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3 juin 2020

Passage d’urgence à l’enseignement à distance — Témoignage d’un enseignant de langues modernes

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

En mai 2020, Patricia Lapointe, conseillère pédagogique au Cégep Limoilou, a interviewé (à distance!) 2 enseignants de son collège au sujet de leur expérience des adaptations qui ont dû être apportées en urgence à leurs cours dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Vous trouverez ici le témoignage d’Andy Van Drom, enseignant de langues modernes. (Andy est aussi éditeur pour Profweb.) Consultez également dans un autre récit le témoignage de Geneviève Gagnon (mathématiques).

Quelle réflexion didactique vous a conduit vers les choix de stratégies pédagogiques que vous avez faits?

J’ai privilégié l’accessibilité, la flexibilité et la diversité des contenus et des ressources, afin de créer une expérience d’apprentissage favorisant la réussite de tous mes étudiants, peu importe leur situation personnelle.

Cela a fait en sorte que j’ai opté pour une approche asynchrone sur Moodle, permettant aux étudiants d’accéder aux contenus selon l’horaire qui leur convient.

Afin d’aider les étudiants à planifier leur temps d’étude, j’ai créé des modules de contenu hebdomadaires, divisés en 3 sections (chacune correspondant à une heure de cours et ses heures de travail personnel associées). Il s’agit toutefois d’une structure pour guider les étudiants; sauf pour l’évaluation finale, les dates de complétion et de remise sont flexibles.

Les contenus offerts prennent différentes formes :

  • courtes lectures
  • vidéos interactives
  • exercices d’apprentissage actif
  • forums
  • wiki
  • etc.

Chaque section comprend des activités en plusieurs formats (qui s’entrecoupent) pour permettre aux étudiants d’accéder aux informations selon les modes qui leur sont accessibles, mais aussi pour favoriser leur attention et motivation.

De nombreux jeux et quiz informels et formatifs me permettent d’ailleurs de fournir une rétroaction fréquente, ce qui agit aussi sur la motivation et la persévérance.

En complément à la formule asynchrone, j’offre des séances de questions-réponses et d’échanges en mode synchrone via Zoom. J’offre ces rencontres virtuelles optionnelles à plusieurs moments durant la semaine : non seulement pendant les heures de cours initialement prévues, mais aussi à des plages horaires diversifiées (dont le soir). Pour ces rencontres, j’ai programmé un rappel dans le calendrier Omnivox, avec une liste de sujets suggérés.

Selon mes observations du travail fait sur Moodle, j’envoie aussi des invitations personnalisées à certains étudiants pour qu’ils puissent obtenir des explications au sujet de la matière qui semble moins bien comprise.

Bien sûr, je suis également disponible via MIO.

À chaque début de semaine, j’envoie un message (en format texte ou vidéo, j’alterne) qui fait, bien entendu, le point sur les contenus pédagogiques, mais qui établit, avant tout, aussi un contact humain visant à encourager mes étudiants.

Comment choisissez-vous les bons outils technopédagogiques pour arriver à vos fins?

Dans un premier temps, je me suis questionné sur les limitations propres à ce contexte inhabituel et celles découlant de la situation particulière de mes étudiants. Étant donné que nous avons dû passer sans transition d’un enseignement en présence à un enseignement à distance et ce, pour tous les cours, j’ai choisi tout d’abord de m’en tenir à une seule plateforme. Ainsi, j’ai voulu limiter non seulement la courbe d’apprentissage pour mes étudiants, mais aussi les possibles problèmes techniques, étant donné qu’il me serait impossible d’aider les étudiants en personne à s’approprier différents outils, comme je le fais d’habitude en classe et en laboratoire.

Dans un deuxième temps, je me suis également assuré que tous mes étudiants avaient un accès minimal à internet (téléphone cellulaire ou portable), ce qui était le cas.

J’ai choisi la plateforme Moodle pour distribuer les contenus et les activités d’apprentissage étant donné que les étudiants en langues l’avaient déjà utilisée dans plusieurs cours de leur programme et qu’ils peuvent y accéder en utilisant les nom d’utilisateur et mot de passe habituels.

Étant donné qu’il s’agit d’un environnement numérique d’apprentissage, Moodle me permet, au sein d’un même espace, d’offrir des contenus et des activités de plusieurs types. Pour choisir le type d’activité, je me questionne sur l’élément de la compétence à travailler et ce que je veux que les étudiants développent ou démontrent par rapport à cet élément.

L’activité ou l’outil n’étant qu’un simple moyen pour faire apprendre, je m’assure toujours de le choisir en fonction du contenu, et non l’inverse (essayer d’adapter mon contenu pour qu’il fonctionne avec un outil choisi au préalable).

Pour les séances de vidéoconférence, j’ai choisi Zoom (en prenant les précautions de sécurité nécessaires), car les étudiants n’ont qu’à cliquer sur le lien que je diffuse sur Moodle (pas de logiciel à télécharger, pas de compte à créer).

Quelles sont les réactions de vos étudiants envers ces moyens?

J’ai été très agréablement surpris; j’ai reçu plusieurs réactions positives spontanées de mes étudiants.

Ils ont de bons commentaires surtout à l’égard de la navigation et de l’utilisation intuitive.

Ils aiment beaucoup les vidéos interactives—des capsules d’environ une dizaine de minutes, dans lesquelles j’insère des questions et des commentaires. Le visionnement est interrompu et l’étudiant doit répondre à la question pour poursuivre. Mes étudiants m’ont dit que cela les aide non seulement à s’assurer de la bonne compréhension des concepts, mais aussi à rester attentifs.

