Divine écologie d’apprentissage : chantons tous son avènement
Temps de l’Avent. Temps de l’après ENA traditionnel… parce qu’il paraît que dans les cieux, les astres vont s’aligner pour assurer l’avènement des nouveaux environnements d’enseignement et d’apprentissage. Pour autant, pas de grande révolution immédiate. Inutile de remplacer votre sapin par un palmier cette année. Tirez-vous une bûche (de Noël), on vous explique les bonnes nouvelles (tendances).
Il existe un gouffre entre l’ENA actuel et l’ENA idéal. Aujourd’hui, l’ENA est davantage centré sur les professeurs, les méthodes pédagogiques homogènes et l’organisation des institutions que sur les apprenants. Il n’est plus adapté aux besoins actuels ni aux nouvelles dynamiques d’apprentissage. Il faut maintenant que les enseignants et les étudiants puissent adapter et personnaliser l’ENA selon leurs besoins. Quelle alternative ? Le monde entier tressaille d’espérance. Peuple à genoux, attends ta délivrance, voici le Rédempteur : le NGDLE
NGDLE ? Ça mange quoi en hiver ?
Avec un nom aussi peu inspirant que Scrooge, Grinch ou le Père Fouettard, le NGDLE est pourtant beaucoup plus avenant. C’est LE jouet de Noël incontournable. D’abord, on lit NGDLE (Next Generation Digital Learning Environment) mais on ne le dit pas. On préfèrera « Nouvelle écologie d’apprentissage ».
L’écologie d’apprentissage n’est pas un système monolithique. Elle implante l’approche de type Lego® qui propose des ressources et outils flexibles donc adaptables aux besoins particuliers d’apprentissage et à l’évolution de l’éducation supérieure. Ainsi, dans sa hotte écosystémique, on trouvera pêle-mêle des composants informatiques et applicatifs qui s’organisent de manière à faciliter la collaboration et l’accessibilité : moteurs d’analyse de données, applications et services personnalisés, dépôts de données…
Cependant, défi majeur, cette hotte ne pourra être remplie que grâce à la participation des lutins vendeurs, des collèges, des universités et des organisations qui planchent sur les normes, en particulier celle de l’interopérabilité entre applications (LTI), celles de l’accessibilité des contenus (WCAG et ATAG) et celles de l’analyse de l’apprentissage (IMS Caliper et xAPI). Cadeau que les souliers sont déjà prêts à recevoir, pour autant qu’ils ne débordent pas d’outils et de ressources hétérogènes trop nombreux !
Alors petit ENA de Noël, quand tu descendras du ciel avec tes Lego® par milliers, n’oublie pas l’interopérabilité. Mais avant de venir, coopération à établir ! Sinon les apprenants ne croiront pas en toi. A cause de ça, ne t’utiliseront pas.
L’écologie d’apprentissage comme une étoile à cinq branches
Cinq éléments donnent du sens à une nouvelle écologie d’apprentissage.
Sans doute la plus consensuelle et pourtant la plus difficile à mettre en place, l’interopérabilité. Elle assure des formats communs de contenu pour que celui-ci soit facilement échangeable et réutilisable et que les usagers n’aient pas à se connecter de nouveau. S’astreindre à utiliser des normes et standards n’est pas restrictif. Au contraire, choisir cette dynamique permet d’assurer une cohérence globale du système, de l’enrichir de ressources externes et elle rend les utilisateurs plus autonomes vis-à-vis du service informatique. En la matière, les universités américaines ont un traîneau d’avance. Le nombre d’applications pédagogiques certifiées IMS-LTI est en constante progression.
Une nouvelle écologie ne fera sens que si chaque utilisateur peut s’approprier l’ENA. En particulier les enseignants et apprenants doivent pouvoir le personnaliser en ajoutant, configurant et modulant les ressources et activités de l’écosystème en fonction de leurs besoins spécifiques et selon différents styles d’enseignement/apprentissage. Il faudrait, pour les premiers, pouvoir intégrer et adapter des applications disciplinaires et pour les seconds réguler eux-mêmes leur parcours individuel.
La troisième tendance liée aux ENA est double : l’analyse de l’apprentissage et le système de planification et conseil intégré. Elle concerne la collecte de données de masse issues de statistiques démographiques, de données d’interaction avec le nouvel ENA et les productions des apprenants. Combinées, ces informations qualifiées aideraient à miuex suivre les progrès des apprenants et à anticiper les nouveaux besoins pédagogiques et à les intégrer rapidement à l’offre d’un ENA.
