TIC et mathématique : une expérience stimulante et enrichissante autant pour le personnel enseignant que pour les élèves
Tout d’abord, un grand merci à l’équipe d’enseignantes et d’enseignants de mathématique du programme de Sciences de la nature du cégep de Rimouski, Jordi Nadal, Benoît Fournier, Diane Côté et Philippe Etchecopar, d’accepter de partager leur point de vue et leurs façons de faire en matière d’intégration des technologies. En leur nom, Philippe Etchecopar a répondu aux questions de Lyse Favreau, membre de l’équipe Animaweb.
Si vous comparez l’enseignement de votre discipline d’il y a une quinzaine d’années à celui de maintenant, quelle en est la plus grande différence?
En mathématiques la grande différence a été la conséquence du développement exponentiel de l’informatique : apparition des logiciels de calcul symbolique à partir de 1990, montée en puissance des ordinateurs et développement d’Internet à partir de 1995. Cela a permis de développer davantage l’utilité des mathématiques dans les autres disciplines.
Pouvez-vous décrire brièvement comment vous intégrez les TIC à la pédagogie?
À Rimouski, en Sciences de la nature, les TIC ont d’abord été les logiciels de calcul symbolique, Mathematica puis Maple et MatLab.
Ces logiciels n’ont évidemment pas été intégrés comme des boîtes noires mais pour deux objectifs bien précis : suivre une démarche rigoureuse et résoudre des problèmes.
D’abord, leur utilisation pour résoudre des problèmes simples oblige les élèves à une démarche rigoureuse, la démarche algorithmique. Un logiciel oblige l’élève à penser un problème en terme d’étapes à suivre plutôt qu’en terme de formules à trouver ou d’exemples à utiliser.
Ensuite ces logiciels, avec leur capacité de calcul, nous ont permis de développer une méthode de résolution de problème, la modélisation, qui fait appel à l’autonomie et à la capacité de jugement de l’élève plutôt qu’aux calculs répétitifs. Grâce à la capacité de calcul des ordinateurs, un problème c’est moins une solution numérique pointue à obtenir qu’un phénomène à comprendre. Cette méthode les prépare aussi aux grands changements que l’informatique a apporté au travail scientifique: la modélisation et les simulations.
Enfin, ces dernières années, le développement d’Internet nous a permis de rendre l’enseignement plus convivial (utilisation du site DECclic et des portables) et plus ouvert (utilisation de sites comme celui du MIT-Massachusetts Institute of Technology).
Est-il exigeant de vouloir intégrer les TIC?
À Rimouski, nous avons eu la chance de travailler en équipe et ainsi de partager le travail. C’est un travail important car nous avons dû produire nos propres manuels et guides. Or, si officiellement les autorités plaident en faveur des TIC, cela ne se traduit pas en terme de ressources. La définition des paramètres de la tâche remonte à près de 30 ans et les parties préparation et laboratoires ne prévoient pas les TIC. Les Nej (nombres d’élèves par groupe dans une discipline particulière) ne prévoient pas de période de laboratoire. Les budgets de recherche ont à peu près disparu et les budgets de coordination provinciale ont eux aussi disparu. Nous avons ainsi à réinventer la roue, chacun dans nos collèges. Le travail d’intégration des TIC repose en grande partie sur du bénévolat et s’ajoute à la tâche régulière. Par exemple, en Calcul différentiel, nous donnons dix laboratoires par session avec ce que cela comporte de travail supplémentaire de préparation et de correction… En revanche l’intégration des TIC a été très stimulant sur le plan pédagogique et très enrichissante pour tous ceux et celles qui y ont participé.
Il faut saluer des organisations comme l’association pour les Applications pédagogiques de l’ordinateur au postsecondaire (APOP), l’Association mathématique du Québec (AMQ) ou le Saut Quantique qui, dans notre domaine, nous permettent d’échanger avec d’autres cégeps
Est-ce que vous considérez que le temps d’appropriation des nouveaux outils technologiques est disproportionné par rapport à une préparation normale de cours?
La question ne se pose pas comme ça. Les nouvelles technologies sont là, elles transforment le travail en sciences, elles transforment l’enseignement universitaire et il est de notre responsabilité de préparer nos étudiants à cette réalité. Le problème, c’est que les ressources ne sont pas proportionnelles au travail nécessaire.
Quels sont les avantages à intégrer les TIC dans la pédagogie?
D’abord de fournir aux jeunes une préparation mieux adaptée à ce qui les attend, tant à l’université que dans les professions scientifiques vers lesquelles ils s’orientent. C’est quand même notre responsabilité d’enseignante et d’enseignant de prévoir ce qui sera nécessaire à nos élèves et de préparer nos cours enconséquence. Ensuite, en mathématiques, les TIC nous permettent, par la modélisation, de montrer la nature des maths comme étant le langage dela nature et leur importance dans les autres disciplines. Les TIC, par leur capacité de calcul, nous permettent d’atteindre le vieil objectif des cours de niveau collégial, mathématiser des situations concrètes sans les déformer.
Céline Saint-Pierre
Est-ce que cette intégration des TIC vous a amené à modifier votre pratique pédagogique et si oui, en quoi l’a t-elle été?
L’utilisation des TIC a développé un aspect expérimental en mathématiques aux dépens de l’enseignement magistral traditionnel. La méthode d’approche par projet (APP) s’est beaucoup développée et cela dans une optique multidisciplinaire. Le travail d’équipe est devenu la norme. Avec l’utilisation croissante d’Internet et des portables l’aspect communication est également devenu un aspect important dans notre pratique pédagogique. En mettant nos cours sur le site DECclic, nous pouvons communiquer beaucoup plus facilement avec nos élèves et réciproquement. La voie de transmission du savoir n’est plus uniquement le cours magistral et le volume, les élèves peuvent accéder à des explications supplémentaires via des sites connexes.
Avez-vous l’impression que l’intégration des TIC en pédagogie augmente la motivation ou la réussite des élèves?
C’est plus qu’une impression, c’est une certitude. Chaque année, à la fin de leur DEC, une enquête est faite auprès des finissantes et finissants et les résultats sont similaires d’année en année : les cours de maths sont très appréciés et les élèves disent qu’ils ont le sentiment d’avoir beaucoup appris.
Cette évaluation est confirmée par l’enquête menée régulièrement auprès des finissanteset finissants après un an d’université : ils sont très satisfaits de la place de l’informatique et des méthodes de travail qu’ils ont acquises dans leurs cours de math du Cégep.
Il semble que les approches pédagogiques utilisant les TIC, avec ce que cela implique, corresponde davantage à la culture des jeunes que l’approche traditionnelle.
Pour nous, les profs, cette satisfaction qui se manifeste assez régulièrement de la part de nos élèves, est certainement ce qu’il y a de plus gratifiant.
Gaëtan Beaudoin