Rétroaction, réussite et persévérance : résultats d’une étude et partage de bonnes pratiques
Le 25 novembre 2015, le Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada (REFAD) présentait sa 2e activité de perfectionnement en éducation à distance sur une série de 4. Stéphanie Facchin, chargée de projets de recherche au Cégep à distance, a animé un atelier intitulé : La rétroaction en formation à distance : contenu, impact et technologie. Cette activité avait pour objectif de « présenter les résultats d’une étude exploratoire qui visait à analyser le contenu des rétroactions et à en déterminer les impacts sur la réussite et la persévérance des apprenants. »
Puisque la fin de session arrive à grands pas (et qu’elle amène son lot de corrections), Profweb a voulu partager les résultats de cette recherche avec la communauté collégiale. Ce compte rendu est issu d’une collaboration spéciale entre Stéphanie Facchin et Andréanne Turgeon.
Pourquoi s’intéresser à la rétroaction ?
La formation à distance occupe une place de plus en plus importante dans tous les ordres d’enseignement. Au collégial seulement, le nombre d’inscrits a presque doublé en 20 ans. Si le nombre d’étudiants du Cégep à distance s’élevait à 15 000 en 1995–1996, ils étaient un peu plus de 27 000 à opter pour ce type de formation en 2013-2014.
La popularité grandissante de la formation à distance s’explique sans doute par les multiples avantages de ce modèle, particulièrement son accessibilité et sa flexibilité. Plusieurs modèles pédagogiques s’articulent autour de la formation à distance :
- MOOC (Massive Open Online Course ou cours en ligne offerts aux masses)
- Téléenseignement (cours en ligne avec interactions en temps réel)
- Formation hybride (à la fois en classe et à distance)
Ces modèles s’ajoutent à l’offre de cours du Cégep à distance, qui privilégie un mode de formation asynchrone. Malgré l’intérêt manifeste des étudiants pour la formation à distance, on observe tout de même un taux d’abandon élevé : près de 30 %. Ce nombre correspond à un taux d’abandon de 20 % à 50 % plus élevé qu’en formation présentielle. L’abandon fait référence ici aux étudiants qui confirment leurs inscriptions, mais qui ne terminent pas leurs cours en ne se présentant pas à l’épreuve finale.
Diverses variables ont été étudiées pour expliquer le taux d’abandon en formation à distance :
- Les facteurs démographiques, comme l’âge et le sexe, mais il n’y a pas de tendance claire qui se dégage.
- Les facteurs environnementaux, comme les conditions matérielles, géographiques ou physiques ont un impact, mais ils interagissent le plus souvent avec d’autres facteurs pour provoquer un effet positif.
- Les caractéristiques des apprenants. Dans ce groupe, on retrouve par exemple : la motivation, les antécédents scolaires et le sentiment d’auto-efficacité en formation à distance. Ce dernier élément est d’ailleurs en lien avec la persévérance des étudiants au Cégep à distance.
- Les variables institutionnelles. Elles incluent la qualité des cours, du matériel pédagogique, des services et de l’aide disponibles, ainsi que le suivi et l’encadrement des étudiants, notamment par la rétroaction offerte. C’est surtout à ce niveau que le Cégep à distance, en tant qu’institution, peut intervenir. Ainsi, dans ce projet, la rétroaction a été privilégiée afin de mettre en œuvre une intervention visant à favoriser la réussite et la persévérance des apprenants en formation à distance.
Une rétroaction qui favorise l’apprentissage et la réussite
Dans ce projet, la rétroaction est définie comme toute information fournie à l’apprenant par son tuteur quant à ses réalisations scolaires ou en lien avec sa compréhension de la matière lors des travaux.
La rétroaction a un effet positif avéré sur la performance, les apprentissages et la réussite, mais sous certaines conditions.
Principales conditions pour que la rétroaction ait un impact positif sur l’apprentissage.
Ainsi, une bonne rétroaction ne se contente pas de féliciter l’étudiant ou de lui donner la réponse en cas d’erreur.
- Elle doit préciser pourquoi il a obtenu un bon résultat ou susciter une réflexion, dans le cas contraire.
- Les commentaires formulés en plusieurs points ont été prouvés plus efficaces.
- La rapidité avec laquelle l’étudiant reçoit une rétroaction après la remise d’un travail ou d’un examen est susceptible d’influencer la réussite et la persévérance.
Contenu et impact d’une rétroaction traditionnelle
Une première étude sur la rétroaction en formation asynchrone, menée de juin à novembre 2014 au Cégep à distance, visait 2 objectifs :
- Analyser les contenus des rétroactions dans les devoirs des étudiants.
- Développer une formation pour certains tuteurs volontaires afin de promouvoir une rétroaction optimale et de favoriser la réussite des apprenants.
L’échantillon a permis d’analyser plus de 5 000 annotations. Elles ont été recueillies dans 77 devoirs issus de 2 cours de Calcul intégral. Ces cours ont été retenus en raison de leur taux d’abandon élevé (30 %).
L’échantillon a permis d’analyser plus de 5 000 annotations.
