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17 novembre 2021

La réalité virtuelle transforme des laboratoires de biologie

Mise à jour – Février 2023

Les ressources pour le visionnement et l’annotation de modèles en 3D et en réalité virtuelle développées dans le cadre de ce projet sont maintenant accessibles en ligne sans frais! Un guide d’utilisation [PDF] est également disponible.
Explorez les ressources et utilisez-les avec vos élèves!

La réalité virtuelle et l’imagerie 3D peuvent-elles à la fois bonifier l’enseignement de l’anatomie et de la physiologie humaines en laboratoire et rendre un cours plus inclusif? Oui, et plus encore! Une réflexion sur ces technologies peut mener à une transformation des pratiques enseignantes!

Le pour et le contre des dissections animales en laboratoire d’anatomie humaine

Les dissections d’animaux sont des classiques dans les laboratoires d’anatomie. Pour aider les étudiants à comprendre les différents systèmes ou structures du corps humain, on leur fait disséquer un rat entier, un cœur de bœuf, etc.
Ces dissections ont une valeur pédagogique, tout comme l’observation de spécimens formolés d’animaux. Toutefois, ces deux pratiques comportent aussi des inconvénients:

  • Les systèmes et organes étudiés ne sont pas ceux d’êtres humains.
    • L’étudiant qui mémorise l’anatomie d’un autre animal devra modifier ses apprentissages quand il progressera en anatomie et physiologie humaines à l’université.
    • De plus, les cours de physiologie que nous donnons en Sciences de la nature et Sciences, lettres et arts visent à bien préparer les étudiants qui se destinent aux sciences de la santé à l’université. Ceux-ci sont vraiment plus allumés quand on leur parle de l’humain.
  • Ces pratiques s’opposent aux valeurs de certaines personnes.
    • Il peut s’agir d’enseignants (comme Patrick!) qui hésitent à mettre ces pratiques au plan de cours.
    • Il peut aussi s’agir d’étudiants qui sont mal à l’aise pendant un laboratoire et n’en retirent donc pas le maximum pour leur apprentissage qui refusent carrément de faire le laboratoire

Certaines dissections sont associées à des risques de maladies (zoonoses).

Étudier de l’anatomie sur des cadavres humains: une alternative intéressante

Il y a quelques années, Patrick a commencé à explorer une option de rechange à la dissection d’animaux: une activité d’anatomie sur des cadavres humains. Il a partagé l’expérience positive qu’il a vécue aux enseignants de biologie. Cela a généré un réel intérêt!

En mars 2020, avec le soutien du collège, nous nous sommes rendus à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) en autobus avec des étudiants volontaires pour un laboratoire d’anatomie sur des cadavres humains. (C’était une activité tout à fait optionnelle dans le cours.) Cette activité a été un succès et a suscité beaucoup d’intérêt, tant des étudiants que des enseignants participants.

Malheureusement, à cause de la pandémie, nous n’avons pas pu répéter l’expérience en 2021.

Évidemment, ce n’est pas réaliste pour tous les enseignants de prendre une journée entière pour se rendre à l’UQTR avec chacun de leurs groupes d’étudiants. Aussi, certains étudiants pourraient être très inconfortables à l’idée d’étudier de l’anatomie sur un cadavre humain. De plus, la capacité d’accueil et les périodes proposées pour ce type d’activité sont limitées, ce qui complexifie la planification des activités pédagogiques.

Exploiter la réalité virtuelle pour mieux atteindre les objectifs d’apprentissage

Est-ce que la réalité virtuelle pourrait être une autre option? Y a-t-il des outils technologiques qui permettraient aux étudiants de visualiser les structures du corps humain, leurs fonctions et leurs interactions?

Notre idée n’a jamais été de remplacer toutes les activités de laboratoire par des activités de réalité virtuelle ou augmentée, ni d’imposer à nos collègues l’utilisation de ces outils « mur à mur ». Il s’agit plutôt de créer de nouvelles opportunités permettant de bonifier certains laboratoires existants, en les combinant à une réalité étendue.

