Les ressources éducatives libres (REL) — Entretien avec Pascale Blanc de la Vitrine technologie-éducation
Vous avez envie de partager une ressource éducative que vous avez créée sous licence libre? Autoriserez-vous les gens à la modifier ou non? Autoriserez-vous les gens à l’utiliser à des fins commerciales? Pour vous éclairer , je me suis entretenue avec Pascale Blanc, coordonnatrice de la Vitrine technologie-éducation (VTÉ) et membre du conseil d’administration de l’Association pour le développement technologique en éducation (ADTE).
Pascale Blanc, coordonnatrice de la Vitrine technologie-éducation
Une REL, c’est quoi?
Selon la définition de l’UNESCO de 2012, les « ressources éducatives libres (REL) » comprennent le matériel d’enseignement et d’apprentissage (qui inclut les REA) et de recherche existants dans le domaine public ou publiés sous une licence ouverte. Les REL peuvent être sur support numérique ou autre.
D’après l’UNESCO, une licence ouverte accorde la permission gratuite et perpétuelle:
- d’accéder à la ressource
- d’utiliser la ressource
- d’adapter la ressource
- de redistribuer la ressource
Ces permissions gratuites n’empêchent pas un auteur de demander à être reconnu. Les licences ouvertes respectent la paternité de l’oeuvre (on doit citer le créateur de la ressource que l’on utilise ou adapte).
Une REL, c’est modifiable?
Selon la définition précédente , pour qu’une REL en soit vraiment une, il faut obligatoirement en autoriser la modification.
Parfois, on parle d’une ressource comme étant une REL, alors qu’en fait, elle n’est pas vraiment libre : on a le droit de l’utiliser gratuitement, mais pas de l’adapter. Ça veut dire qu’on pense à son « ouverture », à la gratuité de son accès, mais pas au fait qu’on a le contrôle d’en faire ce qu’on veut, ce que sous-entend la « liberté ».
À mon sens, pour que ce soit réellement une REL, il faut nécessairement qu’elle puisse être modifiée. Elle peut ainsi :
- être adaptée à différents contextes éducatifs
- être traduite
- être adaptée pour des apprenants présentant certains handicaps
- ne pas devenir obsolète
Richard Stallman, le gourou des logiciels libres, dit qu’il est très utile de modifier une REA, car elle a une dimension fonctionnelle, « comme une recette ». Tout le monde n’a pas les mêmes besoins. Au contraire, il n’y a pas vraiment d’utilité ni de légitimité à adapter une présentation éditoriale, un témoignage ou une œuvre artistique. Leurs licences peuvent donc être plus restrictives.
Pascale va même plus loin et me pousse à considérer les outils utilisés pour créer ou modifier des REL.
Pour qu’une ressource soit adaptable librement, il faut aussi qu’elle soit « éditable » facilement. Si, pour modifier la ressource que j’ai créée, les gens doivent avoir accès à un logiciel propriétaire payant, je n’ai pas donné les moyens pour que la ressource soit vraiment modifiable… Ce n’est donc pas vraiment une ressource libre.
Une REL, c’est gratuit?
C’est ce qu’on entend souvent. Pourtant, le texte de l’UNESCO n’est pas explicite là-dessus. On comprend que le droit d’accès à la ressource est gratuit, mais la ressource elle-même est-elle gratuite ? C’est différent! (Il suffit de penser aux livres qui sont prêtés gratuitement par les bibliothèques.)
Pascale m’explique que différents points de vue existent au sujet de la gratuité des REL.
Quand on distribue une REA sous une licence qui empêche de l’utiliser à des fins commerciales, on empêche les gros éditeurs, distributeurs ou firmes de formation, par exemple, de l’utiliser ou de la modifier si les droits le permettent, puis de la vendre ou de l’incorporer dans une formation commerciale. Mais on empêche aussi des travailleurs autonomes ou des OSBL d’en tirer parti pour leur clientèle. On empêche, par exemple, une association de l’intégrer dans une formation pour laquelle elle a facturé de modiques frais d’inscription aux participants, question de payer ses dépenses de fonctionnement.
L’autorisation ou non de l’utilisation d’une ressource à des fins commerciales est une arme à double tranchant, donc.
Pascale m’a appris que Richard Stallman milite pour que les ressources de type REA soient distribuées sous une licence libre qui en permet l’utilisation commerciale, comme c’est le cas pour les logiciels libres. C’est aussi ce type de licences libres que recommande Données Québec, le carrefour collaboratif en données ouvertes québécoises, pour les jeux de données. D’après eux, une licence autorisant l’utilisation commerciale permet de maximiser la diffusion et l’utilisation des données libres.
Richard Stallman milite également pour le « copyleft », une alternative au « copyright » qui soutient le bien commun en permettant à un auteur de rendre sa ressource libre et d’imposer à ceux qui la modifient de rendre libres les ressources dérivées.
Les licences Creative Commons
Les licences Creative Commons (CC) sont un mécanisme qui permet à l’auteur d’une ressource d’identifier les droits qu’il va concéder aux utilisateurs. Le droit d’auteur est toujours requis (on doit toujours citer l’auteur), mais la licence précise :
- si la ressource est ou non modifiable (et précise les conditions de rediffusion de la ressource modifiée, le cas échéant )
- si elle est ou non utilisable pour une activité commerciale
Par exemple, toutes les pages de Profweb sont diffusées sous licence CC BY-NC-ND : voyez dans le coin inférieur droit de la page!
La licence copyleft, elle, est l’application CC BY-SA : attribution et partage dans les mêmes conditions. C’est la licence utilisée pour le contenu de Wikipédia.
Les différents types de licences Creative Commons. Cette image est elle-même diffusée sous licence CC BY-SA. C’est une traduction et adaptation par moi-même (Catherine Rhéaume) et Guillaume Vachon d’une création de Foter.
Pour en savoir plus sur les licences Creative Commons, consultez l’article publié dans Profweb en 2013 par Christophe Reverd, alors conseiller technopédagogique à la VTÉ.
Pascale souhaite que les auteurs qui le désirent développent le réflexe d’attribuer des licences libres aux ressources qu’ils créent dès leur première diffusion.
Souvent, quand on contacte une personne pour lui demander l’autorisation d’utiliser et de modifier une ressource qu’elle a créée et qui a été diffusée sans licence, cette personne accepte volontiers. Mais elle n’avait pas attribué d’entrée de jeu une licence libre à son œuvre… Cela est arrivé, par exemple, pour plusieurs capsules vidéo que la VTÉ a adaptées pour le projet Robot360.
C’est intéressant d’appliquer une licence dès le départ sur une ressource, pour spécifier les droits qui y sont attachés. Si on veut réutiliser une ressource, il faut adopter de bonnes pratiques dans la façon de rédiger correctement une attribution [lien vers un guide en anglais]: fournir l’URL de la ressource qu’on a modifiée, par exemple. Finalement, si on a la possibilité d’attacher à sa ressource une licence « lisible par les machines », c’est encore mieux ! La ressource pourra être identifiée avec ses droits d’utilisation par des moteurs de recherche du web.
Une recherche d’images libres de droits d’usage et de distribution, dans Google.