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29 mars 2023

Les évaluations en situation authentique — Les balades pédagogiques, un balado du Collège André-Grasset

En écoutant l’épisode du balado Les balades pédagogiques du Collège André-Grasset qui porte sur l’évaluation en situation authentique, j’ai découvert 2 remarquables exemples de projets motivants et signifiants qui s’ancrent dans la future réalité professionnelle des élèves.

Ces projets sont ceux mis en œuvre par Carlo Mandolini, enseignant en communication et en histoire de l’art dans le programme d’Arts, lettres et communication, et Marie-Maxime Bastien, enseignante en administration dans le programme de Sciences humaines. Dans le cadre du balado, Marie-Maxime Bastien et Carlo Mandolini ont parlé de leurs projets avec la conseillère pédagogique Magalie Fournier-Plouffe.

Les balades pédagogiques, Saison 2, épisode 4: «Les évaluations en situation authentique»

Les 4 caractéristiques d’une évaluation en situation authentique

Au début de l’épisode de balado, Magalie Fournier-Plouffe présente brièvement la notion d’évaluation en situation authentique (ce qu’elle a fait plus en détail dans une capsule vidéo qu’elle a préparée pour les enseignantes et enseignants de son collège).
Magalie explique qu’une évaluation en situation authentique est ancrée dans un contexte réel, un contexte qui n’est pas «scolaire». Ce contexte peut être:

  • associé à un enjeu social, institutionnel ou communautaire
  • lié à une situation de la vie courante
  • lié à un enjeu professionnel propre à la discipline

Évidemment, un stage se prête naturellement bien à une évaluation en situation authentique, mais ce n’est absolument pas la seule façon d’y arriver.

Magalie énumère 4 caractéristiques d’une tâche authentique:

  1. Réalisation d’une production concrète
    Une tâche authentique ne peut pas consister en une simple reprise d’informations. L’élève doit réaliser quelque chose de nouveau.
  2. Défi stimulant pour les élèves
    La tâche est complexe et pousse les élèves à faire des apprentissages signifiants.
  3. Utilisation d’une multitude de ressources (humaines, matérielles, etc.)
    L’élève doit puiser dans son bagage de connaissances ou de compétences pour être en mesure de distinguer les ressources qui sont pertinentes pour la réalisation de sa tâche de celles qui sont superflues.
  4. Découpage de la tâche en plusieurs portions (sous-tâches), lorsque cela est possible
    Cela permet d’offrir une rétroaction continue tout au long de la réalisation de la tâche.

Le projet des élèves de Carlo Mandolini: création publicitaire pour des organismes communautaires

Dans le cours Langage médiatique, en 2e session du programme Arts, lettres et communication, Carlo et ses collègues voulaient que la présentation des grandes théories de la communication, qui est au cœur du cours, ait une portée pratique. Depuis 2011, Carlo demande donc à ses élèves de produire une campagne publicitaire.

Initialement, Carlo demandait à ses élèves de trouver un produit ou un service à vendre et d’imaginer une campagne publicitaire pour le promouvoir. Puis, Carlo est entré en contact avec l’Association québécoise en gérontologie, un organisme communautaire qui avait besoin d’objets de communication publicitaire afin de mener une campagne de sensibilisation pour combattre l’âgisme.

L’organisme est venu faire une présentation au collège pour expliquer ses besoins. Pour y répondre, en équipe de 2 ou 3, les élèves ont dû monter une campagne publicitaire exploitant 2 médias: des affiches et des vidéos de 15 à 30 secondes. Chaque équipe a présenté sa proposition à l’organisme qui en a choisi une à déployer dans la réalité.

Depuis, le projet a été répété avec:

  • le Bureau coordonnateur de la garde en milieu familial Ahuntsic
  • le Centre d’action bénévole de Montréal-Nord et certains organismes qu’il chapeaute
  • Cinéma Public et son programme d’action communautaire, Ensemble au cinéma
  • etc.

Pendant le projet, les élèves sont accompagnés par un mentor, un publicitaire d’expérience retraité. (Carlo lui-même n’est pas un professionnel de la publicité: l’implication du mentor est un atout précieux!)

Ce projet permet aux élèves d’imaginer ce que c’est de travailler dans une vraie agence de publicité. Les représentants ou les représentantes des organismes présentent leurs besoins, mais aussi leurs exigences pour la campagne publicitaire:

  • angles à privilégier
  • couleurs à utiliser
  • etc.

Carlo Mandolini explique qu’il craignait au départ que les exigences des organismes limitent les élèves sur le plan créatif. Toutefois, il constate que la créativité peut être stimulée par ces contraintes. De plus, ces exigences placent les élèves dans un contexte plus authentique: dans une vraie agence de publicité, les clients donnent rarement carte blanche aux créateurs et créatrices.

Le projet des élèves de Marie-Maxime Bastien: des stages à distance en Sciences humaines

Dans le cadre du cours Démarche d’intégration des acquis, les finissantes et finissants du profil Administration et monde des affaires, en Sciences humaines, doivent effectuer un stage d’observation ou de participation de 12 h.

En 2021, en pleine pandémie, c’était difficile pour les élèves de trouver des stages à distance. Marie-Maxime Bastien, qui donnait le cours, s’est tournée vers la plateforme Riipen. Riipen permet de jumeler des entreprises qui ont des projets à réaliser avec des élèves à la recherche de stages ou d’expériences concrètes en entreprise, le tout à distance.

