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28 mars 2017

Quand la technologie s’invite au gymnase (ou dans vos activités sportives préférées)

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Note des auteurs

À l’automne 2016, la Vitrine technologie-éducation (VTÉ) a lancé un laboratoire sur l’univers des technologies sportives. Cet article s’inspire des différentes étapes du laboratoire et vous propose des ressources complémentaires.

Parmi les disciplines de la formation générale au collégial, nous retrouvons l’éducation physique, qui se décline en 3 cours obligatoires. Idéalement, la portée de ces cours devrait s’étendre au-delà des séances prévues à l’horaire, leur objectif étant de soutenir les bonnes habitudes de vie et la santé à long terme.

Si l’enseignant peut encourager ses étudiants à entretenir une saine hygiène de vie et leur imposer des séances d’entraînement hors des heures de cours, il demeure toutefois confronté à une perte de contrôle par rapport à ce que fait l’étudiant, n’ayant souvent que le journal de bord pour attester de l’activité physique réalisée. Il peut lui sembler difficile d’obtenir le pouls (sans mauvais jeu de mots!) de l’apprentissage de ses étudiants hors du gymnase et de recueillir des données fiables.

La technologie offre de nouvelles possibilités pour encadrer les étudiants dans la réalisation de leurs activités sportives, au gymnase comme à la maison (ou tout endroit où vos jambes, votre vélo ou vos skis vous mèneront!). Profweb et la Vitrine technologie-éducation (VTÉ) vous proposent un survol des avantages des technologies sportives pour les étudiants, des exemples d’applications et d’outils web pour soutenir l’activité physique et un aperçu des enjeux liés à leur utilisation.

La technologie comme source de motivation pour les étudiants

De tout temps, pour beaucoup [d’étudiants], la pratique des différentes formes d’activité physique se déroule essentiellement pendant leur cours… d’éducation physique. Cela dit, l’obligation de performer dans une discipline qui ne les intéresse pas toujours peut rendre les séances interminables pour certains d’entre eux.Christophe Reverd, Faire le saut grâce à la technologie? Êtes-vous prêts?

Plusieurs enseignants d’éducation physique partageront sans doute ce même constat. Dans le billet d’introduction du laboratoire sur l’univers des technologies sportives, la VTÉ souligne que la motivation des étudiants se caractérise par l’une des 2 attitudes suivantes par rapport aux cours d’éducation physique :

Motivation intrinsèque
Désir d’apporter des changements positifs dans ses habitudes de vie, compétition « contre soi-même » pour améliorer sa condition physique ou simple plaisir à exercer un sport ou une activité physique.
Motivation extrinsèque
Satisfaire les exigences minimales du cours pour obtenir la note de passage, sentiment d’obligation face à l’activité proposée.

Dans ce contexte, les technologies peuvent-elles devenir un facteur de motivation intrinsèque pour les étudiants réticents? Peuvent-elles contribuer à améliorer la performance sportive des plus aguerris? Explorons quelques avantages pour votre pratique pédagogique.

Autorégulation de l’activité physique

Plusieurs récits publiés sur Profweb présentent des applications et des outils en ligne permettant aux étudiants :

Plusieurs établissements collégiaux, comme le Collège de Bois-de-Boulogne, le Cégep de Trois-Rivières et l’ITA de Saint-Hyacinthe, se sont tournés vers Moodle pour la réalisation de leur projet d’éducation physique intégrant le numérique.

L’accessibilité à ces plateformes ou aux applications mobiles sportives (dont certaines sont installées par défaut sur les appareils que vous possédez) fait en sorte qu’il devient facile pour les étudiants de s’autoréguler, notamment par :

  • L’enregistrement des données d’entraînement (durée, fréquence, distance parcourue, itinéraire), qui favorise la personnalisation des objectifs et facilite la pérennité des informations recueillies. Certains outils ou extensions (comme StravistiX sur Chrome) permettent la compilation des statistiques d’entraînement à long terme et la comparaison des données d’une année à l’autre. Ces outils pourraient être utilisés pour constituer un portfolio pendant les 2 ou 3 années du DEC.
  • L’utilisation de fonctions de rappels programmés, qui facilite la gestion des entraînements hors classe en les incorporant dans la routine de l’étudiant.
  • La simplification du journal de bord, voire sa substitution par une version numérique, qui représente un avantage indéniable. Les appareils mobiles permettent un accès direct et instantané aux plateformes en ligne, rendant possible la compilation immédiate des données après l’entraînement (moins de risque d’oubli).
  • Dans certains cas, l’utilisation d’objets connectés (montres ou bracelets pour le sport) permet de recueillir des données supplémentaires, comme la fréquence cardiaque ou la consommation maximale d’oxygène.

