Sortir de la classe traditionnelle : panel sur la formation à distance — la formation hybride synchrone et asynchrone
Le 9 juin 2020, la communauté de pratique du Réseau des répondantes et répondants TIC, qui regroupe les conseillers pédagogiques responsables de l’intégration des TIC dans les collèges du Québec, a tenu une table ronde virtuelle dans le cadre de sa rencontre annuelle pour échanger sur la formation à distance et ses défis. Lors de cette rencontre, 12 enseignants et conseillers pédagogiques du réseau collégial ont partagé leur expérience de l’enseignement à distance. Nous vous présentons les grandes lignes de cet échange dans une série de 2 articles.
- Dans le présent article, nous explorerons la formation hybride synchrone-asynchrone.
- Dans, le second texte, nous aborderons la formation comodale et de la formation hybride présence-distance.
La formation hybride synchrone-asynchrone
Marie-Gervaise Pilon, enseignante, Collège Montmorency
Chantale Gervais, enseignante, École de sténographie judiciaire du Québec
Sarah Ouellet, enseignante, École de sténographie judiciaire du Québec
Carol Fortin, enseignant, Cégep de Jonquière
Jean-René Rodrigue, enseignant, Cégep Limoilou
Éric Dru, enseignant, Cégep régional de Lanaudière
La formation hybride synchrone-asynchrone, tel que nous l’entendons, est le fait de concilier dans un même cours à distance des activités d’apprentissage synchrones et asynchrones.
Repenser son cours à distance
Pour Marie-Gervaise Pilon, 2 facteurs ont facilité son passage à l’enseignement à distance:
- elle enseigne une matière qui s’y prête relativement bien, à savoir l’anglais langue seconde
- ses étudiants étaient déjà familiers avec l’environnement d’apprentissage Moodle.
Lors du passage d’urgence à l’enseignement en ligne, la continuité pédagogique de ses cours en classe a été assurée en maintenant l’horaire et la routine du présentiel pendant les séances synchrones. De plus, pour favoriser l’apprentissage des étudiants, elle a utilisé les commentaires audios pour donner une rétroaction abondante et efficace. Dans un contexte où il fallait donner beaucoup de rétroactions, cette façon de travailler était la plus ergonomique et rapide selon elle. Les étudiants enregistraient certaines de leurs interventions et de leurs présentations orales et Marie-Gervaise Pilon leur donnait une rétroaction détaillée tant du point de vue de la grammaire, du vocabulaire que de l’organisation des idées. Étant donné qu’elle leur demandait de s’enregistrer, elle faisait le même exercice pour leur transmettre ses commentaires. Les étudiants ont aimé ce type de rétroaction dans un contexte d’apprentissage d’une langue seconde, car cela leur permettait d’entendre l’intonation et le ton de leur enseignante. Ce mode de correction lui a donc permis de modéliser la prononciation et a permis aux étudiants d’écouter le nombre de fois qu’ils le souhaitaient l’enregistrement. Évidemment, des activités du même type en mode synchrone ont eu lieu également et, dans le cas de l’écrit, la rétroaction était audio et visuelle sur un document annoté.
Dans le contexte de la pandémie, Marie-Gervaise Pilon a opté pour Microsoft Teams pour l’enseignement de cours synchrones dont elle enregistrait certaines portions. Les étudiants ont rencontré quelques difficultés en tentant de s’approprier Teams en milieu de session. Dès l’automne 2020, Marie-Gervaise Pilon prévoit adopter Zoom. Elle aimerait consacrer une période en classe pour montrer à ses étudiants à utiliser cette plateforme de visioconférence, ainsi la gestion des discussions en sous-groupes sera plus aisée.
Pour Marie-Gervaise Pilon, il était important de faire preuve d’une grande flexibilité en ce qui a trait à la présence virtuelle aux séances synchrones ainsi que pour les évaluations. Comme elle avait plusieurs groupes du même niveau, les étudiants pouvaient se joindre à la séance synchrone d’un autre groupe. De plus, pour diminuer la charge de travail des étudiants, elle a revisité tout son système d’évaluation afin de se concentrer sur l’essentiel tout en permettant à ceux-ci de faire des choix. Elle a aussi déployé des stratégies qu’elle utilisait déjà en classe pour maintenir leur intérêt comme:
- des jeux interactifs (par exemple Kahoot)
- des projets engageants ou un travail de recherche dirigé individuellement, comme la création de vidéos avec Screencast-O-Matic [en anglais] où les étudiants se filmaient en projetant leur présentation PowerPoint
- un projet d’écriture créative, pour ses groupes plus avancés, qui a permis à ses étudiants de s’éloigner de l’écriture de textes académiques et de laisser libre cours à leur imagination
Personnaliser les interactions
Pour Jean-René Rodrigue, qui enseigne entre autres à la formation continue, la réalité est différente qu’à la formation générale. Il a transposé un cours du soir en cours à distance sur Moodle. Grâce au module «achèvement des activités», il a pu suivre la progression des apprentissages de ses étudiants. De plus, Moodle lui a permis d’héberger tous ses exercices et ses vidéos de démonstration. Puisque Jean-René Rodrigue enseigne dans de nombreux cégeps en même temps, il lui arrive d’avoir 200 à 300 étudiants à la formation continue. Un défi constant auquel il est confronté est de maintenir la motivation de ses étudiants au fil de la session. La solution qu’il a trouvée est de reproduire le contexte classe en formation à distance. Par exemple, ses étudiants lui envoient des questions par écrit et il leur répond en créant des capsules audios personnalisées. Il fait la même chose pour souhaiter la bienvenue à chaque étudiant lorsqu’il entame le cours.
