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23 février 2017

Les jeux sérieux en éducation, qu’existe-t-il en recherche et au collégial?

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

À l’automne 2016, j’ai participé au colloque de la Communauté pour l’innovation et la recherche sur les technologies dans l’enseignement/apprentissage (CIRTA) à l’Université Laval. Un volet du programme était consacré à l’apprentissage par le jeu numérique, en collaboration avec le Serious Games Society. Je vous propose d’aborder cette thématique sous l’angle des retombées possibles pour l’apprenant tout en retraçant un ensemble de jeux disponibles pour mes collègues du réseau collégial.

Pourquoi se tourner vers le jeu?

Le jeu existe depuis des millénaires. Les enfants apprennent par le jeu très tôt dans leur vie. Par la suite, les jeux de société nous apprennent à planifier des stratégies, à interagir et à négocier pour gagner.

L’apprentissage par le jeu est une stratégie pédagogique de plus en plus utilisée en éducation. La ludification permet aux apprenants d’associer les nouveaux apprentissages à différents stimulus, ce qui augmente la motivation intrinsèque et favorise la mémorisation à long terme. La mécanique de jeu provoque des interactions potentielles avec le joueur-apprenant afin de provoquer une expérience amusante, le plaisir faisant partie intégrante du jeu.

Les jeux vidéo dans un contexte pédagogique ont ouvert une autre porte en ajoutant des rétroactions en temps réel en fonction des choix du participant. Cette scénarisation de l’apprentissage dans un jeu fait parfois sourire. Rappelons toutefois que le jeu est un moyen et non une finalité. Il accompagne la stratégie pédagogique. Cela implique, au préalable, la planification d’un scénario pédagogique qui doit se terminer par une plénière avec les joueurs-apprenants.

Certains chercheurs veulent définir le plaisir:

  • Comment scénariser un jeu qui favorise l’apprentissage tout en procurant du plaisir ?
  • Comment développer un jeu qui divertit, encourage la répétition des exercices et crée des liens entre les concepts et les émotions tout en favorisant un apprentissage en profondeur?

Selon le modèle SAMR de Puentedura, les jeux sérieux se situent au niveau le plus élevé, celui de la redéfinition (R) :

Modèle SAMR

La redéfinition concerne les usages où l’enseignant repense son cours et crée de nouvelles tâches qui n’étaient pas concevables antérieurement. Par exemple, avez-vous essayé d’imaginer votre cours transformé en jeu sérieux?

Vers une typologie des jeux sérieux

Selon Margarida Romero, professeure en technologie éducative à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, il existe 5 façons d’intégrer les jeux en éducation :

  1. Par l’usage des jeux sérieux
  2. Par la création de jeux sérieux en classe
  3. Par la ludification éducative
  4. Par la création de jeux numériques comme activité d’apprentissage
  5. Par l’usage de jeux pédagogiques commerciaux

Prenons la première catégorie proposée par Romero: l’usage des jeux sérieux. Plusieurs chercheurs effectuent différentes études selon 3 types d’utilisation :

  • Les jeux détournés à des fins éducatives (serious diverting game)
  • Les jeux détournés à des fins utilitaires (serious modeling game)
  • Les jeux sérieux (serious game)

L’idée de vouloir définir une typologie des jeux détournés à des fins utilitaires s’inscrit dans un objectif visant à construire des modèles évaluatifs sur la manière de concevoir, de diffuser et d’utiliser les jeux sérieux (serious games) dans différents écosystèmes, comme dans les secteurs de l’éducation et de la santé.

Voici quelques catégories de jeux accompagnés d’exemples :

Jeux détournés à des fins éducatives (serious diverting games)
Description Exemples
Il s’agit de détourner un jeu ou jouet pour lui attribuer une fonction éducative. Sing star pour enseigner l’anglais (prononciation)
Angry Birds pour enseigner les notions de sciences physiques. Par exemple, avec le droit d’un seul tir, l’usager doit calculer le vecteur vitesse avec les composantes horizontales et verticales. Puis, il effectue son essai avec un résultat interactif de réussite ou d’échec.
WOW: World of Warcraft in school. Questions et réflexions autour de son appropriation dans un contexte d’enseignement
ICO en psychologie cognitive sur Playstation 2 et 3, intéressant pour ses vertus thérapeutiques.
Raspberry Pi III : programmer avec Scratch et Python pour la création de jeux (objet d’apprentissage)
Jeux détournés à des fins utilitaires (serious modeling games)
Description Exemples

Il s’agit de détourner des jeux existants pour une fonction utilitaire (par exemple, permettre à l’étudiant de développer des habiletés concrètes)

Monopoly : négociation, communication, gestion de crise.
Namco Bandai (Pacman) : la thérapie par les jeux d’arcade retarde la dégénérescence cognitive chez les gens du troisième âge.
Minecraft Education Edition : version éducative de Minecraft spécialement conçue pour une utilisation en classe qui favorise la communication et la collaboration.
Jeux sérieux (serious games)
Description Exemples du CCDMD
Il s’agit de combiner une intention « sérieuse » (par exemple, à des fins pédagogiques) avec des moyens ludiques. Jeux sérieux :