Compétition amicale

Plusieurs applications permettent de partager vos données et vos résultats dans un groupe ou au sein d’une communauté virtuelle. Selon le sport exercé, certains étudiants pourraient trouver motivant d’établir une compétition amicale avec leurs amis ou collègues. Certaines applications permettent même de solliciter et de recevoir des encouragements en temps réel pendant l’entraînement. Voici quelques exemples:

  • Strava (version de base gratuite) est axé plus spécifiquement sur la course à pied et le cyclisme. L’application permet le partage des données dans une communauté virtuelle grâce à l’utilisation du GPS de votre appareil. Le mode Survol (Flyby) offre une vision dynamique de votre parcours après l’entraînement.
  • Runtastic (version de base gratuite) fonctionne comme un entraîneur personnel, encouragements audio inclus! L’application permet notamment de compiler votre historique d’entraînement et vos itinéraires, de sélectionner de la musique entraînante (Powersong) et de vous comparer à vos amis. Elle est compatible avec des bracelets de sport connectés.
  • MapMyRun permet de tracer votre itinéraire grâce à la fonction de géolocalisation de votre appareil ou de choisir parmi les parcours proposés par d’autres utilisateurs.

    Un exemple de tracé d’itinéraire grâce à la géolocalisation, ici la fonction Survol (Flyby) de Strava. Après l’entraînement, l’utilisateur peut visionner le trajet effectué. Cliquez sur ce lien pour visualiser un exemple d’itinéraire dynamique (par Christophe Reverd).

  • Endomondo est un site web et une application de coach personnel pour la course, le vélo, le kayak et bien plus! Il permet de conserver et d’analyser vos données d’entraînement, de tenir un journal numérique et de recevoir des encouragements en temps réel de vos abonnés. L’application peut se synchroniser sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Google+) pour partager vos résultats et les photos prises lors de l’entraînement. Cet outil fonctionne avec plusieurs modèles de cardiofréquencemètres pour le suivi de la fréquence cardiaque.

Bien sûr, l’utilisation d’applications avec partage de données ou géolocalisation doit faire l’objet de considérations particulières au niveau de la sécurité, et les étudiants doivent y avoir été sensibilisés. Nous vous invitons à consulter la section sur les données personnelles et la sécurité dans cet article.

Ludification de l’entraînement

Certaines applications apportent une dimension ludique à la pratique d’une activité physique, ce qui pourrait plaire aux étudiants les plus réfractaires. Voici quelques exemples:

  • Zombies, Run! (version de base gratuite) est l’un des jeux les plus populaires dans cette catégorie. Il propose une expérience audio immersive dans laquelle la course vous permet de fuir des zombies qui vous pourchassent! L’application propose plusieurs missions différentes et évolutives.

    L’application Zombies, run! offre une expérience audio immersive. La course permet à l’utilisateur d’échapper à des zombies et de recueillir des objets destinés à une petite communauté de survivants.

  • Fitocracy est un réseau social pour les adeptes de l’entraînement. Les utilisateurs peuvent créer de petits groupes pour s’encourager mutuellement. L’application recourt également à des mécanismes de ludification (pointage, récompenses) pour motiver les utilisateurs.
  • Smashrun décerne des badges pour souligner la réussite de vos objectifs.

Contraintes possibles (et solutions) pour l’enseignant

L’intégration des technologies sportives peut poser certains défis pour l’enseignant, mais heureusement, ils ne sont pas insurmontables.

  • Diversité des activités. S’il existe de nombreuses applications pour la course à pied, le yoga ou le vélo, l’offre peut être moins intéressante pour les adeptes d’autres sports. Pour que l’activité soit motivante pour l’étudiant, elle doit rejoindre ses intérêts, ce qui est complexe pour l’enseignant, tant pour le choix des activités que pour la sélection des outils technologiques appropriés. Néanmoins, les technologies facilitent plus que jamais la personnalisation des objectifs et du suivi des étudiants. À vous d’en tirer profit!
  • Complexité de l’évaluation. Comment estimer les efforts fournis par les étudiants lors des différentes activités? Certaines sont basées sur des distances parcourues, d’autres sur la durée des entraînements. Deux enseignants de l’ITA de Saint-Hyacinthe se basent sur la progression personnelle des étudiants, établie à partir de données recueillies par un bracelet électronique. La personnalisation des objectifs individuels, combinée à des évaluations sommatives standardisées, offrent une piste de solution prometteuse.
  • Multiplicité des plateformes. Il peut être intimidant de s’imaginer gérer une multitude de plateformes et d’applications, fonctionnant avec des systèmes d’exploitation variés. Si l’on inclut dans cette liste les montres ou bracelets connectés pour le sport, cela rajoute un degré de difficulté supplémentaire. Il peut être judicieux de combiner l’utilisation des technologies avec un journal d’entraînement traditionnel ou une plateforme commune, comme Moodle.

