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28 février 2019

Identification des étudiants à risque au Collège La Cité

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

En novembre et décembre 2018, j’ai assisté au laboratoire Analyse de l’apprentissage V2, organisé par la Vitrine technologie-éducation (VTÉ) et animé par Séverine Parent et Michelle Deschênes. Entre autres sujets fort intéressants, il a été question du projet Savoir du collège communautaire francophone La Cité, à Ottawa. Ce projet permet au collège, en collaboration avec tous les enseignants, d’identifier les étudiants à risque efficacement et rapidement en début de session.

En quoi consistent les laboratoires de la VTÉ

Périodiquement, la VTÉ organise une série de 2 ou 3 rencontres en ligne autour d’un thème lié aux innovations technologiques en pédagogie. La VTÉ en assume l’animation et s’assure de mettre en relation différents intervenants : conseillers pédagogiques, enseignants, experts ou praticiens du sujet.

L’inscription aux laboratoires est gratuite! Surveillez entre autres le calendrier des activités dans Profweb ou fil Twitter de la VTÉ pour voir l’annonce des prochains laboratoires!

Michel Singh, alors conseiller-cadre au Collège La Cité, a présenté le projet Savoir aux participants du laboratoire.

De l’autre côté de la rivière des Outaouais… un contexte familier

Les réalités des collèges communautaires ontariens sont différentes de celles des cégeps et collèges privés québécois. Mais ce qui a mené à la mise en place du programme Savoir à La Cité collégiale d’Ottawa résonne énormément dans le contexte québécois. En effet, c’est la baisse de clientèle et la diversité croissante des étudiants qui ont rendu encore plus pressant le besoin de soutenir les étudiants en difficulté pour améliorer la rétention et la réussite.

Les enseignants : les meilleurs algorithmes

Comment la direction d’un collège peut-elle identifier efficacement les étudiants à risque tôt dans la session, pour pouvoir intervenir de façon précoce? Réponse trouvée au collège La Cité : exploiter le jugement professionnel des enseignants.

Les enseignants, en classe, ont une bonne idée des caractéristiques des étudiants. Quels sont les étudiants :

  • qui participent peu?
  • qui s’absentent souvent ou sont souvent en retard?
  • qui se comportent mal?

Les enseignants peuvent le dire, dès la 3e semaine de cours. À ce moment, ce ne sont pas tous les enseignants qui ont fait une évaluation, mais ils ont généralement des informations qualitatives, basées sur leurs observations de l’engagement des étudiants en classe.

À la 3e et à la 6e semaine de cours, les enseignants doivent entrer, pour chacun de leurs étudiants, un code vert, jaune, ou rouge. Quand le code est jaune ou rouge, l’enseignant doit indiquer si c’est lié à la participation, aux absences et retards ou au comportement. À la 6e semaine, une composante liée au rendement scolaire s’ajoute.

Les codes donnés par les enseignants sont communiqués à la direction et à différents intervenants du collège, bien sûr, mais aussi à l’étudiant.

Quand un étudiant reçoit plus d’un code jaune ou rouge, un conseiller communique avec lui pour lui offrir des ressources. L’étudiant étant déjà au fait des informations : c’est transparent. Il n’a pas l’impression que ses enseignants et les conseillers ont « parlé dans son dos ».

Aperçu du portail d’un étudiant. Source de l’image

Nos professeurs savent à la semaine 3 […] qui va réussir ou non en salle de classe. [Le problème] c’est qu’on ne le demande pas, on ne capture pas cette donnée-là. Et […] Savoir, c’est ce que ça fait : ça va demander, capturer l’information [et la communiquer] au Collège et aux étudiants.

Michel Singh, conseiller-cadre au collège communautaire La Cité

Et les données sont valides : l’expérience a montré qu’il y a effectivement une forte corrélation entre le nombre d’indicateurs jaunes et rouges et l’échec des étudiants.

On n’essaie pas de prédire si un étudiant va réussir en se basant sur des modèles supercomplexes : ce qu’on fait, c’est qu’on va chercher l’information qui, selon nous, a le plus de valeur : l’observation de nos professeurs.

Michel Singh, conseiller-cadre au collège communautaire La Cité

Renforcement positif

Plus de 85% des indicateurs sont verts. A priori, le collège a développé le projet Savoir pour s’intéresser davantage aux indicateurs jaunes et rouges qu’aux verts. Mais, à la suite, entre autres, d’un sondage réalisé auprès des étudiants, les intervenants ont constaté que les indicateurs verts étaient eux aussi très utiles. Dire aux étudiants qu’ils vont bien a une répercussion sur leur réussite. Les indicateurs verts de la 3e semaine stimulent le sentiment d’efficacité personnelle des nouveaux étudiants plus insécures.