  • Campagne électorale II : invite à jouer le rôle de chef d’un parti, permettant à l’étudiant d’apprendre les règles du jeu électoral.
  • Chasseur-cueilleurs: simule le mode de vie d’une population qui tire sa subsistance de la chasse, de la pêche et de la cueillette.
  • SECRA 4 : simule une communication dans un contexte de relation d’aide. S’adresse à une clientèle de disciplines variées: psychologie, soins infirmiers, techniques d’éducation à l’enfance et techniques policières.
  • Vendeur IV : se familiariser avec les activités de vente et les autres tâches quotidiennes d’un représentant commercial itinérant.
Simulations pures :

  • CRTP II : simule un centre de renseignements en techniques policières.
  • Kepler : simule le système solaire, les constallations.
  • PHET : simule des phénomènes physiques et mathématiques.
Études de cas :

Questionnaires dirigés (type « aventure ») ou interactifs :

  • Sortir de l’impasse des Participes Passés et détecteur de fautes : exercer les règles de grammaires.
  • Questionnaire Savie : se positionner selon un ensemble de questions dans un environnement de conception du Carrefour virtuel de jeux éducatifs 2.0 et outiller les enseignants et les formateurs pour qu’ils développent aisément des jeux éducatifs et des jeux sérieux sur l’inforoute et les utilisent auprès de leur clientèle (cueillette de données).

Page d’accueil du jeu sérieux Vendeur 4.0, développé par des collègues du Collège Ahuntsic et soutenu par une équipe du CCDMD.

La méthodologie de recherche associée au jeu

Pour évaluer l’impact des jeux sur l’apprentissage, la méthodologie la plus utilisée et la plus simple consiste à :

  • Faire passer un pré-test aux participants avant le jeu
  • Les faire jouer pendant un certain temps et parfois avec des répétitions
  • Leur faire passer un post-test (qui est souvent le même que le pré-test)
  • Analyser les données et évaluer le niveau d’apprentissage atteint

Les recherches actuelles tendent à démontrer que les résultats obtenus lors des post-tests sont souvent meilleurs que ceux obtenus lors des pré-tests, voire même équivalents. On en déduit que les jeux favorisent l’apprentissage ou, à tout le moins, qu’ils n’ont pas l’effet contraire.

Nous tendons maintenant vers une autre méthodologie de cueillette de données qui se déroule durant le jeu. Il s’agit de :

  • Recueillir des informations pendant que le joueur-apprenant est en pleine exécution à partir de données obtenues par des capteurs sensoriels et par une caméra qui surveille le mouvement des yeux.
  • Analyser les données obtenues et modifier certains paramètres du jeu afin de l’adapter selon les actions (et les réactions) du joueur-apprenant.

La thématique de la ludification ou des jeux sérieux dans l’enseignement collégial vous intéresse? Consultez la fiche thématique d’Alexandre Dal-Pan pour découvrir des récits et des articles publiés sur le site de Profweb.

Vous avez intégré le jeu dans vos stratégies pédagogiques? N’hésitez pas à partager votre expérience dans la section Commentaires.

À propos de l'auteure

Chantal Desrosiers

Elle est détentrice d’une maîtrise en éducation (de l’Université de Sherbrooke), d’un baccalauréat en physique, d’un certificat en informatique et d’un certificat en pédagogie de l’UQTR. Elle a participé au projet de recherche CLAAC, a plusieurs projets RCCFC et au projet Cégeps en réseau. Elle est formatrice en technopédagogies à Performa et conseillère en technopédagogie au Cégep de Trois-Rivières. En partenariat avec Bernard Gagnon (Cégep de Saint-Félicien), elle a élaboré un site web technopédagogique pour les enseignants du collégial : TacTIC pédagogiques. Elle offre de la formation en infonuagique, sur Moodle et en apprentissage actif. Joindre sur Google+ ou Skype (chantal.desrosiers).

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2 Commentaires
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Bernard Gagnon
Bernard Gagnon
27 février 2017 15h55

Très bon article. La ludification des apprentissages, s’intégrant à une situation authentique ou en complément à celle-ci, est une formule pédagogique qui prendra certainement de plus en plus d’ampleur. Il en est de même pour les simulateurs et la réalité virtuelle. C’est un dossier à suivre dans le réseau collégial. Excellent Chantal 🙂

Nicole Perreault
Nicole Perreault
28 février 2017 22h18

Merci pour cet article fort intéressant, Chantal. J’apprécie la typologie données aux différents types de jeu. La section consacrée à l’impact du jeu sur les apprentissages m’interpelle plus particulièrement dans le cadre de la rédaction du guide pour accompagner un activité pédagogique intégrant les TIC, de sa mise sur pied à son impact sur la réussite des étudiants. Un gros merci de la part de l’équipe TIC et réussite du Réseau REPTIC !