S’approprier l’Histoire : Balados et réseaux de concepts
Je débute chaque session en soulignant à mes étudiants que l’histoire n’est pas une affaire de par cœur, mais plutôt une matière qu’on travaille. L’image que j’utilise est celle de la pâte à modeler. Ils en rient un peu, mais cette analogie leur fait comprendre qu’ils doivent jouer avec la matière, l’interpréter et se l’approprier. C’est ainsi que la matière devient intellectuellement stimulante et donc, plus facile à apprendre.
Les nouvelles technologies m’aident à accomplir cet objectif.
Biographies et balados
Un des outils « techno » que j’utilise depuis déjà quelques années dans mes cours est la baladodiffusion. Mes étudiants produisent des balados et me les remettent comme travaux. La forme est celle d’une courte émission de radio où ils présentent la vie d’une figure historique. À l’automne 2014, dans le cours Histoire du temps présent, je leur ai demandé de réaliser le portrait d’un personnage des Années folles.
Cela peut sembler anodin comme intégration technologique, mais les étudiants adorent cela. Ils ont tous des outils portables et savent s’en servir de plusieurs façons. Je leur demande de mettre tout leur savoir-faire à contribution. Le produit final est toujours intéressant : les étudiants intègrent de la musique, des extraits d’archives et ajoutent même parfois des sons d’ambiance de l’époque pour rendre le tout plus « authentique ». Les textes qu’ils m’auraient autrement remis prennent une toute autre forme : en plus de susciter leur intérêt, le balado leur permet de « jouer avec la matière ». Comme pour un texte, les étudiants m’envoient le produit final par courriel avec une bibliographie qui témoigne de leur recherche.
N’étant moi-même pas très « geek », j’avais plusieurs doutes, il y a 2 ou 3 ans, lorsque j’ai décidé d’intégrer les balados à mes cours Histoire de la civilisation occidentale et Histoire du temps présent. Je pensais que cela demanderait beaucoup de support logistique et technologique de ma part. Ce n’est pas le cas. C’est très facile à intégrer et la majorité de mes étudiants connaissent déjà les logiciels nécessaires à l’enregistrement et au montage sonore.
Réseaux de concepts, théâtralité et musées imaginaires
S’approprier l’histoire, c’est aussi la mettre en scène et la visualiser! Outre les balados, j’utilise beaucoup les réseaux de concepts dans mes cours. C’est une belle façon d’organiser et de représenter ses connaissances, en particulier pour faire un retour sur la matière et pour étudier.
C’est le logiciel CmapTools que je conseille à mes étudiants pour cela. Plusieurs autres outils permettent la création de réseaux de concepts, mais CmapTools reste mon favori pour l’instant : il est simple à utiliser et facile à montrer aux étudiants. Avec CmapTools, ils peuvent faire des réseaux de concepts en ligne, les enregistrer dans le format de leur choix et les imprimer pour pouvoir s’en servir comme outil d’étude et aide-mémoire à l’examen. Nous sommes encore ici dans la « pâte à modeler » : le fait de manipuler la matière et de se l’approprier.
Tutoriel vidéo en français pour CmapTools
Si les réseaux de concepts sont de bons outils pour organiser nos connaissances, ils peuvent aussi être intégrés à d’autres types d’activités. Dans le cours Histoire du temps présent, toujours à l’automne 2014, j’ai proposé à mes étudiants de « défendre » la crise économique de 1929 dans un procès fictif où celle-ci (personnifiée par un membre de l’équipe) était accusée des maux qu’elle a causés. Ce scénario imaginaire et hautement satyrique nécessitait des plaidoiries convaincantes que les étudiants devaient créer de toute pièce, en équipes, au moyen de réseaux de concepts. C’est un bon exercice pour réviser la matière! Le procès a eu lieu dans la « classe du 21e siècle » du cégep, soit la classe d’apprentissage actif équipée de tableaux blancs et divisée en 6 grandes tables (pour 6 « bureaux d’avocats »). Les étudiants ont pu voir les réseaux de concepts des autres équipes et ainsi partager, comparer et vérifier leurs propres synthèses de la matière, le tout de manière ludique et engagée, surtout lorsqu’on cite des personnages historiques à témoin.