Aussi, ils aiment également le fait que je leur propose des activités collaboratives qui peuvent se faire même à distance, de façon asynchrone—ils ne pensaient pas que ce serait possible. En faisant une utilisation créative des modules « forum » et « wiki » de Moodle, j’ai construit plusieurs activités qui visent la coconstruction des savoirs.

Finalement, ils apprécient le fait que pour plusieurs travaux, je leur permets de remettre un texte tapé à l’ordinateur, une photo d’un texte manuscrit, ou encore une explication audio ou vidéo. Moodle facilite la remise de différents types de documents; il est notamment possible de s’enregistrer à même la plateforme.

Quel est votre coup de cœur d’application ou de plateforme numérique que vous souhaiteriez partager?

J’aime beaucoup la plateforme H5P, qui s’intègre entre autres dans Moodle, et qui permet de créer des activités d’apprentissage ludiques et variées :

  • vidéos interactives
  • jeux
  • mots-croisés
  • cartes éclair
  • etc.

C’est facile à programmer pour créer des micro-apprentissages engageants pour les étudiants.

Note de l’éditrice

Pour en savoir plus sur H5P, lisez un texte paru dans Profweb à propos de cet outil.

Quel conseil donneriez-vous aux enseignants qui s’initient présentement aux outils numériques?

En ce qui concerne les outils technopédagogiques, les étudiants en sont souvent à leurs premières expériences, tout comme leurs enseignants. La panoplie de plateformes et d’outils disponibles fait en sorte qu’il soit fort probable qu’ils n’aient pas encore utilisé le moyen qu’on leur propose (à moins de s’en tenir à certains « incontournables » comme Kahoot).

Visez donc la qualité avant la quantité et ne vous mettez pas de pression à vous approprier rapidement toute une gamme d’outils, car vous ferez monter non seulement votre propre niveau de stress, mais aussi celui de vos étudiants.

Privilégiez la simplicité et n’hésitez pas à demander conseil à vos collègues.

Comment relevez-vous le défi de l’enseignement à distance dans votre réalité professionnelle (sans laboratoires, ni matériel)?

Le laboratoire de langues est avant tout un moyen efficace pour faire travailler les étudiants à leur propre rythme dans un contexte de classe, en proposant une série d’activités qu’ils peuvent personnaliser, tout en permettant à l’enseignant de donner des rétroactions personnalisées. Étant donné que les étudiants travaillent maintenant de chez eux, au moment qui leur convient, il est facile d’obtenir le même niveau de personnalisation, voire plus. Le défi consiste surtout à penser des activités pour lesquelles les étudiants peuvent recevoir une rétroaction immédiate automatisée, ou encore de brèves activités qui me permettent de fournir une rétroaction formative rapide.

Le fait que le cours se déroule en mode asynchrone, ce qui réduit mon temps d’enseignement et fait en sorte que je ne reçois pas toutes les activités en même temps, me permet de faire cela.

J’inclus également des étapes de rétroaction par les pairs, ce qui a également l’avantage de bonifier l’aspect interactif. Dans le cas d’un cours de langues, c’est avant tout l’aspect humain qui ne se transpose pas toujours aussi facilement au format à distance, mais avec les activités que j’ai décrites dans les autres sections (forums, wiki, échanges sur Zoom, …) on y arrive!

Comment relevez-vous ce défi de conciliation télétravail/vie privée dans votre réalité personnelle?

Pour ma part, il s’agit avant tout de maintenir une saine routine de travail, en délimitant bien mon espace de travail (bureau) des espaces personnels dans la maison.

Ayant opté pour la formule asynchrone, j’ai d’abord investi mon temps à élaborer le cours en ligne. Maintenant que c’est chose faite, je peux donc consacrer mes heures de cours et de bureau aux rétroactions et à l’accompagnement de mes étudiants (via Zoom et MIO).

À propos des auteurs

Andy Van Drom

Andy Van Drom enseigne l’anglais, langue seconde et la linguistique depuis 2005, d’abord à l’Université Laval, puis, depuis 2012, au Cégep Limoilou. Après avoir terminé des études doctorales en linguistique, il a complété une 2e maîtrise, en enseignement supérieur au collégial (Performa, Université de Sherbrooke). Dans le but de soutenir les pratiques d’enseignement inclusives et de favoriser la réussite étudiante, il s’intéresse au rôle de l’état d’esprit langagier dans la motivation à apprendre. Andy a publié 4 manuels chez Pearson ERPI et a développé plusieurs ressources éducatives libres en format numérique. Son grand intérêt pour la pédagogie l’a d’ailleurs mené à travailler avec Profweb (désormais Éductive) en 2017 et avec l’AQPC en 2021, 2 mandats qui se poursuivent. Son désir continu d’innover en pédagogie lui a valu la Mention d’honneur de l’AQPC, le Prix du personnel engagé de Forces Avenir et le prix EF Excellence Award in Language Teaching.

Patricia Lapointe

Patricia Lapointe est conseillère pédagogique au Cégep Limoilou depuis 2002. Elle est responsable du dossier de la réussite et du Bulletin pédagogique de l’établissement. Ce bulletin, rédigé à l’intention du personnel enseignant, parait tous les mois et propose, entre autres, des références issues d’une veille informationnelle portant sur la pédagogie en enseignement supérieur.

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