Zotero : comment séduire en méthodologie?
Ce texte a été rédigé avec la complicité de Philippe Lavigueur, spécialiste en moyens et techniques d’enseignement, Collège Montmorency.
J’avais déjà entendu parler de Zotero, sans trop y porter d’attention. Aveuglement volontaire? Méfiance technologique? Manque de temps? Probablement un peu de tout ça. Pourtant, après avoir utilisé ce logiciel, on ne peut qu’en venir à la conclusion qu’il s’agit d’un outil formidable pour faire de la recherche et se documenter, que l’on soit étudiant ou enseignant.
Zotero est un excellent outil de gestion bibliographique
J’enseigne l’utilisation de Zotero depuis quelques sessions déjà, notamment à l’intérieur des cours d’Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines et de Démarche d’intégration en sciences humaines. Il s’agit d’un excellent outil de gestion bibliographique.
Règle générale, les commentaires des étudiants sont plutôt positifs. Ceux-ci ont l’impression de gagner du temps ou de ne pas en perdre! En effet, les étudiants ne semblent pas particulièrement friands de méthodologie, terme entendu ici au sens restreint de règles de présentation matérielle. Celles qui concernent les notes de bas de page et la bibliographie sont sans doute les plus fastidieuses. Zotero vient donc séduire les étudiants en leur proposant de gérer ces règles pour eux. S’ils apprécient déjà l’utilité du logiciel au collégial, ils en voient pleinement le potentiel à l’université où les travaux de recherche sont plus exigeants.
Bien sûr, ce ne sont pas tous les étudiants qui adoptent le logiciel sans difficulté. Comme n’importe quel outil, Zotero nécessite un certain apprentissage. Bien que celui-ci ne soit pas très complexe, il faut admettre que les étudiants ne disposent pas tous du même niveau d’aisance avec les outils informatiques. Lorsque j’ai débuté l’enseignement de logiciel, il ne m’était pas rare de recevoir des courriels à propos de son installation et de son fonctionnement. Depuis, j’ai réglé presque tous les problèmes en produisant une série de tutoriels vidéo sur mon site web. De cette manière, les étudiants peuvent progresser à leur rythme et retrouver la marche à suivre en tout temps, en cas de pépin. Par ailleurs, il importe de rappeler que le personnel professionnel et technique de certaines bibliothèques collégiales est aussi en mesure d’offrir un soutien ponctuel aux étudiants dans l’utilisation du logiciel.
Depuis que j’enseigne l’utilisation de Zotero, la qualité des notes et des bibliographies s’est grandement améliorée. Aussi bien dire qu’elle n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était auparavant. Tout n’est pas parfait pour autant! La principale erreur de la part des étudiants consiste à ajouter les sources automatiquement, sans vérifier et valider les informations récupérées par Zotero. De là l’importance de rappeler aux étudiants qu’un tel logiciel ne dispense pas de penser. S’il est maladroit de s’en remettre entièrement à Antidote, il l’est tout autant de se fier uniquement à Zotero. Pour produire des notes et une bibliographie, Zotero ne fait que mettre en forme les données qui lui ont été fournies manuellement par l’utilisateur ou automatiquement via le web ou un code. S’il y a une erreur dans les données, Zotero la reproduira nécessairement. De là, la nécessité de toujours vérifier les informations récupérées. Beau lien à établir avec la première partie du Profil TIC!
Le principal commentaire négatif reçu de la part des étudiants est le suivant : « Comment se fait-il que l’on ne m’ait pas enseigné cet outil auparavant ? » Même si ce commentaire survient principalement dans mes cours de Démarche d’intégration en sciences humaines (cours suivi à la dernière session), il m’est également arrivé de le recevoir dans mes cours d’Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines (cours suivi à la 3e session) de la part d’étudiants plus rigoureux que la moyenne.
Je ne peux que faire mienne cette critique exposée par les étudiants. Dans un monde idéal, un tel outil devrait être présenté au tout début de ce qui constitue leur entrée aux études supérieures, soit en première session. Malheureusement, pour toutes sortes de contraintes, notamment temporelles, il m’apparaît difficile pour un cours disciplinaire de porter cet enseignement qui par essence touche toutes les disciplines.
L’idéal serait sans doute que les cégeps incluent une formation TIC en première session. Cela permettrait de présenter Zotero plus rapidement, mais aussi d’initier les étudiants aux bases des différents logiciels qu’ils seront amenés à utiliser au cours de leurs études. Ainsi, les étudiants pourraient également plus facilement réinvestir leur apprentissage de cet outil dans d’autres cours. De même, cela permettrait de véritablement axer le cours d’Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines sur le terrain et l’analyse. D’ici-là, l’enseignement à l’intérieur du cours Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines m’apparait être le mieux que l’on puisse faire.