Une autre branche d’étoile, indissociable des autres pour une nouvelle écologie efficace, est la collaboration locale et internationale afin de ne pas se limiter à un modèle éducatif uniquement transmissif et dont la plupart des ressources sont en accès privé. On aurait tout avantage à se libérer de ce carcan pour ouvrir et partager au maximum, quitte à garder si besoin quelques supports uniquement accessible aux étudiants du cours.
Enfin, personne ne veut laisser les personnes porteuses de handicap de côté. Il est nécessaire de penser a priori aux contraintes d’accessibilité et de conception universelle.
Vaste et ambitieux programme que propose ce futur système… mais il n’y a pas de grands changements sans grandes ambitions, pas de Noël sans réveillon ! Les États-Unis tiennent les rênes depuis un moment déjà : les universités orientent leur ENA en fonction des cinq piliers cités plus haut afin de s’adapter au mieux à l’analyse de l’apprentissage, à l’enseignement adaptatif et aux réseaux sociaux qui ont pris leur élan depuis au moins deux ans.
Unizin anticipe les lendemains de fête
Il faut dire aussi que le marché des ENA est en plein essor et se complexifie. Zion Market Research prévoit une croissance de 24% entre 2017 et 2022. Des perspectives lucratives qui appâtent de nombreux acteurs du secteur. Afin de ne pas être le dindon de la farce en se laissant contrôler par des entreprises avides, certaines universités se regroupent. Par une mutualisation des moyens techniques et pédagogiques et un partage de bonnes pratiques, elles peuvent davantage influencer leur écosystème numérique d’apprentissage.
Parmi ces initiatives, citons Unizin, un partenariat entre douze universités américaines dont l’objectif principal est d’exercer un contrôle sur les ressources produites par ses membres ainsi que sur les analyses qualifiées qui en découleraient grâce à la masse de données issues de ce regroupement. Dans un premier temps, il s’agissait d’utiliser un ENA commun. Fin 2014, c’est Canvas de Instructure qui a été choisi, surtout pour son architecture de type Lego®. Rapidement après, dans l’idée d’adopter un répertoire de ressources d’apprentissage commun, Unizin a acquis Courseload (renommée Engage), une plate-forme de lecture de manuels numériques qui inclut des outils collaboratifs, le dépôt de ressources produites par ses membres et l’accès à du contenu extérieur comme celui des collections publiques (OER par exemple). Enfin, afin de se doter d’outils et de services pour l’analyse de l’apprentissage, d’une part Unizin a passé cette année un accord avec Barnes & Nobles Education pour bénéficier de l’outil analytique Loudcloud et d’autre part, il s’est assuré l’aide de l’IMS Global Consortium pour faciliter l’adoption de IMS Caliper (le standard relatif à l’analyse de l’apprentissage). Les deux partenaires sont en train d’élaborer des métriques pour l’évaluation de l’apprentissage en analysant l’utilisation d’Engage.
Afin de mesurer les enjeux et les bénéfices d’une nouvelle écologie d’apprentissage selon le modèle du regroupement en consortium, Unizin est à suivre de près.
Le christkindelsmärik enchanteur des nouvelles tendances
Après des années sans innovation technologique majeure, le secteur de l’éducation va peut-être connaître une ère de renouveau et sortir enfin des sentiers (de neige) battus. En cadeau, on vous présente ici les principales technologies qui pourraient avoir un impact sur les ENA. Pas question de faire ses courses, il est encore trop tôt pour les intégrer à notre enseignement de tous les jours. Mais rien n’empêche le lèche-vitrine….
Intelligence artificielle « c’est l’heure solennelle où l’homme-dieu descendit jusqu’à nous »
Notre époque est traversée par une révolution numérique, celle de l’imbrication des technologies informatiques et des sciences cognitives. Tout le monde l’annonce, l’intelligence artificielle pleine de promesses est pour maintenant. On lui prête une puissance infinie. Entre fantasme et réalité, certains prophétisent qu’elle pourrait remplacer les enseignants, faire disparaître les institutions d’enseignement supérieur et menacer la protection de la vie privée. D’autres, plus pragmatiques, envisagent un rapprochement avec l’enseignement adaptatif, mode d’apprentissage qui mêle algorithmes, psychologie cognitive et données massives.