Considérations importantes à propos des technologies sportives

À l’automne 2016, la VTÉ a présenté un atelier sur les technologies sportives à la rencontre des REPTIC avec la collaboration d’Éric Cloutier, auparavant enseignant d’éducation physique au Cégep de Thetford. L’activité visait à initier les conseillers pédagogiques aux technologies sportives et à échanger avec eux sur leur utilisation potentielle dans les cours d’éducation physique au collégial. Cette rencontre a donné lieu à de riches échanges et a fait ressortir certaines considérations dont vous devrez tenir compte dans votre approche, pour y sensibiliser vos étudiants lors de leurs entraînements personnels.

Tricherie et fraude

Certains pratiquent leurs activités sportives le matin, d’autres préfèrent s’exercer en milieu de journée ou en soirée. Les appareils et applications de suivi de performance constituent un avantage pour les étudiants, qui bénéficient d’une autonomie dans l’exercice de leur activité sportive préférée. Mais l’utilisation d’une application, d’un bracelet ou d’une montre connectée pour attester des entraînements réalisés ouvre la voie à différents types de triche. Des coureurs professionnels ont été reconnus coupables d’avoir faussé leurs données: pourquoi cela ne serait-il pas à la portée de vos étudiants? Devriez-vous vous en inquiéter?

À cela, nous répondrons que tout dépend de l’utilisation que vous comptez faire des données recueillies. Seront-elles utilisées pour les évaluations? Pour instaurer de bonnes habitudes à long terme? Votre étudiant se pénalise-t-il lui-même en trichant? Déterminez quel est votre objectif pédagogique avec l’entraînement hors classe: le contexte vous indiquera jusqu’à quel point cet enjeu est important dans votre approche ou si sa gravité est relative par rapport aux autres activités à réaliser dans votre cours.

Interprétation des données

Ces outils permettent de compiler facilement, voire automatiquement, les données d’entraînement. Une fois ces informations enregistrées, comment interpréter les chiffres? Quels sont les indicateurs de performance fiables et quelles sont les balises à déterminer dans votre encadrement pédagogique?

Une première difficulté concerne le degré de liberté que vous souhaitez offrir aux étudiants dans le choix de leur activité physique hors classe, puisque cela pose un défi en matière d’équité par rapport à l’évaluation:

Devrait-on accorder la même valeur « éducative » à la demi-heure de vélo ou à la séance de yoga effectuée après les cours ou pendant la soirée, qui pourraient être comptabilisées grâce au bracelet connecté porté par l’étudiant ou par l’application installée sur son téléphone intelligent?Christophe Reverd, Faire le saut grâce à la technologie? Êtes-vous prêts?

Les technologies facilitent le suivi et la mise en place d’objectifs personnalisés. Vous pouvez certainement tirer avantage de ces nouvelles possibilités dans votre pratique, tout en faisant appel à votre jugement professionnel dans l’évaluation des activités choisies (et de la réalité de votre milieu).

Un autre défi se pose en matière de fiabilité et de précision des données d’entraînement recueillies, une considération importante si ces données servent à établir le profil de l’étudiant et à mesurer ses objectifs en cours de session :

  • Les téléphones intelligents sont communs et relativement accessibles, mais les applications sportives installées par défaut fonctionnent différemment selon les appareils. Certaines détectent les déplacements automatiquement, alors que d’autres doivent être activées manuellement, ce qui peut fausser les données.
  • Plusieurs sports se prêtent moins bien à l’utilisation d’un téléphone intelligent. De plus, certaines personnes peuvent trouver contraignant de devoir traîner leur téléphone avec eux, même pour faire de la course à pied.
  • Les bracelets connectés (comme les Fitbit) sont légers et mieux adaptés à l’activité sportive, mais posent un défi quant à la fiabilité des données. Certains modèles détectent le pouls au poignet, mais avec des variations parfois significatives par rapport à la fréquence cardiaque réelle. Laura Mercier et Renaud Despaties-Witty, enseignants d’éducation physique à l’ITA de Saint-Hyacinthe, se sont tournés vers une montre cardiofréquencemètre pour appuyer leur évaluation sur des données plus précises.

