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9 mars 2015

Logiciels libres : Au-delà du tactile, l’informatique utile et responsable

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

J’utilise les logiciels libres depuis maintenant dix ans. Ce qui m’a intéressé au départ était la gratuité de ces logiciels. Au fil du temps, j’ai appris à apprécier leur convivialité et leur interopérabilité. L’utilisation de logiciels libres revêt maintenant pour moi une valeur symbolique : un refus de la société de consommation, un rejet des entraves à la circulation des idées causées par la législation sur les droits d’auteur et une opposition à la commercialisation de l’éducation.

Libre Office et les logiciels libres

Alternative intéressante aux logiciels payants pour lesquels nos institutions (cégeps, universités, ministères, etc.) paient de coûteuses licences d’utilisation, les logiciels libres sont gratuits et peuvent être utilisés, modifiés et dédoublés à souhait. Bien qu’il existe des équivalents « libres » pour la plupart des logiciels sur le marché, dans le contexte de mon cours d’histoire, c’est la suite Libre Office que je conseille à mes étudiants.

Libre Office, c’est le pendant libre, donc gratuit et modifiable, d’une suite comme Word ou Word Perfect. Open Office existe aussi dans le monde du logiciel libre, mais plus de matériel est disponible du côté de Libre Office. C’est ce dernier que je préfère. Dans Libre Office, vous trouverez des équivalents pour MS Word, MS Excel, MS PowerPoint et MS Access. Ceux-ci sont compatibles avec une variété d’autres logiciels et extensions, souvent avec plus d’options possibles et de contrôles sur les paramètres d’utilisation, par exemple :

  • Une liste impressionnante de fonctions additionnelles d’aide à la rédaction (correcteurs, dictionnaires, thésaurus, etc.) en plusieurs langues.
  • L’importation de fichiers audio et vidéo.
  • La compatibilité avec plusieurs systèmes de gestion de documents.
  • Des centaines d’extensions afin de personnaliser votre interface selon l’usage que vous en faites.

Outre la gratuité et la compatibilité, la force des logiciels libres est ce dernier point : l’aisance avec laquelle l’interface du logiciel peut être modifiée à souhait par l’utilisateur, selon ses besoins. C’est ce qui en fait tout l’intérêt pour mes étudiants en histoire qui sont aussi de futurs universitaires.

L’histoire, la technologie et l’informatique

Dans mes cours d’histoire, depuis déjà plusieurs années, 15 à 20% des étudiants utilisent déjà des logiciels libres. Je ne les exige pas dans le cours, mais je m’efforce tout de même de faire la démonstration de leur grande utilité et des éléments éthiques et démocratiques associés à l’usage des logiciels libres.

Contrairement à ce que plusieurs pensent, nos étudiants ne sont pas si familiers que ça avec la technologie, je dirais même qu’ils sont plutôt conservateurs. Ils n’aiment pas s’aventurer sur de nouveaux logiciels, surtout si l’usage de ces derniers implique des fonctions complexes comme, par exemple : la création automatique d’une table des matières, de notes en bas de page ou de références bibliographiques. Lorsqu’il est question de tablettes tactiles, certes, c’est facile à utiliser et ce, que l’on soit étudiant au cégep ou un enfant en bas âge. Mais justement, une bonne connaissance de l’informatique ne signifie pas savoir se servir d’une tablette tactile. J’en demande plus à mes étudiants.

En histoire, contrairement à la plupart des cours en français ou en philosophie, les étudiants travaillent beaucoup avec un ordinateur, que ce soit un portable ou un poste de travail. Le travail de recherche de la session et le rapport qui en découle doivent se faire au moyen d’un logiciel de rédaction de texte et l’étudiant se doit de maîtriser les différentes fonctions lui permettant de bien organiser ses sources et de bien structurer sa recherche. C’est là que les logiciels libres sont avantageux.

Mon travail d’enseignant en histoire implique donc aussi que j’enseigne à mes étudiants comment maîtriser ces éléments techniques étroitement liés à la recherche en histoire. Encore une fois, les logiciels libres ne sont pas exigés dans le cours, mais j’invite les étudiants à les utiliser. C’est une bonne façon d’acquérir une base solide en informatique qui leur servira dans le futur, qu’ils choisissent d’utiliser des environnements libres, Mac ou Windows. De plus, c’est gratuit, libre de droits et cela les invite à l’autonomie et à la responsabilité, ce qui n’est pas une mince affaire dans le monde d’aujourd’hui!

