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18 octobre 2017

Le marché des environnements numériques d’apprentissage (ENA) : un derby pour un quinté gagnant

Ce texte a initialement été publié par la Vitrine technologie-éducation sous licence CC BY-NC-SA 3.0, avant la création d’Éductive.

Un quinté se partage le marché des ENA  : BlackboardLearn, Moodle, Instructure avec Canvas, Desire2Learn avec Brightspace, et Sakai. Les Etats-Unis sont les seuls où Blackboard est le plus utilisé. Partout ailleurs, Moodle est favori. Si ces deux monstres sacrés semblent bien assis sur leurs lauriers, un œil avisé ne manquera pas de regarder du côté des nouvelles implantations. Il notera alors une nette progression de Canvas aux États-Unis depuis 2012 et plus récemment mais sûrement, celle de Brightspace au Canada. Pronostic d’un changement dans le grand champ de course des ENA ? Paris lancés !

Aux Etats-Unis : Blackboard, oui mais…

Selon les statistiques 2017 d’e-Literate, malgré ses différents achats de plates-formes (Prometheus, Web Course, WebCT et Angel Learning), le numéro un Blackboard a légèrement raccourci ses foulées en termes de parts de marché aux Etats-Unis ainsi que Moodle qui reste cependant largement en tête chez les « petites » institutions de moins de 2 500 étudiants (bon dernier pour celles de plus de 15 000 étudiants).  

A contrario, Canvas fait une échappée significative puisqu’il est passé de 19% du marché au printemps à presque 24% en automne (contre 32% pour Blackboard et 18% pour Moodle). La stratégie de ce fournisseur tourné vers l’infonuage, l’interopérabilité et la simplicité de son interface semble avoir été payante.

Chez D2L, particulièrement apprécié pour l’accompagnement de ses clients, l’allure est lente mais la progression régulière. On pense même qu’elle devrait s’accélérer grâce à son nouvel étalon Brightspace. Lancé en 2015, cette version améliore l’existante (Desire2Learn) et propose des fonctionnalités intéressantes pour le suivi, l’analyse de l’apprentissage, l’enseignement adaptatif et la mobilité.

Sakai, dont l’originalité est un code source libre en Java, a été implanté par de nombreuses universités américaines jusqu’en 2012 où deux de ses fondateurs ont rejoint Canvas mais peu de nouvelles implantations depuis.

En ce qui concerne les autres partants, Learning studio de Pearson ne sera plus disponible à la fin de l’année et les autres fournisseurs d’ENA sont implantés par chacun moins de 50 institutions. Les logiciels maison sont en baisse depuis 2 ans, que ce soit  aux Etats-Unis comme dans le reste du monde.

En Europe : Moodle mon amour

Fin 2016, 65% des 1604 institutions interrogées par e-Literate déclarent utiliser Moodle, qui, comme aux Etats-Unis, est largement plébiscité (71%) par les structures de moins de 2 500 étudiants. C’est l’inverse pour Blackboard dont la cote est la plus élevée (pourtant de 19% seulement) chez les institutions de plus de 15 000 étudiants. C’est aussi le cas pour Canvas à hauteur de 6% mais qui compte seulement pour 1% du marché global européen contre 4% pour Ilias et 3% pour Sakai. D2L n’est pas dans la course car utilisé par personne.

Océanie et Amérique Latine : deux sœurs jumelles pour deux favoris

Dans ces deux régions, le paysage est le même : Loin devant Blackboard (28% du marché en Amérique Latine et 20% en Océanie) Moodle est le vrai chouchou (67% et 57%). Viennent ensuite dans le même ordre, Brightspace, Canvas et Sakai de manière anecdotique.

Canada : D2L (Brightspace), pionnier du nouveau monde… des ENA

Terre d’accueil historique des ENA (entre autres avec WebCT et D2L), la situation du Canada est originale à plusieurs titres.

D’abord il ne compte plus Blackboard dans son couplé gagnant. En 2014, D2L le coiffe au poteau en  ne cessant de progresser contrairement au grand manitou Moodle. Pour deux raisons, celui-ci ne semble pas affecté. La première est sa cote de popularité parmi les 50 institutions collégiales du Québec et la seconde parce qu’il sort une nouvelle version fin 2017 qui comblera ses lacunes par rapport à la gestion du tableau de bord des étudiants, la mobilité et l’analyse de l’apprentissage. Notons que ce nouveau module pourra être hébergé localement, mettant fin au débat sur le respect de la vie privée, cheval de bataille des Canadiens.

Ensuite, la percée de Canvas n’est pas significative comme aux Etats-Unis pour la simple et bonne raison qu’il est basé sur l’intégration d’outils externes souvent américains, infonuagiques et qu’il est hébergé aux Etats-Unis, donc soumis au Patriot Act. Ce dernier est incompatible avec la loi sur la protection des renseignements personnels appliquée au Canada. Pour contourner l’obstacle, il existe une version libre et communautaire de Canvas qui peut être hébergée localement bien qu’elle n’offre pas toutes les fonctionnalités de la version commerciale. Elle est implantée par l’Université Simon Fraser (SFU) et l’Université d’Ocad. A ce jour, sa version en langue française n’est pas au point et freine son allure au Québec.