Qu’est-ce que je peux faire avec ça?

Savoir est un projet institutionnel au collège La Cité. Que peut-on retirer de cette expérience, comme enseignant, si notre collège ne dispose pas d’un système comme Savoir? Moi, au terme de la présentation de Michel Singh, j’ai ressenti une motivation accrue à distribuer « des indicateurs verts » à mes étudiants : formuler des encouragements, leur dire qu’ils font un bon travail. D’ailleurs, pour Michel Singh lui-même, le renforcement positif qu’entraînent les indicateurs verts s’est avéré être l’élément le plus important du projet Savoir.

Pour voir l’entièreté de la présentation de Michel Singh lors du laboratoire organisé par la VTÉ, regardez la vidéo.

Extrait du laboratoire sur l’Analyse de l’apprentissage – Présentation de Michel Singh

Pour en savoir plus sur le laboratoire Analyse de l’apprentissage V2

Pendant le laboratoire, d’autres outils et projets intéressants ont été présentés. Parmi ceux-ci, 2 dont Profweb a déjà parlé:

Si vous voulez en savoir plus sur tous les autres éléments abordés pendant le laboratoire, consultez les comptes-rendus produits par les animatrices sur le site de la VTÉ :

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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Alexandre Boivin
Alexandre Boivin
25 mars 2019 17h14

Je trouve cela fort intéressant et me pose moi-même la question en ce moment si nous devrions faire davantage d’efforts pour dépister les étudiants à risque dans notre collège. Toutefois, je me demande s’il n’y a pas un risque d’effet Golem?

Catherine Rhéaume
Catherine Rhéaume
25 mars 2019 17h45

Bonne question! Toutefois, je ne pense pas qu’il faille craindre l’effet Golem dans le cadre de ce projet-là. D’après ce que j’ai compris, les enseignants ne voient pas les codes donnés par les autres enseignants. (L’étudiant, différents intervenants spécialisés du collège et la direction voient tous les codes.) Je pense que l’effet Golem serait à craindre si les enseignants voyaient les codes donnés par leurs pairs… Êtes-vous d’accord avec moi?

Alexandre Boivin
Alexandre Boivin
25 mars 2019 20h07

Je ne sais pas, mais puisque l’étudiant voit se résultat il est possible qu’il internalise cette rétroaction (surtout si elle est partagée par plusieurs enseignants) tout comme l’étudiant qui reçoit un code vert semble être influencé par cela. Si c’est vrai pour une rétroaction positive ce doit l’être aussi pour une rétroaction négative. Par contre, je suis d’avis que l’étudiant qui est sur la mauvaise voie doit en prendre conscience le plus rapidement possible. C’est pourquoi je suis ambivalent par rapport à cela. J’imagine que c’est à ce moment qui l’encadrement offert par l’enseignant responsable du suivi prend tout son sens.

Catherine Rhéaume
Catherine Rhéaume
25 mars 2019 20h52

Ah! Je pense que l’effet Golem réfère aux attentes de l’enseignant: quand un enseignant croit qu’un étudiant n’a pas « ce qu’il faut pour réussir », il ne lui offre pas le soutien nécessaire à sa réussite, ce qui entraîne (ou à tout le moins: « contribue à ») l’échec de l’étudiant.
Mais vous avez raison: si un étudiant pense qu’il n’est pas « bon », cela pourrait le pousser à ne pas faire ce qu’il faut pour réussir et, donc, à échouer…
Cela dit, on peut supposer que plusieurs des étudiants qui reçoivent des codes rouges auraient de toute façon vécu des échecs plus tard, avec des conséquences plus graves.
Personnellement, un signal d’alarme tôt en début de session me semble présenter plus d’avantages (dont le principal est la mobilisation des intervenants pour accompagner l’étudiant) que d’inconvénients (risque de décourager certains étudiants, risque d’être émis à tort). Mais c’est assurément un pensez-y-bien!

Alexandre Boivin
Alexandre Boivin
26 mars 2019 15h25

Oui, je croyais au départ que l’ensemble des enseignants avait accès à ces informations. Je suis tout de même souvent déchiré entre mon désir de laisser mes a priori de côté et la possibilité de prévenir certains comportements. J’ai aussi un souci particulier de ne pas stigmatiser certains étudiants, car j’ai vu cela plus d’une fois dans ma carrière malheureusement. Je finirai bien par trouver un équilibre là-dedans je présume. C’est peut-être ma formation en psychologie qui m’amène à me méfier de mes perceptions. Bref, merci d’alimenter ma réflexion!