Fermer×

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

En mai 2015, le comité TIC du Collège LaSalle a lancé un appel de projets à l’ensemble des enseignants, invitant quiconque souhaitant intégrer les technologies dans son enseignement à lui soumettre une proposition. Je venais de recevoir une invitation pour participer à une foire touristique asiatique ainsi qu’à un voyage de familiarisation qui se déroulait à Tokyo à l’automne 2015. Je me disais qu’il y avait là un potentiel pédagogique intéressant à exploiter. J’ai donc soumis ma proposition et, au mois d’août,  j’ai su que mon projet avait été retenu. J’allais pouvoir offrir à mes étudiants du cours Attraits culturels et touristiques de l’Asie et du Pacifique Sud une formule hybride: des cours en classe… et des cours en direct du Japon, du 20 septembre au 5 octobre 2015 !

J’avais la possibilité d’enseigner à distance en recourant à divers outils technologiques en direct du Japon, capitale mondiale de l’innovation numérique et technologique ! Considérant ce contexte pédagogique particulier, j’ai dû modifier ma planification d’activités d’enseignement et d’apprentissage, autant quant à la diffusion du cours qu’à la participation active des étudiants. Puisque la motivation et l’engagement de mes étudiants me tiennent à coeur, j’ai cherché quelle serait la meilleure stratégie pour les impliquer autant, sinon plus à ce cours hors de l’ordinaire.

Photo d'une intersection de rue à Tokyo

Tokyo, octobre 2015.

Le blogue : les connaissances au service des compétences

Au début de la session, j’ai confié le projet central du cours à mes étudiants. Chaque semaine, ils devaient alimenter un blogue collectif. Comme je donne ce cours à 2 groupes, un francophone et un anglophone, nous avons créé 2 sites sur WordPress. Lors de la démonstration de l’utilisation du blogue, 2 étudiants de chaque groupe se sont portés volontaires pour effectuer la vérification des publications, puisqu’ils étaient plus habiles avec l’aspect technique. En échange, ils bénéficiaient d’un allègement des recherches à effectuer pour nourrir les 2 sites. Ces étudiants et moi-même avions des codes administrateurs alors que les autres étudiants avaient des codes auteurs.

Capture d'écran du blogue des étudiants anglophones

Blogue des étudiants du groupe anglophone

Capture d'écran du blogue des étudiants francophones

Blogue des étudiants du groupe francophone

Durant les 15 semaines de cours, nous couvrons plusieurs attraits culturels et touristiques de 11 pays asiatiques. Les étudiants avaient cependant à effectuer des recherches plus approfondies sur des événements passés et actuels concernant les aspects politique ou environnemental de la Thailande, de la Birmanie, de l’Inde et du Népal. Le blogue était donc un moyen de présenter collectivement l’information trouvée en fonction de différents aspects ou problématiques particulières vécues dans un pays, en les mettant en rapport avec l’industrie touristique et le tourisme durable. Par exemple :

  • La présence de castes sociales en Inde
  • Les réalités de vie des ladyboys en Birmanie et en Thaïlande
  • La problématique de la prostitution en Thaïlande
  • L’histoire et l’évolution de l’industrie du tourisme autour du mont Everest
  • Le tsunami au Japon en 2004
  • La situation des peuples Karen et Padaung en Thaïlande

Ces recherches, menées dans un contexte scolaire, s’avèrent aussi essentielles lorsqu’on pratique le métier de guide touristique ou de conseiller en voyages, par exemple. Dans le cadre du programme Techniques de tourisme, il faut habiliter les étudiants à dégager l’information pertinente et à se forger une opinion éclairée sur le sujet, car ils devront ultérieurement parler et discuter de la réalité touristique d’un pays avec des voyageurs ou encore recommander cette destination à des voyageurs potentiels. 

Photo de lanternes dans un magasin

Lanternes, octobre 2015

Une distinction sur la nature et l’utilisation de ce blogue par rapport à un blogue personnel a permis de travailler davantage la réflexion critique des étudiants quant à la confidentialité ou l’accessibilité des publications sur la toile et à leur identité numérique professionnelle et individuelle. Je suis agréablement surprise et fière de constater la qualité des recherches et des réflexions des étudiants! Leurs efforts pour ne pas porter de jugement sont tangibles. La qualité de leurs commentaires sur les publications de leurs collègues de classe est l’une des retombées positives de cette conscientisation. D’ailleurs, lorsqu’ils commentaient, les étudiants étaient invités à :

  • Appuyer leurs propos en partageant un article
  • Faire des liens avec leur expérience personnelle ou leurs recherches

Le recours au blogue a aussi permis de travailler la rigueur méthodologique liée à la publication de contenus sur internet (utilisation d’illustrations, de photos ou de vidéos libres de droit). Enfin, les étudiants présenteront prochainement leur travail de session, qui porte sur 13 autres destinations asiatiques.