Reproduire l’ambiance de la classe en présence
Pour Carol Fortin, la bande passante de sa connexion internet ne lui permettait pas d’enseigner en mode synchrone et l’une de ses préoccupations principales était de reproduire l’ambiance de la classe en présence. Les vidéos pédagogiques ont été l’option de prédilection pour innover en formation à distance. En personnalisant ses vidéos, qui avaient un côté naturel et un peu artisanal, les étudiants retrouvaient l’enseignant qu’ils avaient côtoyé au début de la session. Ces vidéos ont ainsi permis à Carol :
- de vulgariser la matière, c’est-à-dire de rendre concret l’abstrait
- d’innover en changeant sa méthode
- de simuler par moments sa classe réelle par toutes sortes de moyens inventifs
Pour les étudiants, ces vidéos leur permettaient d’aller à leur vitesse et de les regarder le nombre de fois qu’ils le souhaitaient. Toutes les vidéos étaient déposées sur un site web avec mot de passe auquel seuls les étudiants avaient accès. Chaque semaine, le lundi, une rencontre synchrone sur Teams avait lieu pour planifier le visionnement des vidéos pédagogiques et les exercices de la semaine. Ces rencontres étaient enregistrées pour que tous puissent y avoir accès et pour pallier les problèmes de connexion des étudiants et de l’enseignant. Puis, lors des périodes normalement dédiées pour les laboratoires, Carol Fortin était devant son ordinateur et répondait en direct aux questions des étudiants avec les options de partage d’écrans.
Effectuer un suivi personnalisé
À l’École de sténographie judiciaire du Québec, Chantale Gervais utilise l’environnement numérique d’apprentissage Moodle parallèlement à la plateforme de cours VIA pour les classes synchrones. Il lui est possible d’offrir un suivi personnalisé à chaque étudiante, car les groupes sont de petite taille. Elle établit un plan d’action avec les étudiantes plus à risque d’un échec et discute avec celles-ci lors de rencontres virtuelles. De plus, tous les cours synchrones sont enregistrés, ce qui permet aux étudiantes absentes de rattraper la matière qu’elles ont manquée. Dans le contexte de la pandémie et du confinement, Sarah Ouellet ajoute qu’il était important de faire preuve de flexibilité en ce qui a trait à l’assiduité en classe virtuelle, car la conciliation études-famille et travail-études est une réalité importante chez leurs étudiantes dont plusieurs font un retour aux études.
Assurer un contact authentique
Pour Éric Dru, le contact est important. Lors de son cours synchrone hebdomadaire, les étudiants allument leur caméra, ce qui lui permet d’avoir un vrai échange avec eux et de vérifier s’ils n’ont pas pris de retard dans leurs études. Le reste de la semaine est consacré à des exercices en formule asynchrone.
Les conditions gagnantes pour un virage réussi vers l’enseignement à distance
Comme il a été dit maintes fois depuis le passage d’urgence à la formation à distance, il n’existe pas de panacée permettant du jour au lendemain de devenir un maître de l’enseignement en ligne. Il faut du temps, des essais et des erreurs pour être à l’aise avec ce mode d’enseignement. Quoi qu’il en soit, il existe quelques trucs pour faciliter cette transition:
- le contact initial avec vos étudiants devrait idéalement avoir lieu en présentiel. Ce sera l’occasion pour les former aux différents outils numériques qu’ils utiliseront tout au long de la session.
- il est important de communiquer avec les étudiants pour évaluer leurs besoins
- le contact humain est primordial. Il est possible de favoriser l’interaction en exploitant à leur plein potentiel les rencontres synchrones.
- l’enseignement en ligne vous obligera à sortir de votre zone de confort et à faire preuve de créativité. Les activités ludiques ont toujours la cote auprès des étudiants
Tout ne sera pas parfait au début et c’est tout à fait normal. Soyez indulgent envers vos étudiants et envers vous-même, ce n’est pas évident de s’approprier un nouveau mode d’enseignement. Établissez des consignes claires concernant la nétiquette, faites preuve de flexibilité et tout ira bien.
Sur ce, bonne session !
Remerciements
Nous souhaitons remercier tous les panélistes qui ont donné généreusement de leur temps en cette période plutôt particulière de postconfinement pour prendre part à cette rencontre virtuelle afin de partager leur expérience de la formation à distance.