C’est le positionnement d’une poignée de jeunes entreprises comme Knewton qui offre à la fois des didacticiels adaptatifs pouvant s’intégrer aux ENA (compatibles IMS LTI) et des fonctionnalités d’analyse de l’apprentissage. Au Canada, on parle davantage de D2L avec LeaP qui facilite le repérage des difficultés d’un étudiant et lui propose des contenus adaptés. Même si les débuts sont encourageants, peu d’universités se sont engagées dans un cursus complet et multidisciplinaire en utilisant ces pensées calculantes. L’heure du remplacement de l’homme par le dieu machine n’a pas encore sonné.
Internet des objets « Père Noël, Père Noël apporte des bébelles, j’en ai eu pi j’en veux pus »
Peu de voix prétendent le contraire, le nombre d’objets intelligents augmente de manière exponentielle et nous sommes en train de tous les assimiler petit à petit. Le monde de demain sera connecté de A à Z avec des bordées de gadgets futiles le matin, indispensables l’après-midi. Quels sont les enjeux de cette autre révolution connectée pour l’éducation ?
Des milliards d’objets communicants permettent d’être toujours à jour avec les informations et de rester en contact d’une manière ou d’une autre. Les « natifs connectés » ne vivent pas sans. C’est la raison pour laquelle les institutions d’enseignement supérieur vont devoir rapidement régler la question de la gestion du débit des réseaux de communication et celle de l’identification des objets qui peuvent s’y connecter ; dans l’idéal, en phase d’implantation d’un nouvel ENA. En outre, elles devront se pencher sérieusement sur l’exploitation des données personnelles car ces objets sont encore très perméables aux intrusions malveillantes.
A un niveau purement pédagogique, l’intérêt est encore limité. Pourtant, l’apprentissage par ces outils connectés et surtout la compréhension de ces nouvelles technologies sont appréciés par le milieu professionnel.
Réalité virtuelle « et l’écho de nos montagnes redit ce chant mélodieux »
La tendance n’est pas nouvelle et comme les chants de Noël, c’est toujours la même antienne : Sonnez pipeaux et trompettes – Falalalalalalalala – car c’est la joie qu’on apporte – Falalalalalalalala – Ouvrez donc grand votre porte… à la Réalité Virtuelle. Malgré les prix prohibitifs pour le monde de l’éducation, les voix lui répètent en écho : vous n’imaginez pas ce que la réalité virtuelle peut faire pour vous !
En effet, elle semble prometteuse dans l’enseignement de la médecine, de l’architecture, de la géographie mais aussi dans l’apprentissage de la prise de décision urgente et dans la gestion des relations interpersonnelles complexes. Lors du dernier MoodleMoot (colloque annuel qui rassemble les utilisateurs de Moodle), on a même démontré son intérêt pour la formation en entreprise.
Les universités préfèrent, comme d’autres, voir pour croire. Elles se contentent d’observer ce qui se passe d’abord avec la réalité virtuelle et Google cardboard et avec la réalité augmentée qui est moins exigeante en matériel puisqu’il suffit d’un téléphone, d’un écran ou de lunettes pour ajouter des éléments virtuels à notre environnement réel. Cela dit, avec le standard webvr qui rend possible l’expérimentation de la réalité virtuelle à travers les navigateurs, on peut envisager concrètement de l’intégrer aux ENA dans une dynamique de nouvelle écologie d’apprentissage.
Même si Noël n’est pas pour tout de suite, il est permis d’imaginer le futur des ENA, bercé par la magie des nouvelles tendances. L’horizon est plein de promesses. A nous de les concrétiser en temps voulu et surtout d’en faire quelque chose d’utile sur le terrain. Sinon, c’est comme un Panettone : joli mais pas vraiment bon. La terre est libre et le ciel est ouvert.
« Depuis presque 3 ou 4 ans
Nous le promettaient les experts
Depuis presque 3 ou 4 ans
Nous attendons cet heureux temps
Il va naître le divin ENA
Jouez hautbois, résonnez musettes
Il va naître le divin ENA
Nous chanterons tous son avènement ! »
Retrouvez d’autres informations concernant les ENA actuels des universités québécoises dans l’étape 3 du laboratoire ‘Les environnements numériques d’aprentissage : état des lieux et perspectives’.