L’apprentissage par problème combiné à une classe active en physique
Le vendredi 30 septembre 2016, j’ai eu la possibilité d’assister à un cours de physique basé sur l’apprentissage par problème (APP) dans une salle multifonctionnelle. J’ai pu aussi m’entretenir avec Stéphan Gaumont-Guay, un enseignant au Cégep Limoilou qui met en pratique cette approche depuis 2004. Rendez-vous dans la classe du 21e siècle au campus de Charlesbourg.
La classe du 21e siècle
Cette aventure a commencé initialement par un projet pilote, le seul moyen pour Stéphan d’essayer l’APP en 2004. L’aménagement possible de la classe et les ressources disponibles étaient alors bien différentes de celles que l’on connaît aujourd’hui.
Pendant un certain temps, je devais apporter des rallonges électriques ainsi que des parasurtenseurs afin d’inciter mes étudiants à apporter leurs ordinateurs portables en classe. J’espérais que chaque équipe en ait au moins un. Maintenant, j’encourage mes étudiants à apporter et à utiliser leur cellulaire en classe!
En 2012, après plusieurs années de pratique d’APP et d’utilisation des technologies dans ses cours, Stéphan est invité à présenter la classe d’apprentissage actif au comité de direction des études. C’est à la suite de cette consultation que le projet de la classe du 21e siècle prend forme. Les principales caractéristiques retenues pour le développement de cette classe sont : des tables munies d’un ordinateur ainsi qu’un projecteur interactif qui peuvent accueillir plusieurs étudiants et leurs portables.
Une première salle a vu le jour en 2012 au campus de Québec. Une autre salle a été construite plus tard au campus de Charlesbourg à l’automne 2014.
L’organisation de la classe au campus de Charlesbourg.
L’APP décortiquée
Selon Ouellet et Guilbert (1997), l’apprentissage par problème (APP) se définit comme :
[un] processus de résolution d’un problème complexe où les participants, regroupés par équipes, travaillent ensemble à chercher des informations et à résoudre un problème réel ou réaliste proposé de façon à développer des compétences de résolution de problèmes et à faire en même temps des apprentissages de contenu.
Cette approche est axée sur :
- Le travail d’équipe
- La discussion
- L’apprentissage par les pairs
L’étudiant est donc placé au centre de ses apprentissages en étant actif dans la construction des savoirs. L’enseignant est un guide plutôt qu’un professeur du savoir.
Il s’agit d’une approche basée sur le constructivisme radical. Je place mes étudiants devant un problème complexe et réaliste afin qu’ils collaborent et se mobilisent afin de trouver une piste de solution. Il n’est donc plus question de transmission de savoirs aux étudiants, mais bien de construction. Cette approche tend à rendre les étudiants autonomes dans leurs apprentissages. L’une des particularités de l’APP est de proposer aux étudiants un problème en situation réelle, ce qui leur permet de contextualiser et de donner un sens aux différents concepts ainsi qu’à la démarche proposée.
L’APP s’inscrit très bien dans l’approche par compétences implantée au sein du réseau collégial québécois depuis une dizaine d’années par le Ministère de l’Éducation (anciennement le MELS). Dans le programme de Sciences de la nature, elle permet de rejoindre différents objectifs, dont :
- D’appliquer une démarche scientifique
- D’utiliser des technologies appropriées de traitement de l’information
- De communiquer de façon claire et précise
- D’apprendre de façon autonome
- De travailler en équipe
- De traiter de situations nouvelles à partir de ses acquis
Les 5 étapes de l’apprentissage par problème
Les 5 étapes de l’apprentissage par problème
- Les étudiants sont amenés à définir le contexte et la problématique le plus précisément possible. Chaque équipe peut identifier le problème de manière différente!
- Les étudiants doivent aller chercher dans leur bagage les savoirs et les expériences antérieurs qui pourraient être utiles dans le contexte du problème. Ils peuvent également élaborer une liste de solutions ou d’hypothèses à vérifier.
- Les étudiants doivent identifier les « boîtes noires » possibles. Ce sont des éléments et des termes inexpliqués qui mériteraient d’être approfondis. Ils peuvent toucher différentes disciplines, comme cela rejoint l’un des buts de l’APP.
- C’est l’étape la plus longue et qui requiert le plus de recherches pour les étudiants. L’ouverture d’une « boîte noire » peut s’effectuer de différentes façons :
- Lecture d’un livre ou d’un site internet
- Expérience en laboratoire
- Essai en situation réelle
- Discussion avec un enseignant ou une personne ressource, etc.
Il est important ensuite de bien identifier la source d’information et de résumer les apprentissages.
- C’est à ce moment que les étudiants effectuent les liens entre toutes les informations qu’ils ont recueillies afin de soumettre une solution, si elle existe. C’est le moment idéal de proposer une suite au problème et de prendre conscience de l’interdisciplinarité du problème réaliste.
L’apprentissage par projet combinée à une classe active, un duo gagnant!
Avec l’APP, il faut prévoir outiller les étudiants de manière à ce qu’ils puissent avoir accès à différentes ressources lors de leurs recherches. La classe du 21e siècle se prête bien à cet exercice : elle permet de faire des liens entre la science, la technologie et la société. L’ordinateur facilite la recherche d’information : articles, vidéos, applications diverses.
