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23 mai 2023

De ChatGPT à l’intégrité intellectuelle — Mettre en lumière la diversité des approches 

Cet article est une traduction d’un texte paru dans le volet anglophone d’Éductive.

S’assurer de l’intégrité académique à l’ère de ChatGPT est un sujet brûlant en enseignement supérieur. Quinn Johnson, le répondant TIC du Cégep Champlain – St. Lawrence, et Alexandre Enkerli, conseiller technopédagogique pour Éductive (Collecto), ont codéveloppé un atelier sur l’intégrité à l’ère de l’intelligence artificielle (IA). Toutefois, avant même que cet atelier ait lieu, plusieurs enseignants et enseignantes ont soulevés des inquiétudes quant aux risques liés à l’utilisation de ChatGPT en classe. Cela a suscité une réflexion sur la manière d’aborder l’IA générative.

Cet article tente de définir l’intégrité intellectuelle en contexte scolaire et propose des moyens de la promouvoir, sans égard à l’ambiguïté du contexte actuel. Des conseillers pédagogiques, une technicienne en documentation et des enseignants de différentes disciplines partagent ici leurs préoccupations et leurs pistes de solutions, sur la base de leurs propres expériences.

Les dimensions de l’ambiguïté

Pendant l’atelier qui a eu lieu au Cégep Champlain – St. Lawrence, la question de concilier l’IA générative avec l’intégrité intellectuelle a été abordée sous plusieurs angles.

  • Une personne a témoigné du fait que l’un de ses étudiants avait tenté de consulter ChatGPT avec un appareil mobile lors d’un examen en présentiel. Il a été convenu que, non seulement ce type de tricherie est injuste pour les autres élèves, ce l’est aussi pour ceux et celles qui trichent.
  • D’autres ont mentionné qu’il ne s’agissait que d’un chapitre de plus dans le jeu du chat et de la souris de la lutte aux outils comme Sparknotes, Cliffnotes, etc.
  • Plusieurs percevaient la nécessité de changer les devoirs et les évaluations susceptibles d’être minés par cet outil.

Les préoccupations soulevées lors des conversations au collège ont amené Quinn à se questionner abondamment. Le mot-clé pour lui était «ambiguïté», puisqu’un grand nombre de questions sont restées sans réponse:

  • Ce que ChatGPT peut ou ne peut pas faire change constamment, comme c’est le cas pour plusieurs des outils que nous utilisons. Quand les enseignants et les enseignantes préparent des critères d’évaluation qui correspondent aux tâches du cours, comment ces tâches peuvent-elles être contextualisées si les outils offerts aux élèves (et leur environnement numérique, en fait) évoluent constamment?
  • On peut facilement imaginer qu’un étudiant ou une étudiante qui triche avec ChatGPT dans un travail asynchrone peut terminer ce devoir en beaucoup moins de temps que ses pairs. De plus, la capacité des élèves à exploiter l’IA générative peut varier en fonction de:
    • leur niveau d’accès aux ordinateurs et au wifi à la maison
    • leur compétence technologique
    • leur conscience de ce que ChatGPT peut ou ne peut pas faire (à un moment donné)
    • la capacité à rédiger de bonnes invites
    • les méthodes pour masquer son utilisation de l’outil
    • etc.

À ce titre, dans quelle mesure les dimensions énumérées pourraient-elles représenter des menaces pour l’équité numérique?

  • Considérant la différence de contexte entre un étudiant qui rédigeait une dissertation à l’hiver 2022 et un étudiant qui le fait à l’hiver 2023, nous pouvons comprendre que les futurs contextes de nos élèves (scolaires ou professionnels) pourraient évoluer de manière difficile à prévoir. À ce titre, comment les évaluations basées sur les compétences d’aujourd’hui peuvent-elles être liées aux compétences dont les élèves auront besoin à l’avenir ?
  • Étant donné que l’hiver 2023 est le 1er semestre complet au cours duquel ChatGPT est disponible, il est difficile de comprendre l’expérience des élèves. Dans quelle mesure est-ce que les étudiants utilisent ChatGPT? Dans quelle mesure leurs propres conceptions de l’intégrité intellectuelle sont-elles en train de changer?
  • ChatGPT puise dans une grande quantité de contenus web protégés par des droits d’auteurs. De plus, la Politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages (PIEA) des établissements stipule généralement que le plagiat consiste à utiliser le travail de «quelqu’un» d’autre. Quel est le statut du droit d’auteur du matériel généré par l’IA? Le terme «quelqu’un» utilisé par les PIEA s’applique-t-il aussi à l’IA?