Patrick s’intéressait à la réalité virtuelle depuis plusieurs années. Il avait déjà l’intention de faire un travail de débroussaillage des différents outils et applications qui existaient pour voir si cette technologie pourrait nous être utile. Chantale aussi, indépendamment, était attirée par cette technologie, qui était émergente à ce moment. Mais nous n’avions pas, ni l’un ni l’autre, le temps ou les ressources nécessaires pour faire ce travail comme nous le souhaitions.

Le programme NovaScience, un soutien aux projets qui stimulent la science et l’innovation

Chantale connaissait déjà le Programme NovaScience (volet 2) du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec pour en avoir bénéficié pour son projet interdisciplinaire sur l’aquaponie. Nous avons donc fait une demande de soutien auprès de ce programme, mais aussi de notre collège.

Cela nous a permis:

  • d’être libérés d’une partie de notre tâche d’enseignement pour avoir le temps nécessaire pour notre projet
  • d’avoir les fonds nécessaires pour
    • acheter et évaluer du matériel existant
    • échanger nos idées avec des partenaires experts
    • développer, en collaboration avec nos partenaires experts, des outils technologiques répondant à nos besoins

Si vous avez un projet novateur, nous vous encourageons vivement à vérifier si un programme de financement comme NovaScience pourrait vous soutenir

Dans notre cas, le simple fait d’avoir à remplir les formulaires de proposition nous a aidé à structurer nos idées. Cela nous a permis de bien cibler ce que nous cherchions à faire pour ainsi obtenir un projet viable avec des retombées concrètes.

Les objectifs de notre projet

Notre projet a 3 objectifs:

  1. Évaluer et sélectionner le matériel et les applications en lien avec la réalité virtuelle, la réalité augmentée et le 3D, qui pourraient nous être utiles dans notre enseignement de l’anatomie et de la physiologie humaines en laboratoire
    Cela exigeait que nous nous familiarisions avec les technologies.

    • Benoit Ozell, professeur à Polytechnique Montréal, est l’un de nos partenaires pour ce projet. Il nous a permis d’avoir un premier contact avec les différentes technologies (réalité virtuelle et réalité augmentée) et d’en comparer les caractéristiques.
      Éductive (et auparavant la Vitrine technologie-éducation) est un autre de nos partenaires. La conseillère Dominique Regnier a dressé pour nous une longue liste d’applications (en réalité virtuelle, en réalité augmentée ou en imagerie 3D) potentiellement intéressantes pour l’enseignement de la biologie.
      Nous les avons testées et avons constaté qu’il y en avait bien peu, au final, qui pouvaient réellement être utiles.
  2. Développer des activités pédagogiques intégrant les outils et applications sélectionnés
    Nous voulons rédiger des scénarios pédagogiques, les tester et les diffuser.
  3. Développer un produit sur mesure en réalité virtuelle ou augmentée pour l’enseignement et l’apprentissage de l’anatomie et de la physiologie humaines au collégial et l’implanter dans nos cours
    Pour le développement logiciel, nous faisons affaire avec InVisu, une firme spécialisée, partenaire dans le projet, dont Benoît Ozell est l’un des fondateurs.

Notre partenaire Benoît Ozell a collaboré en 2021 avec l’Office québécois de la langue française pour la création d’une très complète fiche sur le vocabulaire de la réalité virtuelle. La terminologie, c’est la base, mais ça demeure un défi pour bien des gens, dans ce domaine!

La réalité augmentée: pas de valeur ajoutée dans notre cours

Une première familiarisation avec les technologies nous a permis de constater que, contrairement à ce que nous pensions au départ, la réalité augmentée n’était pas particulièrement intéressante pour notre cours.

La réalité augmentée permet, par exemple, de filmer une personne avec une tablette et de voir sur l’écran de la tablette, non seulement la personne que l’on filme, mais la position exacte de ses poumons ou de son estomac, etc. (Une représentation 3D d’un organe ou d’un système anatomique peut se superposer en temps réel à l’image filmée sur l’écran.)

