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2 février 2024

L’apprentissage en milieu de travail intégré à un programme offert en formule comodale

Depuis 2021, au Cégep de la Gaspésie et des Îles, le programme de Techniques d’intervention en criminologie intègre l’apprentissage en milieu de travail (AMT). L’expérience de nos collègues nous a donné envie de faire de même dans notre programme, Techniques juridiques. Cependant, nous avons un défi supplémentaire: notre programme est offert en formule comodale et hybride.

En 2021, nous avons publié un récit pour présenter la formule hybride que nous mettons en œuvre dans notre programme. En résumé, certaines activités sont vécues de façon synchrone, d’autres de façon asynchrone. Pour les activités synchrones, les élèves ont le choix de suivre les cours en présence (à Carleton-sur-Mer) ou à distance, n’importe où au Québec.

Depuis le début, nous avons le souci que les activités d’apprentissage que nous proposons aux élèves soient aussi authentiques et professionnalisantes que possible. Nous avons d’ailleurs écrit un autre récit au sujet de nos pratiques en ce sens. En intégrant à présent formellement l’AMT à notre programme, nous relevons la barre encore davantage!

Adaptation de l’AMT à notre contexte d’enseignement

Pour nous soutenir dans l’implantation de l’AMT en Techniques juridiques, nous avons bénéficié de la mesure budgétaire S046 – Financement des projets visant à accroître les apprentissages en milieu de travail du ministère de l’Enseignement supérieur. Cela nous a permis d’adapter l’AMT à notre réalité comodale.

La pandémie a légèrement retardé notre projet. Nous avons inauguré notre formule d’AMT à l’automne 2023 avec les élèves de 1re session.

Notre collègue Ann-Chloé Boudreau, aujourd’hui en congé de maternité, a été libérée d’une partie de sa tâche d’enseignement pour mener ce dossier à bien.

Nous avons révisé chaque compétence du programme pour cibler ce qui pouvait être fait en milieu de travail.

Ensuite, Ann-Chloé a fait des approches partout au Québec afin de trouver des contacts pour nos élèves à distance. Ann-Chloé a ciblé des milieux dans chaque région et a approché différents organismes gouvernementaux. Le ministère de la Justice a été d’une grande aide, en acceptant un partenariat pour nous aider à cibler les personnes-ressources dans les milieux dont il est responsable.

Les milieux contactés par Ann-Chloé ont montré une grande ouverture. Avec la pénurie de personnel, l’alliance entre nos élèves et de futurs employeurs est gagnant-gagnant. Nos élèves vivent des expériences formatrices enrichissantes et authentiques, tandis que les milieux de travail se font connaître et augmentent leur chance d’attirer nos élèves quand ils et elles seront finissants et finissantes.

Il est certain que le fait que notre programme soit offert en partie à distance a compliqué un peu les choses. Par exemple, dans un programme de Techniques d’éducation à l’enfance offert en présence, une enseignante peut accompagner un groupe complet dans un centre de la petite enfance pour une journée. Nous, pour que nos élèves visitent un milieu de travail physiquement, nous devons y aller «à la pièce», ce qui demande davantage d’efforts de coordination.

L’exemple du cours d’analyse de la fonction de travail Système de justice et profession

Au début de la session, Marion a amené les élèves qui habitent à proximité du Campus de Carleton faire la visite guidée du palais de justice le plus proche. Ceux et celles qui ne pouvaient pas se déplacer ont eu la possibilité de faire une visite «autoguidée» d’un palais de justice de leur région.

Marion et ses élèves au palais de justice de New Carlisle

Tout au long de la session, lors de visioconférences de 15 à 20 minutes, plusieurs intervenants et intervenantes issus de milieux de travail variés (organismes gouvernementaux, cabinets d’avocats, bureaux de notaires, services des affaires juridiques de grandes institutions, etc.) ont rencontré les groupes d’élèves pour présenter succinctement leurs tâches et leurs milieux.

