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3 mai 2019

Le projet Photovoice pour comprendre les difficultés qu’éprouvent les étudiants ayant un trouble d’apprentissage

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Ce récit a été traduit de l’anglais.

Les citations ont été traduites de l’anglais par l’éditrice.

En tant qu’enseignants au collégial, créer un environnement de classe inclusif, qui soutient l’engagement et la réussite d’une variété d’apprenants, fait partie de notre mission. Cependant, la mise en place d’une classe inclusive capable de rejoindre tous les étudiants, particulièrement ceux ayant des troubles d’apprentissage (TA), représente un défi important.

Les objectifs et la description du projet Photovoice

Afin de mieux comprendre les difficultés et les défis auxquels mes étudiants ayant un TA font face, j’ai utilisé la technique Photovoice. La démarche Photovoice « consiste à capter la réalité de la vie des gens et de rendre ces réalités accessibles aux autres par l’utilisation d’images photographiques. » (Povee, Bishop, & Roberts, 2014, p. 895). En représentant leurs barrières par la photographie, les étudiants avec un TA ont la possibilité de « s’exprimer de manière nouvelle et imaginative » (Mcintyre, 2003, p. 52) et de prendre conscience des barrières qui les affectent le plus dans l’apprentissage des sciences. (Mcintyre, 2003, Wang & Burris, 1997)

Pour amorcer la démarche Photovoice, j’ai demandé à mes étudiants ayant un TA de prendre des photos des obstacles qu’ils rencontraient dans l’apprentissage des sciences pendant la session. De plus, ils ont rédigé un journal personnel pour expliquer de quelles façons les obstacles photographiés affectaient leur apprentissage. Pour protéger l’identité de mes étudiants, un pseudonyme a été attribué à chacun d’entre eux.

L’histoire de Keisha : les difficultés rencontrées et les stratégies pour y faire face

Keisha était l’une de mes étudiantes en soins infirmiers, qui devait suivre un cours obligatoire de biologie. Pour son projet Photovoice, Keisha s’est concentrée sur ses barrières internes (son trouble d’apprentissage) qui l’empêchaient de réussir son cours de biologie. Keisha a photographié le mot Words et a écrit dans son journal à quel point ses difficultés avec l’orthographe et l’écriture affectaient à son apprentissage.

Une photo prise par une étudiante pour expliquer son trouble d’apprentissage.

Lorsque j’étais plus jeune j’ai été diagnostique avec un retard de langage, et avoir ça ça a vraiment affecté ma compréhension et littérature à l’école. Ça veut dire que je n’étais pas au niveau de lecture ou d’écriture de mon année. Je devais me pratiquer à lire tous les soirs avec mes parents, et l’école je devais sortir de la classe pour aller avec un professeur pendant une heure ou aller à une thérapie de groupe pour parler. J’ai dû faire ça quelques années. Encore à ce jour j’ai encore des problèmes de langage… Parfois lorsque les gens me disent épeler un mot ou l’écrire je deviens très nerveuse parce que j’ai vraiment de la difficulté pour épeler; soit ça va me prendre plus de temps que normalement pour épeler le mot ou j’ai crit mal ce qui semble arriver la plupart du temps. C’est pourquoi quand je dois faire un examen écrit soit je le rate ou je passe à peine parce qu’ils vérifient les fautes… Chaque fois qu’un mot commençait par un « z ou x » je n’avais aucune idée comment le dire, alors je le fixais pendant 15-20 minutes juste qu’à ce que quelqu’un réalise que j’avais de la difficulté…

Keisha, une étudiante en soins infirmiers

Légende : Keisha a photographié son manuel de biologie pour expliquer les difficultés qu’elle rencontrait pendant son apprentissage.

Parfois, Keisha se demande comment ce serait si elle n’avait pas de trouble d’apprentissage. Elle sent qu’elle doit travailler 10 fois plus fort que les autres seulement pour obtenir la note de passage.

Parce qu’elle est très motivée et engagée, avec une forte volonté de réussir, Keisha a développé des stratégies pour vaincre ses difficultés. Par exemple, le fait d’utiliser Google pour entendre la prononciation de termes médicaux l’aide avec des termes qu’elle ne pouvait prononcer elle-même.