Les spécialistes de l’éducation ouverte en connaissent long au sujet du droit d’auteur. Certains proposent des idées d’utilisations des outils d’IA qui respectent le droit d’auteur [en anglais].

Il y a des nuances philosophiques et politiques aux questions ci-dessus. Ce sont nos sociétés qui doivent y répondre afin de définir le type de monde dont nous voulons que nos apprenants et apprenantes héritent. Cela définira les futurs programmes pédagogiques, qui à leur tour définiront les activités d’évaluation qui seront imbriquées dans lesdits programmes. Hélas, puisque c’est notre société dans son ensemble qui doit répondre à ces questions, nous arrêtons là notre réflexion et nous limitons au périmètre de l’intégrité intellectuelle dans le contexte ambigu actuel.

Qu’est-ce que l’intégrité intellectuelle et pourquoi s’en préoccupe-t-on?

Au printemps 2020, les bibliothécaires et les répondants TIC du réseau collégial (REPTIC et REBICQ) ont produit le Guide sur le plagiat et l’intégrité intellectuelle. Ce guide a fait l’objet d’un article dans Éductive.

Les apprenants et les apprenantes qui font preuve d’intégrité intellectuelle sont ceux et celles qui accomplissent leur travail en respectant les normes et les règlements, en particulier en ce qui concerne l’utilisation du travail des autres. La triche et le plagiat sont des manquements à l’intégrité intellectuelle. Ces manquements affectent toutes les personnes impliquées, des élèves qui les font jusqu’à leurs futurs collègues de travail, en passant par le personnel pédagogique du collège et toute la société, même.

En effet, le Cadre de référence de la compétence numérique est la preuve que certaines préoccupations ont existé au ministère de l’Éducation et au ministère de l’Enseignement supérieur depuis le lancement de ce cadre de référence en 2018. «Agir en citoyen éthique à l’ère du numérique» est une dimension centrale du cadre de référence. L’intégrité intellectuelle est une description adéquate des résultats clés du développement de cette dimension de la compétence. Si les apprenants et les apprenantes exercent une citoyenneté éthique à l’ère numérique, cela implique qu’ils et elles font preuve d’intégrité intellectuelle. Ainsi, la dimension «Agir en citoyen éthique à l’ère du numérique» du cadre de référence oriente, de façon très large, la promotion de l’intégrité intellectuelle à l’ère de l’intelligence artificielle.

Non seulement nous nous soucions de l’honnêteté des étudiants, mais la promotion de l’intégrité intellectuelle fait également partie du processus d’apprentissage basé sur la recherche qui est au cœur de l’enseignement supérieur. En ce sens, l’intégrité intellectuelle va de pair avec la pensée critique et la métacognition, autres traits distinctifs de l’enseignement supérieur. L’intégrité intellectuelle des élèves les amène à apporter d’importantes contributions à la société du savoir, même lorsqu’ils et elles quittent nos collèges.

Le passage d’une vision axée sur le plagiat à une vision axée sur l’intégrité intellectuelle, comme le décrit Eaton (2022 [en anglais], 2023) et comme cela a été fait dans le guide REPTIC-REBICQ mentionné précédemment, est essentiel. Notre rôle en tant que pédagogues est de promouvoir un comportement approprié à long terme, pas de contrôler les comportements pendant que les étudiants et étudiantes sont inscrits dans nos établissements. De plus, une stratégie à long terme pour promouvoir l’intégrité intellectuelle aide à prévenir le plagiat et la tricherie au lieu de sanctionner des personnes après qu’elles se soient mal comportées.

Certaines des meilleures pratiques dans la promotion de l’intégrité intellectuelle rappellent des principes pédagogiques importants comme :

Comme certains enseignants ou certaines enseignantes d’expérience pourraient le dire à la fin d’un atelier: «Eh bien! C’est juste de la bonne pédagogie!» Exactement!

Comment l’intégrité intellectuelle est-elle liée à la situation actuelle avec des outils basés sur l’IA? Étant donné qu’un accès facile et généralisé à ces outils diminue l’effort nécessaire pour tricher ou plagier, de nombreuses personnes à travers le réseau perçoivent un besoin urgent de contrer une tendance négative parmi les élèves. La promotion de l’intégrité intellectuelle est le contrepoids qu’il faut.