Selon Stéphan, bien que tous ces outils d’apprentissages aient un potentiel énorme, il n’en résulte pas moins qu’ils peuvent être une source de distraction pour les étudiants. L’enseignant se doit donc d’encadrer adéquatement les étudiants afin qu’ils puissent bien exploiter ces ressources.
Des étudiants en recherche de réponses à l’une des questions de l’APP.
Terminé les « à quoi ça va servir? »
Lors du premier cours de la session, Stéphan présente le fonctionnement de l’APP ainsi que les objectifs de cette approche. Dès le début, les étudiants se rendent compte que ce cours sera différent des autres. Il observe 3 types de réactions chez ses étudiants :
- Ceux qui affichent un vif intérêt
- Ceux qui deviennent plus inquiets ou plus déstabilisés
- Ceux qui tiennent à l’approche traditionnelle
Comme le dit l’adage : « l’essayer, c’est l’adopter ». Après une première expérience avec cette nouvelle approche, la motivation se trouve généralement au rendez-vous.
Lors de la mi-session, il change les équipes, formées librement initialement, afin de briser la routine qui s’installe. Cela crée une nouvelle dynamique laquelle permet de donner un second souffle à certains étudiants.
L’évaluation formative peut être réalisée lorsque les étudiants sont en session de travail. Il est alors possible de questionner leur démarche afin qu’ils portent plus loin leurs réflexions ou bien de les rediriger s’ils s’égarent dans leurs recherches. Toutefois, plus le nombre de groupes est grand, plus il est difficile d’offrir du temps de rétroaction aux étudiants de manière individuelle.
Pour la préparation aux examens sommatifs, Stéphan identifie des exercices typiques à réaliser qui sont en lien avec différents concepts abordés. Ses examens écrits constituent la partie la plus importante de l’évaluation sommative. Il y a des questions à développement en mathématique qui se rapprochent des exercices suggérés ainsi que des questions de compréhension des concepts, sans calcul. Stéphan rapporte que ses examens n’ont pas changé avec l’APP. Il arrive donc aux mêmes objectifs d’évaluation que ses collègues en physique tout en prenant une route différente.
Cependant, Stéphan constate qu’un apprentissage en contexte permet une meilleure rétention et un meilleur transfert des connaissances comme il peut approcher plusieurs concepts reliés sous une même thématique plutôt qu’en enchaînement. Par exemple, il utilise le schéma de concepts comme évaluation sommative à la fin d’une APP. Les étudiants doivent individuellement construire un schéma de concepts à l’aide de PowerPoint, ce qui les amène à résumer et à créer des liens entre les différentes notions vues dans l’APP. Cela permet particulièrement de synthétiser et structurer leurs apprentissages.
En pleine évaluation formative.
Stéphan souhaiterait développer une session complète basée sur une seule problématique ou encore autour d’une situation assez large afin d’associer chaque équipe à une facette différente :
- Dans le premier cas, cela lui permettrait de rattacher tous les concepts à un contexte réel. Il craint cependant de « perdre » certains étudiants qui n’accrocheraient pas à la thématique choisie.
- Dans le deuxième cas, il pourrait miser sur des « équipes d’experts » dans le but de créer de nouveaux groupes d’étudiants provenant d’équipes différentes, chacun pouvant apporter une vision différente sur le même problème. Cela lui permettrait d’aller plus loin dans l’approche qu’il utilise déjà en classe. Par contre, le sujet choisi doit être suffisamment riche pour pouvoir être étudié sous différents angles.
Pour l’instant, il réfléchit encore à la manière d’implanter ces projets.
Au fil des ans, Stéphan partage ses problèmes à des enseignants de physique provenant de différents cégeps. C’est grâce à ces échanges qu’il peut bonifier et améliorer ses activités.
Vous aimeriez partager votre expérience de l’APP dans vos cours? Vous souhaitez faire part de vos suggestions et idées? N’hésitez pas à écrire dans la section Commentaire ou à écrire à Stéphan.
Références utiles
- GUILBERT, L. et L. OUELLET. Études de cas; Apprentissage par problèmes. Sainte-Foy, Presses de l’université du Québec, 1997, 136 p.
- Le rapport de Stéphan sur sa pratique.
- Pour consulter l’expérience d’un autre enseignant du Cégep de Limoilou en APP : Une salle de formation documentaire inspirée de la classe d’apprentissage actif.
- Un premier cours gratuit en ligne (CLOM) à l’Université de Sherbrooke au printemps 2017 sur l’APP.
Bonjour,
Connaissez-vous le site web Apprentissage par problèmes en physique au collégial? Ce site propose 34 activités qui couvrent différents concepts de base utilisés dans les trois cours de physique du programme Sciences de la nature du réseau collégial.
http://pbl.ccdmd.qc.ca/
Merci Véronica!
Nous avons le projet de l’ajouter dans la zone « outil numérique » sur le site de Profweb.
Je rappelle par la même occasion que c’est la période d’appel de projets de la part du CCDMD. https://www.ccdmd.qc.ca/nouvelles/2016/lancement-de-lappel-de-projets-du-ccdmd-2017
L’an dernier, Catherine Rhéaume avait d’ailleurs cité en exemple l’outil que tu proposes grâce au soutien du CCDMD.
Merci à Stéphan et Samuel pour le partage! Voilà déjà deux sources d’inspiration pour les enseignants en physique.
http://eductive.ca/realiser-un-projet-grace-au-ccdmd-des-enseignants-de-science-politique-et-de-physique-temoignent
Merci pour les précisions Caroline!