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5 avril 2018

Les groupes Facebook pour soutenir une relation pédagogique de qualité avec les étudiants

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

J’enseigne dans le programme Arts, lettres et communication au Collégial international Sainte-Anne. J’utilise les groupes Facebook dans mes cours pour faciliter la communication et le partage d’information auprès de mes étudiants. L’utilisation de ce réseau social soutient également une relation pédagogique de qualité avec mes étudiants.

Comme enseignant, j’ai un rêve. Celui de recréer cette force dans ma classe :

Vol d’étourneaux (murmuration). Séquence tirée de la vidéo The Art of Flying de Jan van Ijken.

J’aime cette idée que des individus forment un « tout » qui échappe à leurs visées individuelles, qu’ils volent ensemble. Il y a une sorte de magie, une puissance et une légèreté dans le mouvement de cette nuée d’oiseaux. C’est mon aspiration personnelle. J’aimerais réussir à recréer cela avec ma classe.

Pour produire cet effet, il faut réunir 3 paramètres :

  • L’alignement (aller dans la même direction que ses pairs)
  • La cohésion (viser le coeur du groupe en mouvement)
  • La séparation (protéger son identité individuelle au sein du groupe)

J’utilise Facebook parce qu’il m’offre les 3. De plus, les étudiants s’y trouvent déjà. Mon approche ne leur exige pas de s’approprier un nouvel outil et ne nécessite aucun accompagnement de ma part. C’est moi qui vais les rejoindre.

L’alignement

Chaque cours que j’enseigne a son propre groupe Facebook. Il me sert à communiquer de l’information à mes étudiants. Je m’assure ainsi que tous ont accès à la même information. Il peut s’agir du devoir de la semaine, de contenus complémentaires ou présentés au cours précédent. Les paramètres du groupe me permettent de savoir qui a vu la publication. Au besoin, je peux effectuer des relances individuelles par messagerie ou clavardage.

Même lorsqu’ils s’absentent d’un cours, les étudiants reçoivent les informations importantes. Je peux aussi les identifier dans une publication pour attirer leur attention sur une ressource que j’ai partagée.

Partage du diaporama d’un cours sur Facebook. J’identifie 2 étudiants absents pour attirer leur attention sur des liens cliquables intégrés dans les diapositives. Cela permet en même temps d’en faire le rappel à ceux qui étaient présents.

Facebook permet d’apporter des modifications en temps réel, lorsqu’un problème technique survient ou que je révise une consigne pour un travail. Tous les étudiants en sont avisés instantanément par une notification.

Tous les membres du groupe peuvent publier sur la page. Les étudiants peuvent donc réagir à une publication ou se répondre entre eux. Le contexte plus informel permet de partager des contenus complémentaires, comme :

  • L’explication de concepts vus en classe
  • Des actualités liées au contenu du cours. Il arrive que des étudiants voient passer une publication et la partagent dans le groupe, parce qu’elle leur a fait penser à une notion apprise en classe.
  • Des précisions ou des changements de dernière minute. Je songe à une étudiante qui avait préparé une présentation dans un local différent et qui l’avait indiqué dans le groupe.

Un exemple de publication d’une étudiante dans le groupe Facebook, rappelant à ses collègues que sa présentation aura lieu dans un local différent de la salle de classe habituelle.

Le groupe Facebook me sert aussi à relayer de l’information sur des activités extérieures auprès des étudiants. Je publie parfois des suggestions d’activités gratuites qui correspondent à leur domaine d’études, pour leur permettre de côtoyer des professionnels.

La cohésion

Le groupe Facebook permet de développer un sentiment d’appartenance et de communauté. Le fait que le groupe soit fermé permet des éclats de complicité entre les étudiants et moi. Une petite culture commune émerge – entre nous, on se comprend. S’infiltrent alors les clins d’oeil, les parodies. Je partage aussi des images pour taquiner mes étudiants.

Une image humoristique publiée sur la page d’un cours.

Le groupe Facebook devient un outil relationnel. L’ambiance est chaleureuse, humaine. Je me rappelle une fois où le cours avait moins bien été. J’en avais fait part à mes étudiants dans une publication, en leur présentant une vidéo que j’aurais aimé leur montrer en classe.  Une ancienne étudiante a renchéri sur l’importance de cette vidéo.

Le groupe Facebook crée une nouvelle dynamique dans laquelle le rapport d’autorité s’efface. Cela ne veut pas dire que j’obtiens moins de respect de la part des étudiants! Je ne me sens pas ébranlé lorsqu’un étudiant se permet de dire une plaisanterie. J’établis une limite si je considère qu’il va trop loin, exactement comme en classe.

Dans la page du groupe, des questions privées deviennent publiques et profitent ainsi à tous. Certains étudiants ont peur de poser une question, mais vont attribuer un « j’aime » si quelqu’un d’autre pose la même ou ajoute un complément d’information. Le geste est à la fois subtil et révélateur. De mon côté, si un étudiant me pose une question, je peux informer tout le monde des clarifications que j’apporte, plutôt que de répondre individuellement ou d’attendre le prochain cours.

