les élèves et le personnel enseignant dans leur appropriation de cette technologie. Mais nous n’avons pas eu de problème significatif jusqu’à maintenant. Des casques pourraient être utilisés dans d’autres locaux du cégep (si nous avions davantage de casques et d’ordinateurs pour aller avec eux) sans que le technicien soit présent, même s’il est très rassurant pour les enseignants et les enseignantes de le savoir disponible!
La 1re fois qu’une équipe d’enseignants utilise une simulation en réalité virtuelle, je me rends avec eux en classe pour les aider à mettre l’activité en place. Mais les enseignants et enseignantes réalisent vite à quel point tout est très simple et sont à l’aise de faire l’activité seuls la fois suivante. Les simulations sont vraiment clé en main! C’est une bonne pratique qui favorise l’implantation de cette technologie en éducation.
Utilisation à distance
Comme les simulations peuvent être vues sans casque (ce qui diminue, évidemment, l’aspect «immersif»), sur n’importe quel écran, les simulations pourraient être utilisées en formation à distance. Par ailleurs, même si cette option n’est pas disponible pour nous actuellement, éventuellement, les étudiants et les étudiantes qui ont déjà fait une simulation en classe pourraient la revivre à la maison au besoin.
Toutefois, je pense que c’est en immersion (avec un casque) que la réalité virtuelle devient vraiment un outil remarquable.
Immersion et engagement
En immersion, l’élève est coupé du monde «réel». On a rarement une telle attention des élèves quand on leur parle, ou lorsqu’on leur fait visionner une vidéo! Ils finissent souvent par regarder ailleurs ou par être distraits. En immersion avec le casque, l’étudiant ne voit que la simulation et entend surtout le son de la simulation: l’engagement est automatiquement plus grand.
Comme l’élève a vraiment l’impression d’être sur place et que tout semble réel, les apprentissages sont beaucoup plus marquants. Une étudiante se rappellera beaucoup mieux de la patiente «virtuelle» qu’elle a vu tomber tête première parce qu’elle l’a fait lever par erreur que de l’avertissement «théorique» d’une enseignante qui lui dit qu’il est contrindiqué de faire lever un patient dans une telle situation.
Je note au passage que les techniciens du cégep font des efforts pour rendre l’ambiance sonore le plus réaliste possible pendant les simulations. Ils ajoutent des «bruits de fond» qui donnent vraiment l’impression d’être dans un hôpital quand on porte le casque.
Je pense que les simulations pourraient aussi être utiles dans les cours offerts à la formation continue, par exemple avec les étudiants et étudiantes qui ont fait une formation en soins infirmiers à l’étranger et qui ne connaissent pas la réalité des hôpitaux québécois. Des simulations pourraient être une bonne façon d’avoir un premier contact avec un hôpital du Québec.
Deux équipes d’étudiantes en action
La solution idéale: une combinaison d’outils
Je pense que les mannequins haute-fidélité et les simulations interactives en réalité virtuelle répondent à des besoins pédagogiques différents: chaque outil a son contexte optimal d’utilisation pour l’enseignement de notions différentes.
À mon avis, pour former les futurs infirmiers et futures infirmières de manière optimale, combiner les mannequins haute-fidélité et les simulations en réalité virtuelle permet de couvrir chaque sujet de la meilleure façon. Il ne faut pas oublier les simulations interactives dans Moodle, qui peuvent être produites plus facilement et qui sont très versatiles!
Réactions des étudiantes et des étudiants
Les commentaires des élèves qui ont vécu les simulations sont très positifs. En fait, 100% des élèves sondés ont indiqué être satisfaits ou très satisfaits de l’activité en réalité virtuelle. Les élèves ont indiqué qu’ils auraient aimé faire davantage de simulations, à différents moments de la session!
Un enjeu: l’accès aux casques
À l’heure actuelle, pour les simulations, les enseignantes et enseignants n’ont accès qu’aux 3 casques disponibles à la bibliothèque. Au fur et à mesure que je développe davantage de simulations, qui seront utilisées par davantage d’élèves (à des sessions d’études différentes), l’accès aux casques devient de plus en problématique. Ces casques sont utilisés par les enseignants et enseignantes de plusieurs départements du collège et le local peut également être réservé à d’autres fins que l’utilisation des casques (il y a aussi des imprimantes 3D dans ce local, etc.)
À court terme, il faudra probablement que le collège se dote de davantage de casques pour que nous puissions en avoir dans les locaux dans notre département. Les casques de nouvelle génération qui sont sans fil sont très performants et auraient le grand avantage de pouvoir être utilisés en dehors de l’Espace Moebius, ce qui simplifierait la logistique.
Partage
Je suis vraiment convaincu du grand potentiel pédagogique des simulations interactives en réalité virtuelle. J’imagine une multitude de contextes dans lesquels elles gagneraient à être utilisées, y compris pour la formation des infirmières et infirmiers en exercice dans les hôpitaux.
J’aimerais développer sans cesse de nouvelles simulations adaptées à tous les besoins. Et, pour arriver à développer une banque de simulations vraiment intéressantes, j’aimerais beaucoup pouvoir collaborer avec d’autres enseignants et enseignantes de différents collèges.
Avez-vous développé des simulations en réalité virtuelle? Contactez-moi, nous pourrions échanger nos productions!
De plus, étant donné que, dans mes simulations, le dossier médical des patients n’est pas incrusté dans les vidéos, mais distribué à part aux élèves, l’activité est très facile à adapter d’un établissement à un autre. Si le format des dossiers est différent dans votre région, vous pouvez remplacer mon modèle par le vôtre sans aucune difficulté!
Si vous avez des questions techniques, vous pouvez contacter le technicien audiovisuel du Cégep Édouard-Montpetit, Maxime Blaquière, qui a travaillé à la production des simulations.