Enfin, la proportion des nouvelles implantations d’ENA est largement dominée par Brightspace (à plus de 80%)  et son service après-vente proactif mais c’est à pondérer par le fait que ces nouvelles implantations sont très peu nombreuses depuis quelques années (6 en 2015 selon ListedTech).  Très présent en Ontario, Brightspace tente percer au Québec en mettant en avant avec raison la simplicité de son interface (point commun avec Canvas). A ce jour, seule McGill l’utilise. Ailleurs, Moodle domine car il bénéficie du capital sympathie accordé aux logiciels libres qui permettent de personnaliser le code et facilitent les échanges avec les autres utilisateurs partout dans le monde.

Pour tendre vers l’exhaustivité, citons tout de même Sakai, pas encore disqualifié car implanté par HEC Montréal qui y a intégré ZoneCours, son logiciel de gestion de plan de cours.

Autres acteurs : qui s’y frotte s’y pique

Google et la grande séduction

Si Google Classroom et Microsoft Teams (anciennement Microsoft Classroom) dans Office 365 Education  se positionnent de mieux en mieux dans le contexte individuel d’une classe, il ne peuvent pas encore se substituer aux ENA car ils ne s’intègrent pas aux applications académiques ou administratives comme la gestion des cours, des programmes, des inscriptions ou des notes. Cependant, Google cravache pour pallier ces lacunes et il arrive que des universités parient sur lui comme plate-forme secondaire, voire principale. Cette tendance est à suivre de près, d’autant plus qu’il n’est pas aujourd’hui conforme aux normes IMS LTI (qui rendent possible le passage d’un environnement à un autre sans avoir à s’identifier à nouveau et facilite de façon transparente l’échange des données entre les environnements) mais cela ne saurait tarder et nous promet alors un galop intéressant.

MOOC : chronique d’un divorce annoncé

Si des ENA ont été utilisés lors des lancements des premiers MOOC, on n’enregistre plus de mouvement en ce sens depuis que le marché a atteint une certaine maturité. En effet, au-delà de 50 000 participants, beaucoup connectés simultanément, les ENA n’en  supportent pas la gestion. Le lancement de Canvas Network (plate-forme MOOC d’Instructure) aurait pu faire penser à un rapprochement des deux mondes. Las ! Bon sang ne saurait mentir : les universités qui participent à la confection d’un MOOC utilisent de préférence des fournisseurs spécialisées comme Coursera, edX, Udacity, etc.

LinkedIn et Facebook à la conquête de l’éducation ?

Comme Apple et Amazon, LinkedIn et Facebook se positionnent sur le marché de l’éducation à travers la formation et la fourniture de services divers. Ces deux géants du web commencent à proposer des cours en ligne et des outils pour les enseignants. Ils cherchent à établir des partenariats avec les institutions d’enseignement supérieur. Depuis avril 2017, Facebook est partenaire d’Udacity et teste une fonctionnalité qui permettra à ses membres de développer des cours en ligne.

Malgré des frémissements dans la course aux ENA  et les tentatives de saillies des nouveaux acteurs du marché éducatif, pas d’éclipse du soleil en vue à court terme. Leader incontesté, l’astre Moodle peut continuer de rayonner et s’enorgueillir à double titre : de nombreuses institutions profitent de sa lumière depuis longtemps et il reste le choix majoritaire pour les nouvelles implantations en Europe.

Retrouvez d’autres informations concernant le marché des ENA dans l’étape 1 du Laboratoire ‘Les environnements numériques d’apprentissage : état des lieux’.

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4 Commentaires
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Jacques Lecavalier
Jacques Lecavalier
30 mai 2014 15h36

Je vois que vos élèves sont bien affairés en classe, qu’il s’y passe beaucoup d’activités variées, dans lesquelles ils sont impliqués. C’est le vrai secret de la pédagogie inversée, d’après moi, bien plus que l’utilisation de la technologie hors classe. J’ai utilisé cette formule en français, première session, avec succès, durant les dernières années de ma carrière au collégial. Je crois que vous trouveriez une façon de l’adapter en première session, même si les élèves sont moins autonomes. La pédagogie inversée développe l’autonomie. Bravo pour votre innovation, Madame Morin!

Netta Gorman
Netta Gorman
30 mai 2014 15h37

Hi Johanne, Hats off to you for using varied teaching aproaches in such a productive way! It would be great to see you present at this year’s RASCALS colloquium at Cégep Ahuntsic. Have you sent in a proposal? It’s not too late. Write to Nicholas Walker at rascalscolloquium@gmail.com

Nicole Perreault
Nicole Perreault
30 mai 2014 15h38

Je trouve intéressante et stimulante l’activité que vous avez mise sur pied. Je compte l’intégrer dans une banque de ressources (à l’intention des enseignants) associées à la maîtrise de l’habileté « Chercher l’information » du Profil TIC des étudiants du collégial. Merci et bravo !

Diane Déziel
Diane Déziel
3 juillet 2014 13h47

Vraiment très beau travail!