Les étudiants peuvent poser des questions dans le groupe. Ceux qui sont plus gênés d’intervenir peuvent signifier leur appui autrement, notamment en attribuant une réaction ou un « j’aime » sous la publication.

La séparation

La cohésion est importante dans le groupe, mais la reconnaissance de l’unicité de chaque individu l’est tout autant. Facebook me sert aussi à reconnaître la différence et la spécificité de chaque étudiant. Je partage parfois des contenus qui rejoignent leurs champs d’intérêt.

Une publication qui m’a fait penser à l’un de mes étudiants, adepte de planche à roulettes, que j’ai partagée dans un groupe associé à un cours d’histoire de l’art.

À la fin de la session, j’ai repris le principe de la toile Art History de Vuk Vidor, qui attribue la paternité de contributions artistiques particulières à des artistes qui se sont démarqués de cette façon. J’ai attribué une caractéristique distinctive à chacun de mes étudiants.

Une manière de reconnaître l’unicité de chaque étudiant. Je me suis inspiré de la toile Art History de Vuk Vidor pour cette publication.

Du contenu pour m’améliorer

Le groupe Facebook me permet aussi d’obtenir une rétroaction sur ma pratique. À la fin de la session, j’ai partagé un sondage demandant aux étudiants d’évaluer le cours. Une autre fois, je me suis fait assigner 2 nouveaux cours. J’ai retrouvé dans mes groupes Facebook des anciens étudiants qui ont pu m’éclairer sur ce qui était à répéter ou à changer dans les cours que je planifiais.

La perception des étudiants

Les étudiants apprécient beaucoup cette utilisation de Facebook, pour différentes raisons. Lorsque je les ai interrogés à ce sujet, plusieurs ont répondu que le groupe facilitait les interactions avec moi, mais aussi entre eux. Le fait de connaître ce réseau social et de l’utiliser tous les jours le rend très utile à leurs yeux.

La communication est extrêmement facilitée. J’ai même troqué mes heures de disponibilité au bureau (où les étudiants venaient rarement me voir) par une disponibilité numérique accrue. Les étudiants semblent bénéficier davantage de cette modalité pour poser leurs questions.

Les avantages du groupe Facebook pour les enseignants

  • Il n’est pas nécessaire d’être « ami » avec les étudiants pour qu’ils participent au groupe.
  • Les étudiants ont tendance à participer davantage sur le groupe et cela se reflète dans la dynamique de classe. Je les sens plus engagés.
  • La relation pédagogique est différente, plus limpide, et tout aussi enrichissante. Le groupe crée un effet de proximité qui favorise les échanges sur une base plus fréquente.
  • Il n’y a aucune courbe d’apprentissage pour les étudiants. Le temps de classe n’est donc pas sacrifié pour l’apprentissage d’un nouvel outil.

Sortir de la boîte… et de la case horaire

L’utilisation de Facebook éclate nécessairement les cases horaires. J’accepte d’étendre mes disponibilités au-delà du « 9 à 5 » en m’engageant à répondre rapidement aux étudiants (à l’intérieur de certaines balises).

Avec leurs téléphones, les étudiants vont virtuellement « ailleurs » lorsqu’ils sont en classe. Je peux donc raisonnablement espérer qu’ils « viennent en classe » lorsqu’ils sont physiquement ailleurs.

Quant à la question de la modération dans le groupe, les étudiants m’ont montré qu’ils étaient parfaitement capables de s’autoréguler. Typiquement, mes étudiants ont un compte pour la famille et un compte pour leurs amis. J’ai eu droit à la personnalité « officielle » de mes étudiants pendant le cours.

Si je devais définir mon rôle d’enseignant, je dirais qu’il s’agit d’allumer, d’éclairer les étudiants. Je ne suis de passage que temporairement dans leur vie, alors je souhaite les passer au suivant plus ouverts. J’émets le doute. Je leur présente des possibilités. Je leur permets de rêver. Et je m’amuse.

Note de l’éditrice

L’auteur vous invite à consulter le diaporama complet [PDF] de son utilisation pédagogique des groupes Facebook.

À propos de l'auteur

Martin Ouellette

Il enseigne dans le programme d’Arts, lettres et communication au Collégial international Sainte-Anne. Après avoir obtenu une maîtrise en histoire de l’art à l’Université de Montréal, il y devient chargé de cours pendant 2 ans. Il fait ensuite carrière dans le milieu de la publicité, d’abord dans des agences traditionnelles, puis en lançant sa propre boîte de publicité numérique en 2001. Toujours désireux d’innover, Martin s’est fait un devoir d’expliquer à ses clients la culture numérique et le web 2.0 comme espace de sociabilité, pour qu’ils comprennent les raisons derrière certains choix technologiques. Martin a renoué avec l’enseignement en 2016. Véritable passionné, se décrivant comme une « bougie d’allumage » pour les étudiants, Martin souhaite les rejoindre là où ils sont pour les aider à prendre leur envol.

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