Peut-être que l’intégrité intellectuelle est un facteur encore plus important dans le comportement humain lorsque les machines peuvent accomplir un nombre croissant de tâches. Si les robots peuvent faire l’essentiel du travail (même celui effectué par des professionnels ou des professionnelles), doit-on confier des responsabilités humaines importantes à des personnes qui ont développé un sens aigu de l’honnêteté et qui sont capables de le démontrer? Ou sommes-nous à l’aise avec des gens qui prennent des raccourcis autant que possible? Un ordinateur n’est ni honnête ni malhonnête. Mais les humains malhonnêtes qui utilisent des ordinateurs peuvent exercer une influence indue sur les autres.

Ces compétences sont liées au professionnalisme.

Les parcours scolaires pourraient intégrer ces compétences dans les programmes décrits dans les devis ministériels.

Les pédagogues ont la responsabilité de promouvoir l’intégrité intellectuelle. Cependant, il peut être difficile d’assumer ces responsabilités compte tenu de l’ambiguïté des concepts impliqués: droit d’auteur, équité dans les contextes actuels et futurs, développement de nouvelles technologies.

Lorsque les apprenants et les apprenantes travaillent sur des ordinateurs portables au cégep, ChatGPT peut avoir des avantages différents de ceux qui seront présents sur leur futur lieu de travail. Dans quelle mesure l’équité numérique est-elle menacée lorsque de nouvelles fractures numériques s’enracinent? Quel est le statut du droit d’auteur du matériel généré par l’IA? Quelles expériences étudiantes pouvons-nous concevoir, dans la mesure où nous savons que certains devoirs peuvent être facilement réalisables, en tout ou en partie, avec l’IA? Y a-t-il un double message lorsque certains enseignants ou certaines enseignantes prônent une utilisation appropriée des outils alors que d’autres les interdisent purement et simplement ? Nous sommes déjà passés par là, même si la situation est différente.

Pour répondre à certaines de nos questions, Quinn a sollicité des membres du personnel pédagogique au Cégep Champlain – St. Lawrence pour leurs perspectives, basées sur leurs expériences en classe.

Pratiques en classe

Bien que l’exploitation du numérique pour tricher et plagier ait une longue histoire, l’IA générative n’attire l’attention des médias que depuis peu.

Ce que les théoriciens et théoriciennes des technologies éducatives pourraient décrire comme les affordances perçues et réelles de l’IA générative pour les élèves est résumé dans la métaphore suivante: les étudiants ont toujours eu ce couteau suisse à la maison, mais il était caché sous le canapé. Maintenant, il est entre les mains de nos élèves.

L’intégrité intellectuelle est passée au premier plan des discussions entre enseignants et enseignantes. Bien que nous puissions parler pendant des jours des implications plus larges de ces outils, la question est: «Que faisons-nous cette session-ci?». Au Cégep Champlain — St. Lawrence, le personnel pédagogique a exprimé diverses préoccupations concernant ChatGPT et a proposé des solutions connexes.

Martin Thériault (Enseignant en tourisme)

J’ai des inquiétudes limitées concernant l’utilisation de ChatGPT par nos élèves. Le tourisme est un programme technique avec un petit nombre d’élèves. Dans les cours liés au développement de produits, à la gestion d’événements ou au marketing, les élèves travaillent souvent sur des projets qui s’étendent sur toute la session. Ces projets font l’objet d’un suivi hebdomadaire. Les élèves doivent justifier chaque étape en faisant des liens avec des grilles ou des modèles vus en classe. Dans ce contexte, je vois mal comment les élèves pourraient utiliser ChatGPT pour tricher.

Pour les cours d’initiation, ça me semble plus inquiétant. Par exemple, je n’ai aucun doute que ChatGPT pourrait facilement suggérer des descriptions valides pour les canaux de distribution utilisés dans notre industrie, ou qu’il pourrait créer des forfaits appropriés à différentes clientèles. Encore une fois, je pense que l’intégrité intellectuelle pourrait être assurée par un suivi adéquat des progrès des élèves et un choix approprié des méthodes d’évaluation.

Jeffery Aubin (enseignant de Humanities)

Dans mes cours de philosophie, l’accent est mis sur les compétences en lecture et en compréhension. Au lieu de commencer les cours par des discussions en plénière au sujet de textes simples, nous plongeons tout de suite dans des textes dans lesquels le niveau de langage est plus relevé. L’idée est de développer des compétences en lecture et de favoriser l’assimilation d’idées complexes dès le début afin que les conversations ultérieures puissent aborder les problèmes plus profonds évoqués par les philosophes.