Cela peut être très intéressant dans d’autres contextes, comme Soins infirmiers. Par exemple, avec des applications comme Complete Anatomy [en anglais] (en anglais seulement) ou Human Anatomy Atlas [en anglais] (moins facile à utiliser mais disponible en français), une apprentie infirmière peut voir exactement là où se trouvent les organes qu’elle doit ausculter.

Mais notre cours à nous vise plutôt à ce que les étudiants comprennent les interactions entre les organes et leurs fonctions. En visualiser la position exacte sur une personne donnée n’est pas particulièrement pertinent.

Nous avons donc écarté la réalité augmentée des options à retenir.

La réalité virtuelle: des possibilités impressionnantes

La réalité virtuelle offre des options très intéressantes pour nous.

La réalité virtuelle demande de porter un visiocasque. L’utilisateur ne voit plus le monde réel, mais se trouve immergé dans une autre réalité, un monde virtuel.

Après de premiers tests sommaires avec l’équipement de Benoît Ozell, nous avons fait nous-mêmes l’acquisition de 3 visiocasques pour faire des tests:

  • Valve Index
  • HTC Vive Pro
  • Oculus Quest 2 (le moins cher des 3, mais requiert que l’utilisateur ait un compte Facebook, ce qui pourrait poser un problème légal)

Nous avons utilisé ces 3 casques avec une connexion filaire à un ordinateur, car aucune application pour l’étude de la biologie ne pouvait être installée directement sur l’Oculus Quest 2.

2 applications intéressantes: 3D Organon et Sharecare You

Dans la liste d’outils que nous a fournie la Vitrine technologie-éducation (Éductive), 2 ont semblé avoir un réel potentiel dans notre enseignement:

  • 3D Organon (75 $)
    • Pour l’anatomie seulement
    • La version de base est peu coûteuse et est très intéressante, mais en anglais seulement. Une version plus complète est disponible en français, mais elle est nettement plus dispendieuse.
  • Sharecare You (45 $)
    • Surtout pour l’anatomie, mais aussi un peu pour la physiologie
    • En anglais seulement

Les 2 applications permettent de visualiser des structures du corps humain en 3D et de les manipuler à sa guise. Ce peut être un squelette, un cœur, un cerveau… Il y a certaines structures que l’on peut voir en coupe.

Sharecare You permet aussi d’étudier quelques notions de physiologie:

  • On peut être placé devant une vessie que l’on observe se remplir. Puis, on peut simuler un problème médical en modulant une variable et voir comment cela affecte l’activité de la vessie.
  • On peut observer un vaisseau sanguin et voir l’impact de l’augmentation du taux de cholestérol sur sa fonction.
  • etc.

C’est vraiment très pertinent, mais il n’y a que quelques simulations de ce genre dans l’application.

Utiliser la réalité virtuelle sous la forme d’une « station » de laboratoire

Nous avons constaté que nous ne pourrions pas nécessairement implanter cette technologie dans un groupe complet d’étudiants qui vivraient tous l’expérience en même temps.

  • Ça prend de l’espace, 32 étudiants qui ont chacun un visiocasque et bougent en même temps!
  • Le coût serait astronomique. Chaque casque requiert un ordinateur, ce qui revient à environ 3500$ par étudiant. En avoir 32 n’est pas réaliste.
  • Il peut être difficile d’encadrer 32 étudiants déconnectés de la réalité qui s’initient à la technologie tous en même temps.

Pour pallier ces problèmes, notre idée est d’exploiter la réalité virtuelle lors d’un laboratoire sous forme de stations. Ainsi, des équipes d’étudiants pourraient réaliser une série d’activités en rotation. Par exemple, pendant que 4 étudiants feraient une simulation en réalité virtuelle:

  • 4 autres observeraient une image 3D d’une structure anatomique à l’aide d’une tablette électronique
  • 4 autres pourraient récolter des données sur leur métabolisme (électrocardiogramme, spirométrie, etc.) et les analyser
  • etc.

