Être à Rimouski et évaluer des stagiaires à Gatineau… c’est tout à fait possible! Grâce à des outils spécialisés pour le partage de données et à des casques de réalité augmentée, mes collègues enseignantes et enseignants et moi arrivons à évaluer nos élèves de Technologie de l’échographie médicale en stage dans un hôpital de l’Outaouais tout en restant à Rimouski.
Sur Teams, nous voyons le flux des images captées par la sonde d’échographie de l’élève en temps réel. Par l’entremise du casque de réalité augmentée que porte la technologue-monitrice sur place avec l’élève, nous voyons et entendons tout ce qui se passe dans la salle d’échographie. C’est comme si nous y étions!
Ce partenariat longue distance me permet de trouver des places en stage pour toutes les étudiantes du programme et répond aux pressants besoins de recrutement du CISSS de l’Outaouais.
À la recherche de places de stage
Technologie de l’échographie médicale est un nouveau programme collégial. Le Cégep de Rimouski a été le 1er collège à l’offrir en 2018.
Auparavant, les technologues en échographie avaient un DEC en Technologie de radiodiagnostic, mais cette formation ne couvrait l’échographie que très superficiellement. Les réelles compétences en échographie étaient développées une fois en emploi («sur le tas», comme on dit). Après plusieurs années de pratique en échographie, les technologues en radiodiagnostic pouvaient obtenir une certification de la part de l’Ordre des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale du Québec pour pouvoir faire des échographies de façon autonome. Avec la pénurie de plus en plus criante de technologues en échographie, l’absence d’une formation officielle en échographie était évidemment problématique.
Grâce au nouveau DEC en Technologie de l’échographie médicale, les personnes diplômées obtiennent leur certification de pratique autonome dès la fin de leurs études et entrent ainsi sur le marché du travail en maitrisant les compétences nécessaires à l’entrée dans la profession.
L’acquisition de compétences s’effectue entre autres par des stages en milieu hospitalier. Au Cégep de Rimouski, la 3e année de formation se déroule entièrement en stage (34 semaines de stage), avec des cours le vendredi après-midi (cours qui peuvent être suivis à distance). Pendant cette année-là, les élèves visitent 3 départements:
- le département d’imagerie médicale en radiodiagnostic pour les échographies générales (reins, seins, thyroïde, etc.) (15 semaines)
- le département d’obstétrique pour les échographies obstétricales (12 semaines)
- le département de cardiologie, pour les échographies cardiaques (7 semaines)
Sur le plan logistique, la difficulté est qu’en général chaque département n’accepte qu’une personne stagiaire à la fois. C’est normal: il n’y a souvent pas énormément de salles d’échographie dans un département. Même si former les technologues de demain est évidemment rentable à long terme, superviser des stagiaires ralentit un peu le débit de traitement des patients et des patientes. Les technologues en place doivent souvent faire un peu de temps supplémentaire pour compenser le ralentissement associé au fait de former un stagiaire ou une stagiaire.
Comme coordonnatrice des stages, je ne peux donc pas demander à l’hôpital de Rimouski d’accueillir toute une cohorte de stagiaires!
Typiquement, j’envoie 1 stagiaire à Rimouski, 1 à Rivière-du-Loup, 1 à Lévis, 1 à Drummondville, 1 à Valleyfield… Comme le Cégep de Sainte-Foy offre aussi le programme, les hôpitaux de la région de Québec, du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Beauce accueillent normalement leurs stagiaires. Et les hôpitaux de Montréal et des environs traitent avec le Collège Ahunstic. En général, j’ai 12 élèves de 3e année (toutes des filles, cette année) à qui je dois trouver un stage. Ce n’est pas facile!
J’étais donc enchantée quand le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de l’Outaouais m’a proposé d’accueillir 2 stagiaires, en 2022. Ce CISSS gère 2 hôpitaux: celui de Gatineau et celui de Hull.
Une offre qu’on ne peut pas refuser
Le CISSS de l’Outaouais était (et est encore…) frappé par une importante pénurie de technologues. Le CISSS était déterminé à accueillir des stagiaires dans le cadre d’une opération séduction afin de les garder en emploi ensuite. Mais… l’Outaouais, c’est loin de Rimouski!
Des élèves qui partent en Outaouais?
D’abord, il fallait trouver des stagiaires disposées à déménager de Rimouski vers l’Outaouais.
Le CISSS facilite la chose en offrant une résidence aux stagiaires. (Le CISSS a déjà une maison dans laquelle il offre des chambres aux stagiaires en médecine, en ergothérapie, etc. Cela est maintenant offert à nos élèves également!) Les élèves doivent payer un loyer, mais, avec l’actuelle pénurie de logements, l’offre d’une résidence est très appréciée!
Il faut aussi dire que nous avons des élèves qui viennent de partout au Québec. Pour certaines, l’Outaouais est proche de la maison.
