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Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Dans mon cours de biologie, pour limiter le plagiat et la tricherie tout en étant à l’écoute des besoins de tous mes étudiants, j’expérimente cette session-ci des examens en équipe. Sur Moodle, les étudiants ont 2 heures (à l’intérieur d’une période d’une semaine) pour répondre en équipe à 3 questions de type « étude de cas ». Je fais ensuite une entrevue avec chacun des étudiants pour valider l’atteinte individuelle de la compétence. Je constate que les résultats se comparent à ceux d’une évaluation traditionnelle sous surveillance, mais les risques de plagiat ou de tricherie sont diminués et les étudiants me disent être moins stressés et mieux comprendre la matière.

Le déclencheur: le plagiat lors d’évaluations à distance

À l’été 2020, j’ai donné un cours à distance et j’ai été très déçue de constater que plusieurs étudiants trichaient, entre autres en communiquant les uns avec les autres pendant les évaluations qu’ils devaient faire individuellement. Je suis arrivée au constat suivant: en ligne, l’évaluation traditionnelle ne fonctionne pas.

Puisque je devais revisiter mes évaluations, j’ai décidé de le faire avec une approche inclusive.

L’idée d’offrir aux étudiants de faire leur examen en équipe m’est apparue prometteuse. Il me semblait que:

  • l’évaluation serait moins stressante pour eux
  • le fait de pouvoir discuter ensemble leur permettrait de renforcer et de mieux intégrer leurs apprentissages
  • les étudiants seraient moins tentés de tricher

Puisque l’évaluation est en équipe, les étudiants collaborent et s’entraident, mais je leur pose des questions exigeantes qui leur demandent de réfléchir et de confronter leurs idées. Analyser, raisonner, faire preuve d’esprit critique: ce sont toutes des compétences dont il faut faire montre en sciences!

La formation des équipes

Au début de la session, les étudiants de mon cours de biologie humaine (101-901-VA) ne se connaissaient pas du tout les uns les autres. Je leur ai fait passer un questionnaire sur leurs intérêts et leurs passe-temps. En m’appuyant sur leurs réponses, j’ai formé des équipes de 4 en regroupant les étudiants qui avaient des intérêts similaires. Je ne sais pas si c’était la meilleure manière de procéder, mais dans environ 80% des cas, ça a très bien fonctionné et a créé des équipes avec de belles dynamiques.

Les étudiants ont travaillé avec leurs coéquipiers dès le début de la session. En effet, chaque équipe a choisi un projet de recherche expérimentale qui s’échelonnait tout au long de la session. Le jour de l’examen, les coéquipiers se connaissaient donc déjà bien et étaient habitués à collaborer.

Dans une approche inclusive, j’ai offert aux étudiants qui le désiraient de faire leur examen (ou leur projet de recherche) individuellement. Mon but, en offrant aux étudiants de faire leurs examens en équipe, est de réduire leur stress. Mais si un étudiant était anxieux ou mal à l’aise de travailler en équipe, ça devient contre-productif. Je veux offrir à chacun la possibilité de démontrer ses compétences dans le meilleur contexte possible.

Le déroulement de l’examen

L’examen a été accessible sur Moodle pendant 1 semaine, mais, une fois qu’ils y accédaient, les étudiants avaient 2 heures pour le compléter. Je voulais permettre aux étudiants de choisir un bon moment pour faire l’examen; un moment qui conviendrait à tous les membres de l’équipe. Les étudiants complétaient un questionnaire par équipe en écrivant les noms de tous les coéquipiers.

Pendant l’examen, les étudiants pouvaient consulter la documentation qu’ils voulaient, mais n’avaient pas le droit de consulter les autres équipes.

L’examen comportait 3 questions à développement. Puisque les étudiants avaient accès à leurs notes et à internet, je ne pouvais pas me contenter de leur poser des questions de mémorisation dont les réponses se trouvaient directement dans leurs notes. J’ai donc opté pour 3 études de cas qui demandaient une analyse approfondie et une réponse élaborée.

J’ai corrigé les évaluations à l’aide d’une grille d’évaluation critériée.

