Un modèle à développer pour l’intégration pédagogique d’un atelier de fabrication numérique
Vous voulez exploiter un atelier de fabrication numérique (fab lab) dans l’un de vos cours? Je vous propose ici un modèle pour que le processus de création ou de fabrication porte fruits!
En janvier-février 2019, la Vitrine technologie-éducation a présenté le laboratoire : Les ateliers de fabrication numérique. Ce laboratoire, présenté en 3 étapes, nous aura permis de visiter 3 aspects particuliers de l’exploitation des fab labs:
- La 1re étape a mis en évidence les principaux concepts associés au mouvement maker et permis de présenter quelques acteurs centraux du réseau des fab labs.
- La 2e étape s’est penchée sur les différentes approches pour mettre en place un tel laboratoire dans un contexte scolaire, par le biais du partage de collaborateurs qui ont déjà expérimenté ce processus.
- Les experts invités à la 3e étape avaient pour mission de réfléchir sur le potentiel pédagogique de ces ateliers dans un contexte scolaire. C’est de ce volet dont il sera question dans ce texte. J’ai également rédigé dans Profweb un texte pour guider les membres du réseau collégial qui voudrait créer un atelier de fabrication numérique dans leur établissement.
Mettre l’accent sur le processus
La 3e étape du laboratoire Les ateliers de fabrication numérique nous aura permis de constater que l’accès à un fab lab offre une opportunité pour les étudiants de développer à la fois des compétences disciplinaires et un ensemble de compétences transversales.
De même, les présentations faites au cours du laboratoire m’ont permis de confirmer que les fameux projets de maquettes ou de fabrication de cabanes à moineaux n’ont de valeur que s’ils sont réalisés à travers un processus. C’est à travers ce processus que les étudiants seront amenés à manipuler les concepts disciplinaires et à prendre conscience des compétences requises pour articuler un projet, pour, éventuellement, les maîtriser.
Naturellement, ce n’est parce que vous proposez un super projet à vos étudiants qu’ils seront nécessairement heureux de le réaliser. Ça exige quand même un travail de conviction. Mais laissons de côté les concepts de motivation et d’engagement pour nous intéresser aux différents éléments qui devraient composer le processus de conception ou de fabrication.
Mon expérience au secondaire, au Baccalauréat international
Durant ma carrière d’enseignement au secondaire, j’ai travaillé dans un établissement scolaire qui offre le programme du Baccalauréat international (BI). Ce programme valorise l’évaluation des compétences disciplinaires des élèves par la réalisation de tâches et de projets interdisciplinaires. La consécration des études au BI passe par l’accomplissement d’un projet personnel intégrateur dans le cadre duquel l’étudiant doit mobiliser un ensemble de compétences. Ce programme me parlait clairement, car il réfère à une démarche créative que j’ai expérimentée lors de mes études. C’est ainsi que, d’itération en itération, j’en suis venu à peaufiner une démarche qui permettait aux étudiants de développer leur créativité. Je vous suggère la lecture du récit que Mylène Robitaille et Martin Lepage, du Collège Laflèche, ont écrit au sujet de leur projet conception du système d’éclairage d’un parc public. Ce projet correspond exactement au modèle de projet interdisciplinaire dont je vous parle.
Une structure de base, à adapter
« Cycle de la conception », « pensée design », « démarche de recherche », « CDIO »: peu importe le nom donné au modèle, on y retrouve essentiellement les mêmes composantes. Ce modèle offre une structure de base aux enseignants qui souhaitent mettre en oeuvre un projet de classe dans un fab lab. Évidemment, le contexte de réalisation sera différent selon l’ordre d’enseignement, les disciplines, les établissements… La méthode universelle n’existe pas. L’enseignant peut développer sa structure de base, tout en étant flexible et en acceptant que le scénario pédagogique soit en amélioration continue.
Évaluer le processus plutôt que le produit
C’est dans une vision similaire que l’École polytechnique de Montréal a créé la Chaire d’apprentissage par projets dirigée par Daniel Spooner. Inspirée du modèle CDIO (Conceive, Design, Implement, Operate), la nouvelle approche de l’École polytechnique requiert de la part des étudiants en ingénierie la réalisation d’un projet intégrateur chaque année. Cela a pour but de leur permettre d’explorer une démarche qui accepte les essais et les erreurs, sans crainte de sanctions sur les résultats. Dans ce contexte, le produit final n’est pas l’objet de l’évaluation. On s’intéresse avant tout au processus, qui est consigné dans un journal de bord dans lequel les étudiants relatent les différentes étapes du projet au moyen de commentaires, de photos et de documents pertinents. Il va sans dire que les outils infonuagiques et les réseaux sociaux sont des ressources de première classe.
L’approche est appréciée au point tel que le département des sciences de l’éducation et le PolyFab (le fab lab de l’École polytechnique) développe présentement un projet dans lequel les futurs enseignants intégreront l’exploitation des ressources d’un fab lab à leur formation.
La pédagogie maker
Le modèle développé au PolyFab trouve un écho au Milieux Institute for Arts, Culture and Technology de l’Université Concordia. Ann-Louise Davidson, du Milieux Institute, a participé au laboratoire que j’animais pour la Vitrine technologie-éducation. Elle soulignait, dans sa présentation, l’importance de se questionner sur le sens du concept de pédagogie maker, pour lequel aucune traduction ne semble rendre justice. La pédagogie maker, à l’ère de la 4e révolution industrielle, doit relever le défi d’offrir aux étudiants une formation qui les outillera pour faire face aux enjeux à venir.
Ann-Louise Davidson a invité les participants du laboratoire d’ailleurs à réfléchir sur la pédagogie maker à partir d’un modèle qu’elle a proposé. Ce modèle, fondé sur l’approche de l’intuition socratique, oriente le travail d’apprentissage par une série de réflexions liées à la démarche de la résolution de problème.
SMEAC : pour s’assurer de posséder toutes les informations
Les différentes approches proposées durant la 3e étape du laboratoire m’ont confirmé que mes expériences au BI étaient valides et s’inscrivaient dans le cadre d’une pédagogie maker. À mon avis, il s’agit d’un modèle solide, que je vous présente en toute confiance.
Ce modèle, que j’exploite encore aujourd’hui pour développer un projet, provient de l’époque où j’ai participé à un camp d’été en leadership avec les cadets de l’air. SMEAC est l’acronyme que nous utilisions pour s’assurer de détenir toutes les informations nécessaires à l’accomplissement d’une « mission »… (C’était les cadets après tout !) C’est à travers ces 5 petites lettres qu’on s’assure de trouver toutes les informations nécessaires à la réalisation d’un processus de création.
Situation
Présentation du contexte dans lequel la situation se déroule.
À la fin de cette présentation :
- On relève la problématique.
- On identifie le besoin à combler.
- On pose une question.
Mission
Après une recherche documentaire préliminaire, l’étudiant énonce une première version du but de sa mission. Au gré des découvertes de nouvelles connaissances et des changements des circonstances, le but sera précisé.
Exécution
L’étudiant :
- identifie les objectifs à réaliser pour atteindre le but
- élabore la liste des tâches à accomplir
- effectue des recherches
- recherche documentaire (contexte et produits existants)
- recherche créative (développement de concepts originaux)
- planifie des échéanciers (qui, quoi, quand)
- planifie la fabrication
Administration et logistique
L’étudiant identifie les dates importantes et les ressources nécessaires.
Communication
L’étudiant présente la solution qu’il a trouvée, le produit qu’il a créé.
Et vous? Quelle méthode proposez-vous à vos étudiants quand ils doivent réaliser des projets de conception et de fabrication?