Au départ, j’encourage les élèves à construire leurs idées et à comprendre tout ce qu’ils peuvent du texte, sans consulter de sources externes. Lorsqu’un élève (ou n’importe quel lecteur ou lectrice, en fait) ne comprend pas un mot ou une phrase dans un livre, un article ou un magazine, il a 2 options:

  1. trouver la réponse immédiatement à partir d’une ressource externe
  2. lire davantage et construire sa propre compréhension progressivement grâce à la contextualisation

Bien que je souhaite promouvoir la 2e option, je crains que la tentation de consulter ChatGPT ne pousse plus d’élèves à choisir la 1re. J’explore actuellement des stratégies qui augmenteront la valeur ajoutée de «s’approprier le texte». Non seulement j’espère aider les élèves à mieux comprendre le contenu, mais j’espère aussi favoriser leur croissance en tant qu’individus.

Philippe Blouin (enseignant de Humanities)

J’ai trouvé l’arrivée soudaine de ChatGPT intimidante (pour ne pas dire carrément terrifiante), étant donné que la plupart de mes évaluations sont des devoirs écrits effectués à la maison, sur des questions auxquelles ChatGPT répond généralement assez bien.

Une solution simple serait de faire les devoirs en classe, mais cela se ferait au détriment du volet «recherche» des devoirs, que je juge crucial. Je veux que les étudiants apprennent non seulement à penser de façon autonome, mais aussi avec d’autres auteurs fiables, qui parlent de manière pertinente de la question posée.

Ainsi, après mûre réflexion, j’ai décidé de mener une petite expérience, au lieu de prétendre que ChatGPT n’existait pas ou que les élèves ne l’utiliseraient pas. J’ai décidé de tester ChatGPT en classe avec les élèves. J’ai saisi dans l’invite de commande de ChatGPT la question que je venais de donner aux élèves pour leur devoir («Vivons-nous dans une simulation?»). Mon but était de montrer aux élèves les forces et les faiblesses de ChatGPT.

ChatGPT a été assez bon pour résumer les principaux arguments pour et contre, ainsi que pour indiquer certaines sources fiables dans le domaine. Cependant, ensuite, je lui ai demandé de citer directement ces sources en relevant les arguments les plus forts, et donner les références complètes de ces citations. Cela m’a conduit à 2 «opportunités d’enseignement»:

  1. Les citations identifiées par ChatGPT étaient intéressantes, mais ne constituaient pas de véritables arguments. Ainsi, les élèves devraient quand même lire la source dans son intégralité pour comprendre le raisonnement de l’auteure et identifier ses principaux arguments avant d’en parler dans leur travail.
  2. À ma grande surprise, ChatGPT m’a donné un numéro de page pour la citation qu’il avait identifiée. Or, ce numéro me semblait incorrect. J’ai vérifié en classe et, effectivement, le numéro de page était faux. Les élèves ont constaté, encore une fois, qu’ils et elles ne pouvaient faire une confiance aveugle à ChatGPT.

Ce sont des éléments importants: ChatGPT doit être utilisé comme un outil pour faciliter la recherche, et non comme un substitut à son propre jugement critique.

Finalement, lorsque les travaux ont été remis, j’avais peur que ma petite expérience ne conduise à une grande réduction de la diversité des opinions ou à une similitude dans la forme et le contenu. Ça n’a pas été le cas. Les papiers sont venus avec les erreurs habituelles, et je n’ai eu que 2 cas clairs de plagiat de ChatGPT (ce qui est probablement la nouvelle norme, que nous introduisions ChatGPT ou non en classe).

Bref, je conclus de cette petite expérience qu’il vaut mieux ne pas jouer à l’autruche, mais être proactifs et transparents avec nos élèves, et les aider à voir l’intérêt et les limites de ce nouvel outil qui est là pour rester.

Patrick Savard (enseignant d’anglais)

En tant qu’enseignant de littérature, j’ai peur que ChatGPT et ses semblables ne minent la capacité des élèves à analyser un texte de façon critique, dans une ère où lire quoi que ce soit dont la longueur dépasse celle d’un texto est un défi.

Je teste le potentiel de ChatGPT depuis quelques semaines maintenant, et je suis un peu moins inquiet que lorsque j’en ai entendu parler pour la 1re fois. ChatGPT est incapable de citer des textes primaires, de comparer précisément des textes différents et d’aller plus loin que la surface des œuvres littéraires. Ce sont des choses que je garde à l’esprit lorsque je conçois mes évaluations maintenant.

