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24 avril 2019

Qu’est-ce que des étudiants peuvent faire avec une imprimante 3D? Un exemple en chimie… et d’autres dans toutes les disciplines de Sciences de la nature

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

Qu’est-ce que les étudiants de Sciences de la nature peuvent faire avec une imprimante 3D? Dans quelle mesure l’utilisation d’une imprimante 3D permet-elle d’atteindre les compétences et les visées des cours du programme? J’ai reçu une libération de la part de mon collège pour élaborer des scénarios pédagogiques qui amèneraient les étudiants de Sciences de la nature à utiliser une imprimante 3D. Je vous présente ici des exemples de scénarios pédagogiques que j’ai développés dans le cadre de ce projet, dont 1 que j’ai mis en oeuvre dans mon cours Chimie générale.

Laboratoire de géométrie moléculaire

C’est avec un de mes groupes du cours Chimie générale que j’ai testé un premier scénario : un laboratoire de géométrie moléculaire.

Classiquement, en Chimie générale, on fait dessiner par les étudiants les structures de Lewis d’une molécule, on leur en fait déterminer la polarité, puis dessiner la molécule en 3D sur papier, en respectant certaines normes de présentation. Pour intégrer l’impression 3D dans une telle activité, j’ai demandé aux étudiants de faire une recherche (par quelques questions guidées) sur une molécule de leur choix. Une fois qu’ils ont pris connaissance de la structure de leur molécule, je leur ai demandé de la modéliser en 3D grâce à une application web (MolView). Ensuite, les étudiants ont eu à suivre une procédure qui a permis la conversion de leur modélisation en un format de fichier pouvant être traité par l’imprimante. En moins de 2 heures, près de la moitié des étudiants sont arrivés à terminer le travail et à me remettre le fichier en question.

Structure de l’humulone en représentation schématique (à gauche) et le modèle 3D produit par MolView (à droite). C’est ce dernier qui peut être imprimé en 3D, ce qui facilite la visualisation des angles entre les atomes et de la géométrie moléculaire globale de l’ensemble de la molécule.

Avant de pouvoir imprimer les molécules modélisées par les étudiants, j’ai eu beaucoup de travail à faire pour corriger les fichiers produits par les étudiants. Après la tenue de l’activité, lorsque j’ai commencé à imprimer ce que les étudiants avaient produit, j’ai constaté que je n’avais pas suffisamment insisté sur l’importance de bien fermer tous les volumes du modèle à imprimer. En effet, l’impression 3D est relativement capricieuse : les surfaces doivent toutes être fermées (pour pouvoir être imprimées, les surfaces doivent être en fait des volumes). Lors de ma prochaine itération de l’activité, j’insisterai davantage sur cet aspect : cela va me sauver beaucoup de temps!

J’ai tout de même imprimé une dizaine de molécules, dont

  • l’octanitrocubane (un explosif)
  • l’adrénaline (un neurotransmetteur)
  • la théobromine (une molécule retrouvée dans le chocolat, qui agirait sur l’humeur des gens qui la consomme)
  • l’humulone (une molécule responsable de l’amertume que donne le houblon à la bière)

Les étudiants étaient enthousiastes et ils ont produit un travail de qualité.

Malgré ce que j’ai dit au sujet du travail que j’ai eu à faire avant d’imprimer les fichiers, il faut retenir qu’il n’est pas très difficile pour un étudiant de passer d’un croquis approximatif fait sur papier à un fichier utilisable par une imprimante. Il faut simplement bien expliquer les contraintes qu’il faut respecter pour que l’impression soit réalisable.

D’autres idées

  • En chimie, je planche sur le développement de petits réacteurs dans lesquels il serait possible de faire des synthèses en continu, un concept qui fait appel à la microfluidique. Les étudiants pourraient, pour une réaction donnée, modéliser le réacteur qu’ils croient être celui qui donnerait le meilleur rendement.
  • En physique, les étudiants pourraient modéliser une lentille et l’imprimer grâce à un polymère transparent. Ils pourraient ensuite prédire le comportement théorique de la lumière dans une telle lentille avant d’aller au laboratoire et de tester leur modèle imprimé.

    Exemple de lentille modélisée pour le cours de physique optique. Il ne reste qu’à l’imprimer avec un matériau transparent, quelques étapes de polissage et ensuite, elle sera prête pour le laboratoire!

  • Les enseignants de mathématiques pourraient amener leurs étudiants à modéliser des surfaces. Avec Maple ou d’autres logiciels équivalents, les étudiants peuvent déjà voir des surfaces en 3D sur un écran, mais l’imprimante 3D leur permettrait de vraiment toucher les surfaces, ce qui rendrait les concepts encore plus concrets.Un logiciel comme openSCAD peut permettre de coder une surface un peu comme dans Maple, puis d’imprimer le résultat presque directement, sans plus de traitement.

    Des pièces que j’ai imprimées pour des enseignants de mathématiques

  • Finalement, je crois que c’est dans un cours comme Activité d’intégration (le cours porteur de l’épreuve synthèse du programme de Sciences de la nature, au Cégep de Sainte-Foy) qu’il serait le plus facile de mettre les étudiants aux commandes d’une imprimante 3D. Dans ce cours, les étudiants, en équipe, doivent réaliser un projet de leur choix. Il est facile d’imaginer que plusieurs de ces projets pourraient tirer parti d’une imprimante 3D. Du développement de matériel de laboratoire jusqu’à l’optimisation de designs permettant la détermination de constantes physiques, en passant par la conception d’un outil permettant une meilleure collecte de données ou par des répliques de systèmes physiologiques : tout peut y passer.

Ce que je constate avec l’avancement de mon projet, c’est qu’il est relativement facile d’avoir des idées où l’impression 3D joue un rôle dans les cours du programme de Sciences de la nature. Conséquemment, le temps d’utilisation de l’imprimante va en augmentant. Pour le moment, le programme de Sciences de la nature du Cégep de Sainte-Foy ne dispose que d’une seule imprimante (une imprimante Creality Ender 3, un modèle d’entrée de gamme), mais ça ne suffira pas si le rythme continue ainsi. Vouloir intégrer cette technologie dans les différents cours du programme revient à dire qu’il y aurait quelques centaines d’utilisateurs. On comprend vite que si l’on veut que tous les étudiants du programme puissent avoir accès à une imprimante 3D dans des délais raisonnables, il faudra se doter d’autres appareils.

Si le sujet vous intéresse

J’ai présenté ici des scénarios mettant les étudiants aux commandes de l’imprimante 3D, mais j’ai également testé plusieurs applications simples et pratico-pratiques de l’imprimante 3D pour un enseignant de sciences au collégial. Cela a fait l’objet d’un autre texte dans Profweb.

À propos de l'auteur

Pierre-Olivier Paquet

Biochimiste de formation et détenteur d’une maîtrise en psychoéducation, Pierre-Olivier enseigne la chimie au niveau collégial depuis plus de 10 ans. Son parcours professionnel l’a fait évoluer au sein de plusieurs établissements d’enseignement, contribuant ainsi à élargir sa vision du monde collégial et à lui permettre d’acquérir un large spectre d’intérêts et de compétences, tout aussi varié que pertinent. Curieux de nature, il n’en est pas à ses premières armes par rapport à l’élaboration de matériel didactique mettant les technologies novatrices au centre d’activités pédagogiques.

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