Ensuite, comme je l’ai dit, le CISSS de l’Outaouais fait tout pour retenir les stagiaires formées. Les élèves qui restent en emploi 2 ans après la fin de leur stage reçoivent de très généreuses bourses.
Une enseignante qui va en Outaouais…
Par ailleurs, il faut penser au temps de déplacement de l’enseignante ou de l’enseignant. Dans toutes les activités, les stagiaires sont toujours supervisées par un ou une technologue du milieu de travail. Toutefois, un enseignant ou une enseignante se déplace aussi périodiquement dans le milieu de stage pour évaluer l’étudiante, lui donner de la rétroaction et la guider. Ces visites permettent aussi de guider les technologues-monitrices, au besoin.
En une année, l’enseignante ou l’enseignant se déplace 9 fois en milieu de stage pour évaluer chaque élève. De Rimouski à Gatineau, il y a 735 km (donc près de 1500 km aller-retour). Avec l’essence à payer, l’hôtel pour les déplacements plus longs, ça entraine des coûts assez importants pour le cégep. C’est sans compter les trop fréquentes tempêtes hivernales qui perturbent les déplacements… Et il va sans dire que ce n’est pas facile non plus pour la conciliation travail-famille.
Malgré tout ça, je me suis dit que nous supervisions déjà des stagiaires à Valleyfield. Pourquoi ne pas faire coïncider ces déplacements et faire 2 h de route supplémentaires pour nous rendre à Gatineau?
Les technologies pour une solution simple et flexible
Malgré les difficultés liées à la distance, ma directrice adjointe, mes collègues et moi avons accepté l’offre du CISSS de l’Outaouais. Cependant, l’équipe du CISSS (en particulier Caroline Thibault, chef de service des stages pluridisciplinaires) a tenté de trouver une solution plus efficace pour nous en intégrant les technologies.
Après tout, la télémédecine existe déjà. Personnellement, comme technologue à Rimouski, je fais de l’échographie cardiaque pédiatrique en collaboration avec un cardiologue qui est à Québec: il voit mes images à distance en temps réel. La difficulté supplémentaire, ici, est que mes collègues et moi voulons non seulement voir les images captées par les stagiaires, mais aussi ce qui se passe dans la salle.
Nous voulons voir comment les stagiaires interagissent avec les patients et les patientes, ce qu’elles leur disent. Nous voulons aussi voir où exactement les stagiaires posent leur sonde sur le corps du patient ou de la patiente pour être certaine qu’elles ont tout examiné sans rien oublier. Ce n’est pas toujours possible, juste en regardant les images, de savoir si tout a été scanné correctement ou non. Il faut vraiment que ce soit comme si nous étions dans la pièce. Nous voulons pouvoir voir si la main de l’élève est trop à droite ou trop à gauche.
Le CISSS s’est donc procuré 2 casques de réalité étendue HoloLens (1 à Hull et 1 à Gatineau). La technologue-monitrice qui accompagne l’élève les porte et tout ce qu’elle voit est transmis à l’enseignante ou l’enseignant en temps réel sur Teams, comme si elle ou il était à sa place.
Le CISSS a aussi acheté des modules qui permettent de raccorder l’appareil d’imagerie directement à Teams. (Pour les appareils Canon, c’est ApliGate. Pour les appareils Philips, c’est Collaboration Live.)
Ainsi, sur Teams, nous voyons à la fois le flux de l’appareil (les images d’échographie, anonymisées) et le flux du casque porté par la technologue-monitrice.
Nous pouvons parler à la technologue sans que l’élève entende. Nous pouvons aussi parler à l’élève par le haut-parleur de l’ordinateur qui est dans la salle d’échographie. (Le CISSS a muni ses salles d’échographie de bureaux assis-debout Ergotron et d’ordinateurs portables dédiés à ce projet.)
Nous nous assurons toujours d’obtenir le consentement des patients et des patientes qui sont filmés. Même si rien n’est enregistré, ils et elles doivent tout de même être à l’aise avec le fait que l’enseignante ou l’enseignante les voie à distance.
Merci beaucoup de ce récit Julie ! Je trouve cette utilisation du casque Hololens vraiment intéressante ! La description de votre expérience évoque aussi le fait que cela serait assez facilement transposable dans d’autres sphères d’application de formation pratique. Votre partage contribue ainsi à l’avancement de la connaissance collective, et je vous en suis sincèrement reconnaissante.
Merci beaucoup pour votre retour enthousiaste ! Je suis ravie que notre expérience avec les Hololens vous ait intéressé. Il est vrai que les possibilités d’application dans d’autres domaines sont vastes, et j’espère que ce type de partage pourra inspirer d’autres initiatives.
Merci Julie et à toute l’équipe du Cégep de Rimouski pour la confiance dès nos premières discussions. C’est également très agréable de travailler avec vous tous. Merci d’avoir consacré temps, énergie, rétroaction et flexibilité pour permettre de réaliser ce projet.