Déjà, ce projet collectif et conçu dans un contexte pédagogique a trouvé écho ailleurs dans le monde, puisque des gens suivent le blogue… depuis l’Asie ! Voilà une autre source de motivation pour les étudiants. Grâce à cela, ils savent qu’un réel public peut s’intéresser à leur projet ; pas seulement leur prof !

La visioconférence : la présence malgré la distance

La trentaine d’étudiants de mes 2 groupes ont aussi eu l’occasion de se servir d’une plateforme de visioconférence pour assister à mes cours lorsque j’étais au Japon. Au cours des 2 semaines passées sur le territoire nippon, j’ai donné 8 cours de 2 heures à chacun de mes groupes.  Pour des raisons logistiques et d’organisation, il était plus simple que les étudiants conservent leur horaire régulier. Puisqu’il y a 13 heures de décalage entre le Québec et le Japon, j’ai eu la chance de donner des cours jusqu’à 2 heures de la nuit, et dès 5 heures certains matins !

Les étudiants se connectaient à la plateforme Adobe Connect. Avant mon départ, nous avions réalisé quelques démonstrations en classe avec leurs ordinateurs portables. Tous les téléchargements des plugiciels nécessaires au bon fonctionnement de la plateforme ont été pris en charge par le service informatique du collège afin de minimiser le risque de problèmes techniques. La bibliothèque a acheté des casques d’écoute que les étudiants ont pu emprunter et conserver pendant les 2 semaines du cours à distance. Malheureusement, comme la qualité de la connexion internet ne pouvait être assurée, il était préférable que les étudiants n’utilisent pas leur caméra vidéo. Je me suis par contre servi de ma caméra pour intervenir sur la plateforme. De mon côté, pour prévenir les défaillances ou la faiblesse du signal réseau, je m’étais procuré un Pocket WiFi sur internet. Il a été livré à mon premier hôtel avec une enveloppe de retour pour le réexpédier en quittant le pays. Cette précaution m’a permis d’avoir une connexion internet maximale pendant 12 jours pour environ 100$. Par ailleurs, au Collège, un membre de la direction ou un conseiller pédagogique ouvrait le local informatique aux étudiants et supervisait le bon déroulement de la première séance.

Une fois la familiarisation avec l’aspect logistique et l’adaptation à cette forme de présence virtuelle complétées, les étudiants et moi étions prêts pour les cours ! À chaque séance, je profitais d’une vingtaine de minutes pour parler du Japon, de la culture et des particularités des endroits que je visitais lors du tour de familiarisation ou de mes excursions en solo. J’expliquais aussi aux étudiants le déroulement de la foire touristique à laquelle j’assistais et je leur présentais les fournisseurs et organisations rencontrés. Comme ce cours est offert en 3e année, les étudiants sont très intéressés à en savoir davantage sur l’aspect pratique du métier. Avoir l’occasion de leur parler d’une foire touristique et la vivre « par appropriation » est donc très enrichissant pour eux.

Acheteurs canadiens invités à la foire touristique Visit Japan Travel & Mice Mart 2015.

Je me servais de la plupart des outils disponibles sur Adobe Connect pour animer chaque séance. En fait, il était possible autant pour les étudiants que pour moi de :

  • Télécharger des fichiers et présentations PowerPoint pour présenter du contenu et appuyer mes propos
  • Noter des éléments sur une page blanche dans le bloc-note diffusé à l’écran
  • Utiliser les outils d’écriture pour mettre en évidence des éléments de la présentation
  • Communiquer en utilisant le micro ou le clavardage

La communication bidirectionnelle dans le cadre de ce cours est un élément central de ma stratégie d’enseignement. L’enseignement magistral a moins sa place puisque les étudiants sont en apprentissage d’un métier. Je crois qu’en formation technique, il est primordial de placer les étudiants dans l’action. Je pense que cela permet aux étudiants de définir leur identité professionnelle.

Une fois de plus dans le cadre de ce projet TIC, j’ai été étonnée de constater la participation élevée des étudiants par échanges audio ou écrits, lorsqu’ils répondaient à mes interventions ou qu’ils échangeaient avec les autres étudiants connectés. Certains, plus timides à intervenir dans le contexte régulier du cours, interviennent peu ou pas, alors que les étudiants verbomoteurs prennent plus de place. Par contre, dans un contexte de formation synchrone, le clavardage s’est avéré un excellent outil de communication et permettait à tous de participer activement à chacune des séances. Je retiens de cette expérience qu’il demeure essentiel de varier les techniques et les styles d’apprentissage pour bien répondre à l’ensemble des étudiants !