L’annotation la plus récurrente dans les devoirs analysés est le symbole du crochet (✔). Son interprétation n’a pas fait l’unanimité au sein de l’équipe de recherche. Cette annotation est équivoque : pour certains, le crochet signifie un bon élément de réponse, alors que pour d’autres, il correspond à une erreur. Pour que la rétroaction soit optimale, il faut éviter les ambiguïtés.
L’analyse de ces rétroactions n’a pas permis de dégager une corrélation entre la quantité d’annotations dans un devoir et la note obtenue par l’étudiant. Un nombre plus élevé d’annotations ne signifie pas que l’étudiant réussisse mieux ou progresse davantage. Parfois, quantité ne rime pas avec qualité ! La moyenne générale au secondaire (MGS) demeure l’indicateur le plus révélateur quant à la réussite de l’étudiant.
Pour les étudiants moins performants, il semble que la correction académique ne soit pas suffisante pour susciter l’engagement et favoriser les apprentissages. La technologie devient à cet égard un moyen privilégié d’améliorer le contenu et la qualité de la rétroaction.
La rétroaction : traditionnelle ou technologique?
Une nouvelle étude, le projet Devoir+, est en cours dans le cadre du PAREA. Elle vise à comparer l’impact d’une rétroaction technologique (audio ou vidéo) plutôt que traditionnelle (écrite) sur la persévérance et la réussite scolaire des apprenants de la formation asynchrone.
Pourquoi les TIC pour la rétroaction ?
- Elles sont moins chronophages que la rétroaction écrite
- Elles permettent d’offrir davantage de rétroaction
- Il est facile de se les approprier
- Elles enrichissent le contenu (meilleure qualité, plus de détails et de précision)
- Elles permettent un sentiment de présence sociale accru
Néanmoins, des études (dont les références se trouvent à la page 26 de la présentation) montrent que la rétroaction technologique rend les apprenants plus satisfaits, mais son lien avec la réussite et la persévérance n’a pas été testé directement.
Les 4 objectifs de cette étude
Les 4 objectifs du projet Devoir+.
Les bonnes pratiques de rétroaction conseillées aux tuteurs
Pour accompagner les tuteurs dans la réalisation d’une rétroaction technologique de qualité (support audio ou vidéo), voici quelques-uns des conseils qui leur sont prodigués :
Pour favoriser l’écoute et la réceptivité de l’étudiant :
- La durée de l’enregistrement ne doit pas excéder 5 minutes.
- Débuter par une salutation personnalisée (nommer l’étudiant).
- Demander à l’apprenant de suivre sur sa copie en même temps qu’il écoute l’enregistrement.
- Indiquer clairement l’endroit où se rapportent les commentaires dans la copie de l’étudiant.
- À la fin, résumer les points forts et indiquer les points à améliorer.
- Terminer par une question ouverte afin de susciter la réflexion.
- Inviter l’étudiant à prendre contact s’il a des questions.
Pour faciliter le processus de rétroaction technologique du tuteur :
- Choisir un endroit calme.
- Préparer ses commentaires avant d’amorcer l’enregistrement.
- Utiliser la fonction « pause » pendant l’enregistrement, au besoin.
- Être naturel. La rétroaction doit ressembler le plus possible à une interaction en présence.
- Ne pas perdre trop de temps à faire du montage ou à réenregistrer. La perfection n’est pas le but recherché.
Pour respecter la confidentialité :
- Ne pas filmer la première page du devoir (elle contient des renseignements personnels).
- Effectuer une copie de l’enregistrement (tuteur).
Pour optimiser la rétroaction :
- Aller plus loin que la correction académique.
- Expliquer pourquoi une réponse est fausse ou juste.
- Donner des exemples lors des explications.
- Préciser si les objectifs sont atteints.
- Encourager l’étudiant, mais en lien avec l’ensemble du travail réalisé (et pas seulement le contenu du devoir).
Utilisez-vous les technologies pour offrir de la rétroaction à vos étudiants ? Aimeriez-vous partager vos bonnes pratiques de rétroaction (traditionnelle ou technologique) ? N’hésitez pas à écrire dans la section Commentaires.
Bonjour Andréanne, merci pour cet article J’ai assisté à la présentation de madame Facchin et c’était effectivement très intéressant et surtout pertinent : dans la foulée des actions et travaux menés, suite à la publication du rapport Demers sur l’offre de formation collégiale, la formation à distance est appelée à prendre une place grandissante. Les données actuelles indiquent que, malheureusement, le taux de persévérance et de réussite des étudiants en FAD est très faible. Identifier des mécanismes d’encadrement qui peuvent avoir un effet positif sur ces taux est le bienvenu ! Dans la page suivante, outre le lien vers le diaporama de madame Facchin accessible dans le présent article, on retrouve, entre autres, deux articles intéressants de la revue Pédagogie collégiale qui portent sur le recours aux technologies dans un contexte de rétroaction : http://www.reptic.qc.ca/la-retroaction-en-formation-a-distance-contenu-impact-et-technologie/
Bonjour,
Très heureux de voir que la rétroaction fasse l’objet de recherche plus de 15 ans après mon article « La rétroaction, support d’apprentissage ? » https://hal.inria.fr/edutice-00000482/document
Le point qui reste névralgique est bien celui du temps accordé (et payé) par les institutions pour la production de telles rétroactions
Cordialement,