Je me suis améliorée au cours de l’année. Cela prend beaucoup de travail acharné et de dévouement pour être là où je suis maintenant. Encore à ce jour j’ai de la difficulté à lire et à écrire, mais l’essentiel est, est de ne jamais abandonner.

Keisha, une étudiante en soins infirmiers

L’impact des projets Photovoice de mes étudiants sur ma pratique d’enseignement

Le projet Photovoice m’a permis de développer une connaissance plus approfondie des troubles d’apprentissage respectifs de mes étudiants.

En étant à l’écoute de ce que mes étudiants avaient à dire, j’ai réalisé à quel point je connaissais peu l’impact de leur trouble d’apprentissage dans leur vie et dans leur apprentissage de la biologie. De plus, j’ai acquis de meilleures connaissances quant aux stratégies qui fonctionnent avec mes étudiants ayant un TA. Par exemple, grâce au projet Photovoice de Keisha, j’ai compris que de trouver les définitions des termes biologiques sur Google et d’utiliser Google pour entendre les termes était aidant. Cette stratégie pourrait être proposée à d’autres étudiants ayant le même trouble d’apprentissage que Keisha.

Les projets Photovoice m’ont sensibilisée et m’ont motivée à créer des classes inclusives et à offrir du rattrapage pour soutenir mes étudiants à besoins particuliers. Par exemple, j’ai rencontré Keisha sur une base hebdomadaire pour l’aider en biologie. En tenant compte de ses difficultés de lecture et d’écriture, j’ai développé des stratégies pour l’aider à écrire et à se rappeler de la signification des termes biologiques. J’ai créé une version « biologie » du jeu du Pendu pour l’aider à écrire et à mémoriser les mots. J’ai aussi construit un jeu dans lequel Keisha devait associer des termes de biologie à des images. À plusieurs reprises, nous avons aussi utilisé Google pour entendre les termes biologiques. Puis, Keisha répétait les mots plusieurs fois, jusqu’à ce qu’elle se sente à l’aise avec la terminologie. Au cours de la session, Keisha est devenue plus engagée et confiante dans sa capacité à obtenir de bons résultats en biologie. Elle a passé le cours.

Photovoice: un outil pour améliorer notre pratique enseignante

Dans l’ensemble, le projet Photovoice m’a éclairée par rapport aux différents types de troubles d’apprentissage que mes étudiants vivent. Plutôt que d’essayer de deviner quelles étaient leurs difficultés, le projet Photovoice m’a offert une compréhension claire et détaillée des défis qu’ils rencontraient dans l’apprentissage de la biologie. Le projet Photovoice m’a donné les moyens de développer et de mettre en place des stratégies pour mes différents étudiants. Mes étudiants avec un TA me donnaient leurs commentaires sur l’efficacité des stratégies que je leur proposais.

De plus, le projet Photovoice m’a aidée à bâtir une relation de travail et de confiance solide avec mes étudiants, puisque l’on se rencontrait sur une base hebdomadaire pour discuter des photos qu’ils avaient prises et pour réfléchir à des solutions pour les soutenir au mieux dans mon cours.

Avez-vous déjà essayé une stratégie similaire? Si oui, j’aimerais beaucoup vous lire à ce sujet.

À propos de l'auteure

Neerusha Gokool Baurhoo

enseigne la biologie au Cégep Vanier. Elle est aussi conseillère pédagogique au Cégep Vanier. Elle a également donné divers cours aux départements de sciences animales et d’études intégrées en sciences de l’éducation à l’Université McGill.

Neerusha est détentrice d’un doctorat en éducation de l’Université McGill et a reçu la Médaille d’or du Gouverneur général pour son travail innovant sur les pratiques d’enseignement et d’apprentissage au niveau collégial, qui portait une attention particulière aux étudiants avec des troubles d’apprentissage. Son travail de recherche sur les pratiques inclusives en enseignement et en apprentissage a fait l’objet d’articles évalués par les pairs.

Neerusha a aussi obtenu un diplôme de maîtrise en sciences animales à l’Université McGill.

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Antoine ESSEH
Antoine ESSEH
21 décembre 2023 8h05

C’est un projet intéressant. Force et courage !