Je ne donne pas de points pour de tels exercices. Ils sont formatifs. La classe d’apprentissage actif me permet aussi deux autres types d’exercices appréciés des étudiants :
- Un rallye en 7 étapes sur la Première Guerre mondiale sous forme de « mission », où les étudiants doivent naviguer en équipe sur internet et répondre à différentes questions sur des vidéos éducatives, des documents d’archives et des articles.
- Un musée imaginaire présenté sur PowerPoint. Dans ce cas-ci, les étudiants choisissent 12 œuvres qui leur paraissent illustrer les moments les plus importants de l’histoire humaine et ils expliquent leurs choix devant la classe. Ici encore, la formule est idéale pour faire un retour sur la matière et une synthèse en fin de session!
L’histoire et la technopédagogie
Ma préoccupation est double dans les cours d’histoire : susciter la motivation étudiante et montrer que l’histoire est partout (pas seulement dans les manuels ou la parole de l’enseignant).
Plusieurs de mes étudiants n’iront pas en histoire à l’université, mais la méthode historique peut faire d’eux des citoyens dotés d’un esprit critique, d’une capacité de réflexion et de métacognition. C’est pour cela que je leur enseigne que l’histoire est partout, même s’ils ne l’étudieront par la suite. Les références historiques ne sont pas que dans les livres d’histoire, elles sont dans les romans, les bandes dessinées, les films de fiction, la musique, l’architecture des quartiers dans lesquels nous vivons, les journaux, etc. L’histoire présentée ainsi suscite leur intérêt, tout comme le fait de varier les stratégies d’enseignement. C’est là que les nouvelles technologies sont utiles : elles permettent de voir l’histoire sous différents angles, mais aussi de jouer avec elle et de se l’approprier. C’est ce que je tente avec l’intégration des balados et l’usage de CmapTools!
Pour l’enseignant, la connaissance technique de tous ces nouveaux outils est une limite bien réelle. Cela dit, on peut aussi se fier à nos étudiants : ils connaissent très bien la technologie. Pensez aux cellulaires, par exemple : ils en ont tous un et ils savent s’en servir à merveille. C’est la prochaine étape pour moi : l’intégration du cellulaire à mes cours d’histoire.
Tout le long de mes études, on m’a répété « tu es bonne d’étudier en histoire, je ne pourrais jamais me rappeler de toutes ces dates! » C’est un mythe persistant, alors que l’histoire a beaucoup plus à coeur de comprendre et d’expliquer des événements complexes. Je trouve ingénieux d’avoir intégré un jeu de rôle dans l’analyse de la crise économique de 1929. De même, le fait que les étudiants prennent l’initiative d’ajouter des musiques et des sons »d’époque » dans leurs balados est une façon de rendre le passé tangible. Enfin, l’atelier du musée virtuel est une manière judicieuse de montrer aux étudiants qu’après l’analyse des faits, tout est une question d’interprétation. L’objectivité a elle aussi ses limites!
J’ai aussi trouvé les idées de Mme. Dumais très ingénieuses. L’approche n’est pas sans rappeler les stratégies d’enseignement et de politisation de Paulo Freire et d’Augusto Boal, quelque chose dans la lignée de la pédagogie critique qui dynamise à merveille les sciences dites « sociales ». Qui plus est, quoi de mieux que d’outiller les étudiants à s’approprier l’histoire afin de souligner la pertinence et la richesse de cette dernière? J’aimerais bien me trouver à la place d’un de ses étudiants!
Bonjour Martine, je viens tout juste de prendre connaissance de ce récit plus qu’intéressant. Les outils technologiques auxquels vous faites recourir vos étudiants sont plus que pertinents et motivants. Ce récit sera intégré dans l’espace ProfilTIC.ca et associé aux habiletés suivantes du Profil TIC des étudiants du collégial : 2.3 Représenter visuellement l’information (cartes conceptuelles) et 3. Présenter l’information (balado). http://www.profiltic.ca. Bravo et merci !