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13 juin 2016

Retour sur la Journée thématique de l’ACPQ 2016 – Stratégies pour contrer le plagiat

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

J’ai assisté, le 1er juin 2016, à la première journée thématique de l’Association des collèges privés du Québec (ACPQ), qui portait sur les pratiques innovantes en évaluation des apprentissages.

Après une inspirante conférence d’ouverture par France Côté, conseillère pédagogique au Cégep Marie-Victorin, les participants se sont divisés en différents forums, où ils ont pu interagir avec des présentateurs et échanger des idées.

Personnellement, j’ai pris part à 2 forums :

  • « Accélérer la correction et suivre la progression des étudiants au moyen des TIC »
  • « Stratégies pour contrer le plagiat »

Dans cet article, je vous offre un compte-rendu du deuxième. Le premier fait l’objet d’un autre article.

Stratégies pour contrer le plagiat

Personnaliser les évaluations

Le forum « Stratégies pour contrer le plagiat » a commencé par une présentation d’Yvan Tétreault, enseignant de philosophie au Collégial international Sainte-Anne.

Dans le cours d’Yvan Tétreault, les étudiants doivent toujours apporter un ordinateur avec eux. Les évaluations ont lieu en ligne : les étudiants ont donc « droit à tout », tant à leurs documents personnels qu’à l’internet.

Yvan Tétreault a fait de nombreuses expériences, depuis 2 ans. Pour éviter que les étudiants ne puissent se « passer les réponses », ce qu’Yvan a trouvé le plus efficace, c’est de personnaliser les examens. Par exemple, dans le cours d’éthique, les étudiants doivent appliquer une théorie philosophique à un cas concret. Pour l’examen, il suffit donc que chaque étudiant d’un groupe se voie attribuer un cas différent, au moyen d’une mise en situation différente. Cela implique pour Yvan de rédiger jusqu’à 32 mises en situation différentes, mais la correction, elle, n’est pas plus longue.

Pour Yvan, il est faux de dire que pour qu’une évaluation soit juste, elle doit être identique pour tout le monde. Le fait que la mise en situation soit différente ne change pas ce que l’étudiant doit faire : la tâche reste exactement la même. Pour éliminer d’éventuelles perceptions d’iniquité, Yvan a tout de même pris soin de composer des mises en situations de même longueur.

Selon Yvan, les étudiants ont aimé l’examen. Ils ont aimé le fait qu’il n’y avait pas de « par cœur ». Après tout, ce sont les habiletés de niveau supérieur que l’on souhaite évaluer!

Par ailleurs, pour éviter que les étudiants ne soient tentés de copier des passages de texte trouvés sur le web, Yvan utilise Turnitin. C’est un logiciel de détection de plagiat. Pour l’utiliser, un collège doit faire l’achat d’une licence.

Turnitin compare les textes écrits par les étudiants aux contenus disponibles en ligne et aux travaux des autres étudiants de l’établissement (y compris ceux des années antérieures). Il identifie les passages plagiés, même si l’étudiant y a apporté des changements mineurs. Yvan note toutefois parmi les limites du logiciel qu’il ne peut pas détecter les traductions, ni consulter le contenu des sites payants sur lesquels il est possible d’acheter des « travaux scolaires » tout faits.

Yvan se sert de cet outil pour avoir une discussion sur le plagiat avec ses étudiants, pour parler de la façon dont on doit citer les sources. Il donne accès à Turnitin à ses étudiants : ils peuvent soumettre leurs travaux au logiciel, pour voir le « pourcentage de similarité » que le logiciel leur accorde. Un pourcentage élevé indique qu’une grande proportion du texte est similaire à du contenu déjà existant. Certains sont surpris! Pour les enseignants, la notion de plagiat est claire. Toutefois, pour les étudiants, ça l’est souvent beaucoup moins. Ils peuvent donner une définition du plagiat, mais, quand vient le temps d’écrire, ils ont de la difficulté à faire la différence entre ce qui constitue un plagiat de leur part et ce qui est légitime.

L’utilisation de Turnitin que leur propose Yvan sensibilise les étudiants à l’importance de citer correctement les phrases et les idées. Quand le logiciel leur permet de détecter un problème dans leur travail, les étudiants ont la possibilité de faire des changements. Formateur!

Faire appel à la créativité des étudiants

Kate Lecours et Valérie Tremblay, enseignantes au Collège Lasalle en Arts, lettres et communication, sont titulaires d’un cours d’histoire de théâtre et d’analyse de textes théâtraux. En abordant un texte de Shakespeare avec leurs étudiants, elles craignaient qu’ils ne soient tentés de plagier – les dissertations sur les œuvres de Shakespeare étant faciles à trouver sur internet.

Kate et Valérie ont convenu qu’il peut être démotivant pour les étudiants de faire un travail qui risque fort d’être d’une qualité inférieure à ce qu’ils peuvent trouver sur internet. Aller chercher des textes « d’experts » est réconfortant eux. À leurs yeux, souvent, ce qu’ils font n’a pas de valeur. Par exemple, ils ne réalisent pas que l’analyse littéraire est quelque chose qu’ils vont pouvoir réutiliser dans le futur.

Kate et Valérie ont décidé de reformuler l’énoncé du travail, pour s’éloigner de l’analyse littéraire scolaire classique et faire comprendre aux étudiants qu’il n’existe pas qu’une seule bonne façon d’analyser un texte donné.

Elles ont tenté de créer une situation d’apprentissage authentique, un travail signifiant pour les étudiants. Pour cela, elles ont arrimé la tâche sur la future réalité professionnelle des étudiants de théâtre.

Kate et Valérie ont pensé aux tâches d’un assistant metteur en scène, qui doit faire de la recherche et décortiquer un texte avant que le metteur en scène ne commence à travailler dessus. Elles ont demandé aux étudiants de se mettre dans la peau d’un assistant metteur en scène. Ils devaient faire une recherche sur Shakespeare, puis une recherche sur la pièce (Macbeth). Puis, ils devaient transposer la pièce à Montréal au 21e siècle. Un tel travail d’adaptation exige de comprendre le texte! Les enseignantes ont également demandé aux étudiants de suggérer une distribution pour la pièce (ce qui implique de bien saisir les personnages), de faire des suggestions de costumes et de décors, etc. Pour Kate et Valérie, la clé a été de faire de la place à la créativité des étudiants.

Avec cette nouvelle formule, Kate et Valérie sont passées d’un travail où il y avait beaucoup de plagiat (généralement accidentel, sans doute causé par une mauvaise compréhension de ce qui constitue un plagiat), à une situation où il n’y en avait plus. Un étudiant a dit que c’était le travail le plus signifiant qu’il avait fait dans toutes ses études! Un autre a amené son travail avec lui lors d’une entrevue d’embauche dans un théâtre (et il a été engagé!).

Faire appel à la créativité des étudiants dans le cadre d’un travail signifiant pour réduire le plagiat? Ce n’est pas que pour les étudiants d’arts! Je vais réfléchir à ce que je pourrais faire avec mes étudiants à moi…

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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