Quelques recommandations
Je m’en voudrais de ne pas conclure sur quelques recommandations à l’égard de ceux qui souhaiteraient tenter l’expérience Zotero. D’abord, cet outil de gestion bibliographique existe en deux versions : une qui s’installe directement dans le fureteur Firefox et une autre autonome. La version pour Firefox est la plus simple, la plus achevée, mais aussi la plus stable. Elle a également l’avantage d’avoir exactement la même interface sous Windows, Mac ou Linux. Cela facilite grandement le support fourni aux étudiants.
Avant d’enseigner l’utilisation du logiciel, il importe de s’assurer que toutes les composantes soient bien installées. La base du logiciel s’installe dans Firefox, mais il faut ajouter un greffon pour pouvoir aisément produire les notes et la bibliographie dans Word ou Writer de LibreOffice. Enfin, il est également préférable d’avoir le style souhaité déjà installé sur les ordinateurs. À ce sujet, les styles Pour réussir (inspiré du guide de Bernard Dionne) et APA (American Psychological Association) sont ceux qui correspondent le plus à ce qui est exigé au sein de la communauté collégiale.
Outre les considérations relatives à l’installation, certains chercheurs – dont l’auteur de ces lignes – ont une préférence pour l’utilisation de ce que Zotero nomme la « fenêtre classique ». Celle-ci correspond à la fenêtre d’insertion de citation qui s’affiche lorsque l’on appuie sur le bouton correspondant dans le logiciel de traitement de texte. Bien que cette « fenêtre classique » soit moins esthétique, elle est surtout plus intuitive. Voici à quoi ressemblent la « fenêtre par défaut » et la « fenêtre classique ».
Fenêtre par défaut
Fenêtre classique
Dans un contexte pédagogique il me parait préférable d’activer cette « fenêtre classique ». Pour ce faire, il suffit d’ouvrir Zotero, de cliquer sur l’engrenage, de sélectionner « préférences », de choisir l’onglet « citer », puis de cocher l’option « Utiliser la fenêtre classique d’ajout de citation ».
Vous avez des questions sur l’installation, la configuration et l’utilisation de Zotero, je vous invite à visiter ma page pour trouver des tutoriels sur ce logiciel. Certaines bibliothèques collégiales offrent également une page d’aide sur ce logiciel, par exemple la bibliothèque du Cégep Limoilou et la bibliothèque du Collège Montmorency
Démonstration enthousiaste et convainquante. Je fais suivre l’information aux enseignants de notre programme de sc. hum. au Cégep de Granby
Comme l’indique Daniel, votre récit est à la fois inspirant et convaincant. Le recours à Zotéro comme outil de gestion des références bibliographiques rejoint effectivement l’objectif 1.4 du Profil TIC des étudiants du collégial (Organiser les documents conservés) et plus spécifiquement la tâche 1.4.2 Conserver les références médiagraphiques. Il permet également de soutenir la tâche 3.2.5 Citer ses sources conformément aux normes exigées. Lien vers le Profil : http://www.reptic.qc.ca/wp-content/uploads/2014/09/encart-profil-TIC.pdf. Merci encore !
En passant, des ethnographes de Concordia ont conçu un outil d’annotation des médias par-dessus Zotero.
http://digitalhistory.concordia.ca/vertov/fr/
Et parlant de compétences en lien aux bibliographies…
Jen Mitchell (Vanier) décrivait une activité d’équipe effectuée à l’aide d’un tableau blanc interactif. Chaque membre de l’équipe apporte des références et l’équipe doit construire une bibliographie commune. Pour ceux qui connaissent la difficulté d’enseigner la méthodologie, l’idée paraît vraiment ingénieuse. Pour les autres (y compris certains profs de techniques), ça peut sembler un peu étrange. D’où l’intérêt de décrire ces compétences du 21è siècle dans un large contexte.
Un avantage notoire de Zotero (par rapport à Mendeley ou RefWorks, par exemple), c’est de faciliter la collecte de données bibliographiques. Par exemple, en utilisant Zotero dans Firefox, on peut télécharger beaucoup de données depuis Google Scholar. Un danger, par contre, c’est que Google impose des limites et peut assez facilement bloquer l’accès à son service si l’utilisation est considérée abusive. C’est pourtant très pratique de pouvoir ratisser très largement et procéder par élimination progressive des ressources moins pertinentes tout en complétant les données manquantes. Il y a un bel exercice à faire dans tout ça, mais même les étudiants à la maîtrise ont de la difficulté à comprendre l’importance des étapes successives.