Développer une application de réalité virtuelle sur mesure (sans réinventer la roue)

Les applications 3D Organon et Sharecare You ont des lacunes pour l’enseignement de la biologie au niveau collégial, mais demeurent très intéressantes. Et surtout, elles existent déjà. Il ne sert à rien de vouloir les répliquer! Notre partenariat avec InVisu nous offre la possibilité de combler certaines de ces lacunes afin de mieux répondre à nos besoins.

De quoi avons-nous vraiment besoin dans notre enseignement qui n’existe pas déjà sur le marché?

  • Des outils utiles pour l’évaluation (formative)
    • Les applications existantes offrent des questionnaires formatifs, mais ceux-ci ne sont pas modulables. L’enseignant peut choisir, par exemple, le système sur lequel l’évaluation va porter, mais il ne peut pas sélectionner les questions.
      Ainsi, le questionnaire peut inclure des questions portant sur des éléments qui n’ont pas encore été vus dans le cours ou qui ne seront pas vus, les structures peuvent être nommées différemment, etc.
    • Les produits sur le marché proposent tous des questionnaires en anglais seulement.

    Nous aimerions donc développer une application sur tablette qui permet des évaluations formatives que l’enseignant peut moduler pour répondre à ses besoins, tout en étant accessible à tous les étudiants simultanément
    (Pour éviter de pénaliser les étudiants moins à l’aise avec les technologies, nous n’envisageons pas, pour le moment, d’utiliser la réalité virtuelle pour l’évaluation sommative.)

  • Davantage de brèves simulations en réalité virtuelle, adaptées aux thèmes que nous voulons aborder dans nos laboratoires de physiologie
    • Les simulations de Sharecare You, comme celle de la vessie que nous avons mentionnée précédemment, nous semblent vraiment pertinentes pour notre enseignement. Il ne s’agit pas simplement de visualiser un organe, mais aussi de comprendre les paramètres qui affectent sa fonction. De plus, comme ce genre de simulation s’utilise très bien en un temps limité, c’est parfait pour notre idée de laboratoire en stations. Il nous en faut plus que ce qu’il y a sur Sharecare You!
      Par exemple, les étudiants pourraient:

      • visualiser l’impact de la variation de la pression sanguine sur les échanges avec les cellules
      • voir ce qui arrive si les protéines plasmatiques ne sont pas produites
      • etc.

    Vivre la simulation en immersion complète, avec un visiocasque, la rend marquante pour les étudiants et favorise l’apprentissage.

InVisu travaille à développer cela pour nous et rendre les applications accessibles à travers le réseau collégial.

Un cours dans lequel la réalité virtuelle occupe une place centrale

L’un des inconvénients d’utiliser la réalité virtuelle lors d’un laboratoire sous forme de stations est que chaque étudiant ne sera en contact avec la technologie que pour une dizaine de minutes. Nous sommes convaincus qu’ils en voudront plus!

Nous croyons sincèrement au potentiel pédagogique du numérique. Pas seulement comme substitut à certaines activités traditionnelles, mais comme une option avec une réelle valeur ajoutée.

À propos des auteurs

Chantale Nunes

Titulaire d’un DEC en Sciences de la nature du Cégep Beauce-Appalaches, d’un baccalauréat et d’une maîtrise en Sciences biologiques de l’Université de Montréal, elle a travaillé comme agente technique III à l’Institut de Recherche en Biotechnologie et comme représentante technique et directrice des comptes pour Stratagene. Elle travaille au Collège de Bois-de-Boulogne depuis 2003 comme enseignante en biologie, bien qu’elle ait exercé pendant 3 ans un rôle de directrice adjointe aux études.

Patrick Drolet Savoie

Titulaire d’un baccalauréat en sciences biologiques, d’un DESS en gestion (HEC) et d’un diplôme DESS en psychopédagogie de l’Université de Montréal, Patrick Drolet Savoie est enseignant en biologie au Collège Bois-de-Boulogne.

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Catherine Rhéaume
Catherine Rhéaume
23 novembre 2021 13h09