Certaines équipes ont fait un bon travail, d’autres moins. Il y a certaines équipes à qui je n’ai pas accordé la note de passage. La moyenne a été de 70%. Même si l’évaluation se fait en équipe et à livre ouvert, le succès n’est pas garanti. Pour avoir la note de passage, les étudiants doivent démontrer qu’ils comprennent réellement la matière.

Les entrevues individuelles

Après l’examen, j’ai réalisé une courte entrevue individuelle avec chaque étudiant. En gros, je reprenais l’une des questions de l’examen et demandais à l’étudiant de me réexpliquer une réponse que son équipe avait donnée. (« Vous avez répondu telle chose, pouvez-vous me réexpliquer pourquoi? ») Tous les étudiants ont répondu d’une façon qui m’a convaincue qu’ils avaient bel et bien contribué au travail de leur équipe.

Si cela n’avait pas été le cas, j’avais prévu des questions supplémentaires à poser et j’avais une grille d’évaluation en conséquence. J’aurais pu moduler la note des étudiants qui ne méritaient pas la note de leur équipe.

Les commentaires des étudiants

J’ai demandé aux étudiants de me donner leurs impressions sur la formule et ceux-ci m’ont répondu très positivement.

Plusieurs ont mentionné qu’ils avaient trouvé cela moins stressant qu’une évaluation traditionnelle.

Un grand nombre a dit avoir trouvé que c’était efficace pour leur apprentissage. Ils ont expliqué qu’en discutant entre eux, ils comprenaient mieux et retenaient davantage les concepts. C’est aussi ce que j’ai remarqué dans les entrevues!

Personne ne s’est plaint de ses coéquipiers. Il faut dire que j’avais mis en garde les étudiants dès le départ: ils savaient qu’ils devaient tous contribuer (sous peine d’avoir 0) et qu’il y aurait une évaluation orale pour le valider. Et les étudiants qui n’avaient pas envie de travailler en équipe pouvaient faire l’examen seul de toute façon.

Pour le futur…

La prochaine fois que j’enseignerai à distance, je pense refaire exactement la même chose, mais je me bâtirai une banque de questions suffisamment grande pour poser des questions différentes à chaque équipe d’étudiants. Cette session-ci, toutes les équipes avaient les mêmes questions. En posant des questions différentes à chacune, je pourrais réduire encore davantage les risques de plagiat.

Ma collègue Lissiene Nieva adopte une approche très similaire à la mienne, mais a choisi de laisser quelques jours aux équipes d’étudiants pour répondre aux questions plutôt que de limiter le temps à 2 heures (une fois le test ouvert) comme moi. C’est une variante intéressante également!

La pandémie de la COVID-19 a forcé le passage à distance et c’est très difficile pour plusieurs étudiants qui se sentent isolés. En les faisant travailler en équipe, je leur permets de bâtir des relations. Je crée de petites communautés, des groupes de soutien. En ces temps difficiles, tout ce qu’on peut faire pour réduire le stress des étudiants et les épauler est bienvenu.

À propos de l'auteure

Neerusha Gokool Baurhoo

enseigne la biologie au Cégep Vanier. Elle est aussi conseillère pédagogique au Cégep Vanier. Elle a également donné divers cours aux départements de sciences animales et d’études intégrées en sciences de l’éducation à l’Université McGill.

Neerusha est détentrice d’un doctorat en éducation de l’Université McGill et a reçu la Médaille d’or du Gouverneur général pour son travail innovant sur les pratiques d’enseignement et d’apprentissage au niveau collégial, qui portait une attention particulière aux étudiants avec des troubles d’apprentissage. Son travail de recherche sur les pratiques inclusives en enseignement et en apprentissage a fait l’objet d’articles évalués par les pairs.

Neerusha a aussi obtenu un diplôme de maîtrise en sciences animales à l’Université McGill.

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Nicole Perreault
30 novembre 2020 16h29

Bonjour Neerusha, Votre récit est très pertinent et inspirant. Un pas de plus qui contribue à définir les conditions qui permettent « d’évaluer autrement » et de prévenir le plagiat et la tricherie. Merci !

Julie Mercier
Julie Mercier
3 décembre 2020 15h46

Bonjour,

Merci pour ce partage de votre expérience. Celle-ci et la description que vous en faites démontrent que de nouvelles stratégies sont non seulement possibles, mais permettent d’améliorer les pratiques. Au plaisir de vous relire peut-être!