Dans ce cours, le projet final implique que chaque élève identifie un milieu de travail qui l’intéresse et fasse une entrevue avec un technicien ou une technicienne juridique qui y travaille. L’élève produit un rapport écrit et fait une présentation en classe qui sont évalués.

Le milieu de travail entre en classe

Pour l’AMT, nous faisons appel à plusieurs intervenants et intervenantes qui rencontrent nos élèves en visioconférence (ou sur le campus, mais avec une partie du groupe en téléenseignement). L’idée est qu’en plus de faire de l’apprentissage dans un milieu de travail réel, on peut faire en sorte que le milieu vienne à nous, en classe. Il faut dire qu’en Techniques juridiques, les tâches ne nécessitent pas d’équipements spécialisés. N’importe quel local peut être un milieu de travail!

Dans le cours de 1re session de Josianne (Interprétation de textes législatifs) et dans d’autres cours dans lesquels nous avons testé l’implantation de l’ATM, des professionnels et professionnelles du droit sont venus soumettre un dossier aux élèves (un dossier fictif, mais souvent basé sur un dossier réel en modifiant les informations confidentielles). Les élèves avaient 1 semaine pour y travailler. Puis, le professionnel ou la professionnelle revenait en classe écouter les recommandations et conclusions des élèves.

Les personnes invitées trouvent l’expérience très stimulante et enrichissante. Un invité a dit à Marion qu’il était impressionné par la qualité du travail des élèves. Il a expliqué que certaines informations trouvées par les élèves au cours de leurs recherches lui seront réellement utiles dans le dossier qu’il leur avait présenté. Pour les personnes invitées, ces échanges avec les élèves sont assurément enrichissants. Cela donne lieu à de bonnes tempêtes d’idées, des questions et des réflexions qui peuvent être enrichissantes comme le sont des discussions avec des collègues. Par ailleurs, le temps investi par les personnes invitées pour leurs interventions peut être reconnu parmi les heures de formation continue que leur ordre professionnel leur impose.

L’un des avantages de faire venir des professionnels et professionnelles en classe est que cela limite les risques de conflits d’intérêts auxquels notre domaine est évidemment très sensible. En effet (surtout en région, où les cabinets sont peu nombreux), si un élève devait se déplacer dans plusieurs cabinets d’avocats différents pendant la même session, il risquerait de travailler par hasard pour les 2 parties dans un même dossier, ce qui n’est pas acceptable.

Un autre avantage d’inviter un professionnel ou une professionnelle en classe est qu’on sait que tous les élèves étudient la même mise en situation et font donc des apprentissages équivalents. Quand les élèves vont sur le terrain, il faut bien se coordonner avec les intervenants et intervenantes du milieu afin de s’assurer que tous les étudiants et toutes les étudiantes vivent des expériences suffisamment cohérentes avec les objectifs d’apprentissage, mais cela s’est très bien déroulé pour nous pour le moment.

Nous profitons aussi des audiences virtuelles qui se déroulent devant les tribunaux. Tous nos élèves peuvent y assister en même temps. Il s’agit de sélectionner des cas intéressants!

Implication des disciplines contributives

Même les disciplines contributives de notre programme participent à notre projet d’AMT. Dans le cours Informatique du domaine juridique, un spécialiste de la cybersécurité a été invité.

À l’hiver 2023, pendant quelques expérimentations préparatoires pour l’implantation officielle de l’AMT dans notre programme, Marion a interpellé une professionnelle spécialisée en droit de l’environnement pour préparer un dossier à ce sujet en anglais, en collaboration avec l’enseignant d’anglais responsable du cours Anglais du domaine juridique. La professionnelle est venue dans le cours de Marion et a présenté le dossier comme si c’était celui d’un client anglophone. Des initiatives de ce genre permettent de renforcer l’approche programme pour le bénéfice des élèves!