Vers une littératie technologique citoyenne

Bref, non seulement mes étudiants sont-ils mieux préparés à la rédaction de textes universitaires, mais cela s’accompagne aussi d’une prise de conscience de la place et du pouvoir qu’ont les multinationales du logiciel dans la société en général, en particulier en éducation. Ces multinationales sont d’ailleurs très agressives face au développement du logiciel libre, allant même jusqu’à encourager de « l’astroturfing », également appelé « similitantisme », dans les organisations qui ont opté pour le logiciel libre. Il faut donc se montrer alerte face à cette forme de propagande, et c’est en quelque sorte une conséquence de l’usage des logiciels libres dans mon cours : la « littératie » ou éducation aux médias.

Je travaille depuis longtemps à développer une classe « libre ». C’est ce que nous essayons de faire au Cégep de Rimouski, pour les étudiants, mais aussi, pour le corps professoral. Et ce n’est pas toujours évident, car l’humain a tendance à prendre la voie la plus facile à court terme même si, à long terme, elle pourrait s’avérer néfaste. La technologie est partout, on le répète souvent. En connaître le fonctionnement, la grammaire en quelque sorte, aussi bien que les ramifications économiques et sociales, est nécessaire dans le monde d’aujourd’hui. Le contraire pourrait faire de nous des analphabètes technologiques.

À propos de l’auteur

Kurt Vignola est historien et enseignant d’histoire au cégep de Rimouski. Il se passionne pour l’informatique depuis plus de 25 ans et s’intéresse à la culture scientifique citoyenne.

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6 Commentaires
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Andréanne Turgeon
Andréanne Turgeon
9 mars 2015 20h47

Bravo d’offrir à vos étudiants une aussi belle opportunité de développer leur esprit critique en s’interrogeant sur les enjeux éthiques des logiciels et plus largement, de l’ensemble des technologies. Vous dites : «La technologie est partout (…). En connaître le fonctionnement (…) aussi bien que les ramifications économiques et sociales, est nécessaire dans le monde d’aujourd’hui». N’est-ce pas là tout le travail de l’historien que d’analyser, de contextualiser et d’identifier les enjeux d’une époque afin de parvenir à une meilleure compréhension des événements du passé ? Voilà un bel exemple de contextualisation appliquée à l’histoire actuelle/contemporaine, et une façon originale de faire connaître à vos étudiants le rôle social des historiens !

Maxime Ross
Maxime Ross
10 mars 2015 20h55

Bravo pour cet article super intéressant Kurt ! J’aime bien les nuances que tu apportes dans ton article ainsi que les différentes visions avec lesquelles tu abordes le sujet ! Chapeau ! Ensemble, démocratisons l’accès aux technologies ! 🙂

François Lizotte
François Lizotte
12 mars 2015 3h19

Déclaration d’intérêt: je travaille pour un organisme qui utilise et promeut des logiciels libres.

Merci pour cette prise de position politique en faveur du libre. C’est assez rare dans le milieu collégial. On succombe assez facilement aux charmes des iMachins de toutes formes, aux outils conviviaux de Goolge, à l’incontournable Facebook où l’on peut voir des militants de gauche dénoncer l’hégémonie des multinationales. On dédaigne même un peu Microsoft tout en turbinant sous Windows. Bien sûr, j’ose écrire ces quelques lignes dans Firefox sous Ubuntu sans toucher à mon iPhone durant quelques minutes, mais je reviendrai à la normale demain au travail avec Word, Excel et Skype. 🙂

Renée Fountain
Renée Fountain
17 mars 2015 13h34

Merci BEAUCOUP de ce texte Kurt! Vraiment! Je suis « au logiciel libre » depuis un « certain temps » (je suis plus vieille que vous! :-). Le souci de nos libertés accroît : ceci me donne de l’espoir. J’apprécie, entre autres, votre appel vers une littératie technologique citoyenne. Vous avez bien dit, nos choix technologiques ne sont pas neutres.
Je vais introduire ce texte dans mes cours d’intégration des TIC au niveau collégial à L’Université Laval l’année prochaine! Merci au nom de NousTous!