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2 février 2009

Télévoter pour une physique plus conceptuelle

Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

J’ai toujours trouvé que l’enseignement de la physique était beaucoup trop axé sur les calculs et pas assez sur la compréhension qualitative des phénomènes. Il n’est pas rare d’observer un étudiant capable de résoudre à peu près n’importe quel exercice, mais ne pouvant répondre à une simple question qualitative. J’imagine que tous les enseignants de physique voudraient bien avoir des étudiants qui comprennent bien les concepts de base et pas seulement des étudiants qui savent mettre des chiffres dans des équations pour obtenir des réponses. Une façon d’y arriver : les sessions de physique conceptuelle à l’aide d’un télévoteur (clickers).

Télévoteur.

Les périodes de cours concernant la physique conceptuelle durent deux heures et reviennent toutes les deux semaines environ. À cette occasion, on présente, avec PowerPoint, des questions à choix de réponses qui peuvent se résoudre sans faire aucun calcul. Les équations se rapportant à la matière étudiée sont écrites au tableau à l’avant de la classe, mais elles ne servent qu’à aider l’étudiant à faire un raisonnement correct. Voici un exemple de question :

Un navire de guerre lance simultanément deux obus. La vitesse de départ des obus n’est pas nécessairement la même. Les deux obus suivent les deux trajectoires illustrées sur la figure. Lequel des obus touche sa cible en premier?

Figure illustrant la trajectoire des obus.


a) A
b) B
c) Ils touchent leur cible en même temps.
d) Cela dépend de la vitesse initiale des obus.

Bien sûr, si on avait la vitesse et les angles de départ, on pourrait répondre à cette question en calculant le temps que prend chacun des obus pour attendre sa cible, mais on peut aussi y arriver en réfléchissant un peu.

Les étudiants tentent donc de trouver, individuellement, la réponse à la question posée durant deux à trois minutes environ. Lorsque chacun arrive à une réponse, il utilise un télévoteur pour donner sa réponse.

Histogramme des réponses des étudiants et étudiantes.

L’enseignant peut alors voir, à l’aide du programme fourni avec les télévoteurs (dans mon cas : Beyond Question), un histogramme montrant le nombre d’étudiants ayant opté pour chacune des réponses possibles. Il est alors facile de voir quand tous ont répondu.

Une fois toutes les réponses enregistrées et qu’on a annoncé les résultats, deux options s’offrent alors :

  1. On peut faire du tutorat entre pairs. Dans ce cas, chaque étudiant cherche un étudiant près de lui qui a une réponse différente de la sienne et tente de le convaincre qu’il a raison. Ça fonctionne bien et les étudiants participent beaucoup, mais l’enseignant n’a qu’une perception partielle des arguments utilisés pour convaincre les autres, à moins d’écouter ce qui se dit dans les échanges près de lui. Une fois la discussion terminée, les étudiants modifient leurs réponses s’ils ont changé d’idée.
  2. On peut faire une discussion plus ouverte en demandant à un volontaire d’expliquer son raisonnement à voix haute et Avec cette méthode, l’enseignant peut faire, à la fin de la discussion, un retour sur l’explication correcte pour la bonifier …de tenter de convaincre tout le monde. Cinq ou six étudiants peuvent ainsi prendre la parole pour essayer de convaincre le groupe en expliquant pourquoi une réponse est bonne et l’autre est mauvaise. Tout au long de la discussion, les étudiants qui changent d’avis peuvent modifier leur réponse à l’aide du télévoteur. L’enseignant visualise alors instantanément les arguments qui ont fait changer l’opinion des étudiants de même qu’il voit ceux qui ne fonctionnent pas du tout. Avec cette méthode, l’enseignant peut faire, à la fin de la discussion, un retour sur l’explication correcte pour la bonifier et parfois expliquer pourquoi une explication donnée par un étudiant n’était pas adéquate. Le problème avec cette méthode, c’est que ce sont presque toujours les mêmes étudiants qui prennent la parole alors que d’autres sont tout à fait passifs.

Avec cette méthode, l’enseignant peut faire, à la fin de la discussion, un retour sur l’explication correcte pour la bonifier …

Cependant, il n’est pas toujours nécessaire de faire une discussion. Si plus de 80% du groupe ont correctement répondu à la question, on donne une explication rapide pour ceux qui ont raté la question et on passe à la suivante. Si presque personne n’a la bonne réponse, on peut donner des indices ou demander directement à ceux qui ont eu la bonne réponse d’expliquer comment ils sont arrivés à l’obtenir. À l’occasion, l’étudiant vous dira que c’est le hasard, mais parfois il vous donnera une explication assez sophistiquée et correcte.

Évidemment, l’intérêt des étudiants ne sera pas très grand s’il n’y a pas d’évaluation reliée à la physique conceptuelle. Il y a donc dans mes examens, 15 questions conceptuelles comptant pour deux points chacune. Les étudiants savent donc quel genre de question sera utilisé pour l’évaluation et de ce fait, ils cherchent vraiment à comprendre les raisonnements pour arriver à la bonne réponse. Si vous désirez voir des exemples de questions conceptuelles dans des examens, pour les trois cours de physique, elles sont disponibles en ligne sur le site La physique à Mérici.

Avez-vous expérimenté quelque chose de semblable en physique conceptuelle ou dans un autre domaine? Il serait intéressant de venir partager vos idées en laissant des commentaires.

En passant, c’est l’obus B qui arrive en premier sur la cible…

À propos de l'auteur

Luc Tremblay

Enseignant en physique depuis 1994, Luc Tremblay a remporté la Mention d’honneur de l’Association québécoise de pédagogie collégiale en 2011, le Prix du ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de la science en 2014 et le Prix d’excellence en enseignement de la physique de l’Association canadienne des physiciens en 2017.

Les notes de cours qu’il a mises en ligne sont lues partout dans le monde et sont utilisées dans quelques autres établissements d’enseignement, notamment des universités.

Combinant une méthode traditionnelle avec des séances dédiées à des questions conceptuelles, Luc Tremblay a aussi implanté une approche par problèmes dans le cours porteur de l’épreuve synthèse du programme de Sciences de la nature.

Il a également été coordonnateur du programme de Sciences de la nature pendant 9 ans et a participé à deux reprises, à titre d’expert, aux travaux de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial.

Il s’implique également dans la vie étudiante de son collège. Membre de l’équipe de hockey cosom, il organise à l’occasion une démonstration de la loi de la chute des corps avec des citrouilles à l’Halloween.

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