Pagode Cheedi Mont Fuji, octobre 2015

La plupart du temps, les étudiants assistaient au cours dans le laboratoire informatique, mais il est arrivé que quelques étudiants soient à la maison, et ils me disaient que leur concentration était meilleure. Si j’ai à nouveau la possibilité d’effectuer un enseignement à distance dans le cadre de ce cours, il serait intéressant de permettre aux étudiants d’assister aux cours depuis la maison.

Je suis très satisfaite de mon expérience d’enseignement par-delà les frontières de mon collège. Cela nécessite une organisation importante, mais expérimenter de nouvelles stratégies et varier les outils d’apprentissage ne peut qu’être formateur, autant pour les étudiants que pour le prof ! Je n’aurais pu apprécier à ce point mon expérience sans l’appui du comité TIC :

  • Julie Anne Roy, coordonnatrice au soutien pédagogique
  • Mathieu Lépine, adjoint à la direction des études – vie des programmes et développement pédagogique
  • Rosemary Lahey, formatrice
  • Mes collègues enseignantes en Techniques de tourisme
  • Martine Lizotte, à la direction de l’École internationale d’Hôtellerie et de Tourisme

Grâce à ce soutien, je n’hésiterai pas à tenter une nouvelle expérience technopédagogique !

À propos de l’auteure :

Consultante en voyages, enseignante en Techniques de tourisme au collégial, conférencière, auteure et chroniqueuse voyage, Ariane Arpin-Delorme est une vraie passionnée dans tout ce qu’elle entreprend. Elle a fondé l’agence Esprit d’Aventure en 2013, où elle agit à titre de présidente et de conseillère en voyages sur mesure. Ayant visité plus de 50 pays, elle a cumulé une foule d’expériences variées dans l’industrie du tourisme et réalisé plusieurs projets de coopération internationale. Ses moteurs : aller à la rencontre des peuples, gravir les plus hauts sommets du monde et partir naviguer en voilier…

À propos de l'auteure

Ariane Arpin-Delorme

Consultante en voyages, enseignante en Techniques de tourisme au collégial, conférencière, auteure et chroniqueuse voyage pour plusieurs médias et à la radio, Ariane Arpin-Delorme est une vraie passionnée dans tout ce qu’elle entreprend. Vous pouvez lire sa chronique Plier Bagage sur l’application TC Nouvelles. Elle a fondé l’agence Esprit d’Aventure en 2013, où elle agit à titre de présidente et de conseillère en voyages sur mesure. Ayant visité plus de 55 pays, elle a cumulé une foule d’expériences variées dans l’industrie du tourisme et réalisé plusieurs projets de coopération internationale. Ses moteurs : aller à la rencontre des peuples, gravir les plus hauts sommets du monde et partir naviguer en voilier…

S’abonner
Notification pour
guest

10 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Nicole Perreault
Nicole Perreault
7 décembre 2015 21h12

Quel beau projet ! Quelle belle initiative ! Non seulement cette activité stimulante et motivante aura permis à vos étudiants de mieux s’approprier « les ficelles du métier », de découvrir l’Asie et le Pacifique, elle aura aussi été l’occasion de développer des habiletés informationnelles et technologiques indispensables à l’exercice de leur profession, comme celles qu’on retrouve dans le Profil TIC des étudiants du collégial : H1->Rechercher l’information pertinente au projet, H2->Traiter l’information pour identifier celle à inclure dans le blogue, H3-> Présenter l’information (dans le blogue), H4->Travailler en réseau, tout cela dans un contexte d’exploitation des TIC de manière efficace et responsable (H5). Décidément, les projets de votre collège sont tous plus intéressants les uns que les autres! Bravo! http://www.reptic.qc.ca/wp-content/uploads/2013/08/affiche-profil-TIC.pdf

René Bélanger
René Bélanger
8 décembre 2015 21h01

Une belle expérience! La distance n’a plus d’importance! Bravo et merci pour le partage!

Marie-Josée Demers
Marie-Josée Demers
9 décembre 2015 0h10

Wow quel beau projet. Les élèves devaient avoir les yeux brillants et les oreilles grandes ouvertes !! En plus, de ne pas manquer de cours, ils ont pu vivre avec toi une partie de ton voyage ! Une expérience marquante pour eux j’en suis certaine !! Félicitation pour ton travail, c’est inspirant !

valerie bilodeau
valerie bilodeau
9 décembre 2015 15h40

Bonjour Ariane,

Félicitations pour ton implication et l’innovation dans ce projet.

Luce Delorme
Luce Delorme
9 décembre 2015 23h05

J’ai fait une bonne lecture de ton article et comme on a fait un grand chemin depuis le temps où j’enseignais avec crayons de plomb et crayons de bois. Bravo Ariane et tu as de quoi être fière en donnant l’exemple que cela est possible d’accrocher les jeunes !