Nous avons aussi fait des expérimentations en vue de l’implantation de l’AMT dans un autre cours de 3e année. Nos élèves sont allés au palais de justice le plus près de chez eux. Grâce à notre partenariat avec le ministère de la Justice, ils et elles ont pu collaborer avec le greffier ou la greffière pour effectuer le processus de suivi d’un dossier réel.

Cela peut être un peu plus compliqué en région que dans les grands centres. En région, les audiences sont moins nombreuses. Si la journée ciblée coïncide, par exemple, avec un seul procès qui est à huis clos, il faut reporter l’activité. N’empêche: le jeu en vaut largement la chandelle!

Une approche motivante pour les élèves… et les enseignantes!

Toutes ces nouvelles activités (et une foule d’autres à venir!) s’ajoutent aux 2 stages qui existaient déjà dans notre programme (60 h à la 4e session et 390 h à la 6e session).

L’AMT suscite un vif intérêt chez nos élèves. Par exemple, il est arrivé que Marion invite des professionnels et professionnelles du droit en classe et leur fournisse un dossier à présenter aux élèves comme s’il s’agissait d’un cas réel. Pourtant, cela suffisait pour que la qualité des travaux soit meilleure que si Marion avait elle-même présenté le travail aux élèves comme n’importe quel autre travail «scolaire». L’AMT rend les notions plus concrètes et c’est très motivant pour les élèves.

L’AMT nous permet aussi d’éclater les murs de la classe. L’apprentissage sort d’un cadre rigide. Les élèves peuvent dorénavant avoir une vision plus globale et plus réaliste de leur future profession.

Pour nous, comme enseignantes, l’AMT est stimulant. Toutefois, il est certain que l’approche nous impose une charge de travail supplémentaire. Pour le moment, la libération d’Ann-Chloé d’une partie de sa tâche d’enseignement nous aide beaucoup. C’est essentiel entre autres pour réaliser le travail de défrichage lié à l’implantation de l’AMT. Toutefois, quand l’AMT sera implanté dans toutes les sessions du programme, il n’y aura plus de libération d’enseignement accordée pour le recrutement de nouveaux collaborateurs et de nouvelles collaboratrices en milieu de travail. Chaque enseignante et chaque enseignant devra s’en charger. Nous sommes toutefois convaincues que les efforts en valent la peine: c’est l’engagement des élèves et la qualité de leurs apprentissages qui y gagnent!

À propos des auteures

Josianne Landry Allard

Enseignante au département des Techniques auxiliaires de la justice au Campus de Carleton-sur-Mer du Cégep de la Gaspésie-les-Îles depuis 2011, elle a œuvré à l’élaboration complète et à l’implantation du programme Techniques juridiques offert depuis août 2019. Détentrice d’un DEC en techniques juridiques, d’un certificat en psychoéducation, d’un baccalauréat en droit et ayant complété avec succès la formation professionnelle du Barreau du Québec, elle a fait le choix de l’enseignement pour partager sa passion du droit!

Marion Frappier-Routhier

Elle est enseignante et coordonnatrice dans le département des Techniques auxiliaires de la Justice au campus de Carleton-sur-Mer du Cégep de la Gaspésie et des Îles depuis 2008. Elle a œuvré à l’élaboration et à l’implantation du programme Techniques juridiques qui est offert en présence ou à distance et mode hybride. Elle est détentrice d’un baccalauréat en Droit de l’Université de Montréal et elle a suivi avec succès la formation professionnelle des avocats de l’École du Barreau du Québec. Elle est également détentrice d’un DESS en Santé mentale. Passionnée de la pédagogie, elle poursuit des études dans le microprogramme de 3e cycle en pédagogie de l’enseignement supérieur à l’Université de Sherbrooke. À l’écoute de ses étudiants, elle s’intéresse à la motivation scolaire et aux dispositifs hybrides.

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