En somme, les technologies facilitent la collecte de données et leur stockage sur une longue période, mais leur utilisation doit être combinée à une analyse critique, dans un cadre méthodologique déterminé par l’enseignant.

Données personnelles et sécurité

Si le fait de divulguer le nombre de kilomètres parcourus ne vous cause pas d’inquiétude, l’activation de la fonction de géolocalisation et l’accès à vos informations par des tiers demeurent préoccupants. À quel point ces renseignements sont-ils importants pour votre tâche enseignante et surtout, l’utilisation des technologies sportives risque-t-elle de compromettre la vie privée, voire la sécurité des étudiants? Avec le temps, le partage des parcours d’entraînement sur internet peut conduire à révéler des informations personnelles comme le lieu de résidence, les trajets habituels et l’horaire des utilisateurs.

Il existe certains mécanismes pour diffuser vos résultats sans forcément révéler votre emplacement ou votre itinéraire avec autant de précision. Par exemple, Strava permet d’activer des zones de confidentialité autour de son domicile et d’en personnaliser l’étendue (jusqu’à 1 km2). L’application crée ainsi un faux lieu de départ et d’arrivée sur la carte de votre parcours.

L’option « Masquer votre maison ou bureau sur les cartes de vos activités » de Strava permet de rendre confidentiel le point de départ et d’arrivée des utilisateurs (la zone de confidentialité représentée par un cercle rouge). Nous avons utilisé le code postal du Collège de Bois-de-Boulogne et de la VTÉ pour cet exemple.

Il faut cependant tenir compte de la densité de son environnement : en milieu urbain, un périmètre d’un kilomètre suffit, ce qui n’est pas forcément le cas dans une municipalité ou un quartier où les résidences sont plus éloignées les unes des autres. Dans ce cas, il est préférable d’utiliser les fonctions de confidentialité améliorée (en anglais) pour restreindre davantage le partage des données.

Mode de confidentialité améliorée de Strava
Lorsque le mode est désactivé Lorsque le mode est activé
Tout le monde peut voir votre nom complet Votre nom sera abrégé (ex.: Christophe R.) pour les utilisateurs déconnectés.
N’importe quel utilisateur de Strava peut s’abonner à vous. Seuls les utilisateurs de Strava que vous avez approuvés pourront vous suivre.
Tout le monde peut voir vos photos. Seuls les abonnés que vous avez approuvés peuvent voir vos photos.
Les utilisateurs connectés peuvent voir et télécharger vos activités sur votre profil. Seuls les abonnés que vous avez approuvés peuvent voir et télécharger vos activités sur votre profil.
Tout le monde peut voir votre activité dans les survols.
Tout le monde peut voir votre journal d’entraînement.

Il importe de préciser que ces options sont désactivées par défaut : l’utilisateur doit effectuer les changements par lui-même dans le menu des options de confidentialité. Il existe d’autres options intéressantes dans un contexte pédagogique, notamment celle permettant de rendre votre profil accessible seulement aux abonnés d’un groupe (comme votre classe).

Les questions de confidentialité ne sont pas exclusives aux applications sportives. Cette préoccupation transcende l’utilisation des nouvelles technologies et du numérique en général. À cet égard, il convient de sensibiliser les étudiants à cet enjeu susceptible de les affecter dans plusieurs sphères de leur vie, incluant les loisirs et les sports.

Conclusion

L’utilisation des technologies sportives vient certainement renforcer l’atteinte des compétences et des orientations pédagogiques énoncées dans les devis ministériels. Certains estiment que l’utilisation de ce genre de technologies peut également:

  • Contribuer au sentiment d’appartenance et à l’engagement d’un étudiant à un groupe
  • Stimuler sa persévérance et son autocontrôle tout en améliorant sa confiance et son estime de soi
  • Favoriser sa reconnaissance sociale tout en contribuant à l’amélioration de la prise en charge de l’étudiant par lui-même

Et vous, qu’en pensez-vous? Utilisez-vous de telles applications et si oui, de quelles façons?

À propos des auteures

Christophe Reverd

Chargé de cours en gouvernance des technologies de l’information (TI) à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke.

Andréanne Turgeon

Andréanne Turgeon a été éditrice pour Profweb de 2014 à 2019. Elle a ensuite coordonné l’organisme jusqu’à son intégration chez Collecto. Depuis 2022, elle est directrice du nouveau secteur des Services de pédagogie numérique chez Collecto, auquel se rattache la plateforme Éductive.

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