Le Collège André-Grasset s’est inscrit sur Riipen et le cours de Marie-Maxime a été enregistré. Les entreprises pouvaient donc soumettre leurs projets à Marie-Maxime, qui les approuvait ou les refusait. Les projets approuvés étaient ensuite proposés aux élèves. Marie-Maxime pouvait également envoyer des demandes à des entreprises déjà présentes sur la plateforme.

La 1re année, 5 projets ont été retenus. La 2e année, c’est une dizaine de projets qui ont pu aller de l’avant. Les entreprises partenaires étaient au Québec, mais aussi ailleurs au Canada et même aux États-Unis.

Des équipes ont été formées pour que les élèves puissent s’entraider et réaliser des projets de plus grande envergure que ceux réalisables en 12h par une personne seule. Les projets étaient surtout liés au marketing. Ils pouvaient, par exemple, consister à:

  • créer un plan de communication ou une stratégie marketing sur les réseaux sociaux pour une petite entreprise ou une entreprise en démarrage. Les élèves devaient alors visiter les sites web des entreprises, faire des suggestions, etc.
  • faire une étude de marché pour une entreprise envisageant le lancement d’un nouveau produit ou d’un service dans un marché différent

Effet sur la motivation des élèves

Pour Marie-Maxime Bastien, le fait que les élèves choisissent leur projet était un excellent facteur de motivation, puisque chaque élève pouvait sélectionner un projet qui rejoignait ses intérêts. Les élèves voient que leur travail fait une différence: les projets ont des retombées réelles pour les entreprises partenaires et leur clientèle.

Carlo Mandolini partage le même avis. Dans son cas, puisque plusieurs équipes sont en (saine) compétition pour que leur projet soit choisi par l’organisme, les projets ne se concrétisent pas tous. Mais ils sont tous étudiés et commentés par les responsables de l’organisme et par le mentor du groupe.

Parfois, j’ai l’impression que les étudiants se disent: «Ah, je sais que ce travail n’est pas très bon, mais ce n’est pas grave, je vais me contenter de ça… C’est juste entre le prof et moi.» Mais [dans le cas du projet réalisé dans mon cours], ce n’est pas juste un rapport professeur-étudiant. […] Je donne les résultats, j’évalue, mais tous les projets sont montrés [aux responsables de l’organisme et au mentor]. Il y a un standard qui s’établit; un standard que j’aime appeler «professionnel».

—Carlo Mandolini

Sur le plan de la motivation étudiante, un avantage intéressant dans le projet de Marie-Maxime est le fait que les employeurs peuvent laisser des commentaires aux élèves à partir de Riipen. Les élèves ont la possibilité ensuite de lier Riipen à leur compte LinkedIn. Ainsi, ils et elles commencent à bâtir leur réseau de contacts professionnels. Plusieurs employeurs ont mentionné aux élèves être intéressés à travailler à nouveau ensemble si ils ou elles avaient un stage à faire à l’université, par exemple.

Autres avantages

Marie-Maxime et Carlo notent que leurs projets développent la capacité des élèves à gérer un projet. Ils développent également le savoir-être des élèves; leur capacité à se comporter de façon professionnelle.

Carlo ajoute que, dans son cours, le fait que les organismes partenaires soient des organismes communautaires qui ont une sensibilité sociale amène les élèves à s’interroger sur des phénomènes sociaux auxquels ils et elles n’avaient pas nécessairement porté attention auparavant.

Gérer les attentes

Marie-Maxime Bastien explique qu’elle rencontre toujours les employeurs au début du projet pour s’assurer qu’ils comprennent bien quelles sont les compétences que les élèves ont acquises pendant leur parcours et ce qui peut être accompli. Elle tente ainsi de doser les attentes des employeurs dès le départ.

Marie-Maxime insiste sur l’importance de définir l’étendue du projet dès le départ en formulant une question de recherche très précise. Elle explique que les personnes qui démarrent une entreprise débordent d’idées, mais qu’il faut les aider à structurer leurs demandes.

Après l’expérience de la 1re année du projet, Marie-Maxime a entamé la 2e année en fournissant aux élèves un formulaire de proposition de projet. Les élèves le complètent lors de leur 1re rencontre avec les représentantes et représentants de l’entreprise. Cela les amène à définir clairement l’objectif du projet, identifier quelle personne va effectuer quelle tâche, etc. Les étudiants et étudiantes retournent le formulaire à Marie-Maxime et en donnent une copie à l’employeur. Cela aide au bon déroulement du projet.

Carlo Mandolini explique que l’un de ses défis est aussi de faire comprendre aux responsables des organismes que ses élèves ne sont pas des publicitaires professionnels. Toutefois, comme il collabore avec le Centre d’action bénévole de Montréal-Nord depuis quelques années, cet organisme sait déjà bien à quoi s’attendre.

Et vous, évaluez-vous vos élèves en situation authentique? Donnez-nous des détails dans la zone de commentaires!

Remerciements

Mes plus vifs remerciements à Magalie Fournier-Plouffe pour m’avoir fait connaître Les balades pédagogiques, avoir accepté de partager ce balado avec Éductive et avoir collaboré à la rédaction de cet article.
Merci également à Carlo Mandolini et Marie-Maxime Bastien pour leur révision du texte!

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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