Malgré cela, je pense qu’il faut essayer d’utiliser ChatGPT en classe (il y a des utilisations intéressantes, selon le sujet), pour 3 raisons :

  1. montrer aux élèves comment ChatGPT peut être utilisé efficacement
  2. entamer une discussion sur l’intégrité intellectuelle
  3. montrer aux élèves que nous savons que ChatGPT existe, ce qui peut les décourager de l’utiliser plus tard

Une autre préoccupation que j’ai avec l’IA est que j’ai passé beaucoup de temps et d’énergie à faire des recherches sur la pédagogie centrée sur l’élève (pédagogie inclusive). Avec les transformations qu’il faut faire pour garantir l’intégrité intellectuelle dans le cours (comme augmenter le nombre d’évaluations en classe), je crains de laisser derrière moi certaines pratiques centrées sur l’élève. Par conséquent, je me demande quel est l’impact de ChatGPT sur les Services adaptés.

Les questions d’intégrité intellectuelle deviennent de plus en plus complexes. À cause de cela, le dialogue est la clé. Les problèmes qui émergent ne reposent pas uniquement sur les épaules des enseignants et des enseignantes: ils concernent l’ensemble de l’établissement. Au fur et à mesure que les enseignants et les enseignantes s’adaptent à des outils en constante évolution et aux menaces qu’ils causent à l’intégrité intellectuelle, ils et elles ont besoin de se sentir soutenus et d’avoir accès à des individus ou des groupes dans leur collège pour les aider à faire face à ces problèmes.

De plus, les établissements doivent réévaluer les politiques et les paramètres relatifs aux tests. Par exemple, les personnes étudiantes devraient-elles être autorisées à quitter une salle d’examen? Si oui, pour combien de temps?

Le soutien doit venir à la fois sous la forme d’une confiance et d’une collaboration solides entre le personnel pédagogique et l’administration et sous la forme de politiques solides sur lesquelles tous les employés et toutes les employées peuvent compter.

Shanelle Guitard (technicienne en documentation)

D’un point de vue de bibliothécaire, mes préoccupations sont liées à la façon dont l’IA générative se développera à l’avenir. Les élèves savent que l’IA jouera un rôle dans le futur; nous devons accepter qu’elle est là pour rester. Parce que, à ma connaissance, l’accès à ChatGPT est ouvert, et parce qu’il n’y a pas de moyen infaillible de détecter le travail produit par l’IA (à moins de très bien connaître nos élèves), n’importe qui pourrait soumettre un essai qu’il ou elle n’a pas écrit.

J’ai l’impression que c’est comme lorsque nous avons commencé à inclure les sites web comme source d’information. Au lieu d’en bloquer complètement l’accès et de demander aux étudiants de n’utiliser que des livres physiques comme sources, nous les avons intégrés dans les pratiques de recherche. En fin de compte, mon inquiétude est que de nouveaux types de tricherie émergent à mesure que de nouvelles ressources seront à la disposition des élèves.

Pour contrer cela, au lieu d’interdire ces outils, nous devrions les intégrer comme sources d’information. Des membres du Regroupement des bibliothèques collégiales du Québec (REBICQ) ont suggéré d’inclure des méthodes pour citer ChatGPT comme source d’information dans les travaux écrits. En fait, il y a eu des discussions dans REBICQ sur la façon de citer ChatGPT au format MLA.

En bref, les bibliothécaires préparent des moyens d’intégrer ces technologies à leurs politiques institutionnelles sur l’intégrité académique.

Autres enseignantes et enseignants

D’autres enseignants et enseignantes du Cégep Champlain — St. Lawrence ont exprimé des inquiétudes quant à la façon dont notre dépendance à l’IA générative peut diluer le contenu que nous produisons. Le contenu produit par ChatGPT semble être assez général et suit une tendance bien définie. L’outil ne parvient pas à reproduire l’évolution des idées, la créativité ou la spontanéité qu’un humain éprouve lors de la rédaction et de la refonte des textes. L’attrait de ces outils, à mesure qu’ils deviennent de plus en plus pratiques pour les élèves et le personnel enseignant, peut nous mener à produire et à accepter un travail qui suit les normes et exclut les valeurs extrêmes.

Bien que ce type d’outil puisse devenir utile dans certaines circonstances, il est important de souligner l’intérêt de suivre ses propres processus de pensée sans consulter l’IA générative.

Une idée formulée par une personne lors de l’atelier est de demander aux élèves de faire de courts devoirs écrits dans lesquels ils réfléchissent au matériel de cours qu’ils ont couvert. Les conseils et le soutien de l’enseignant ou de l’enseignante pendant ces séances peuvent renforcer la confiance des élèves et les encourager à suivre leurs propres idées et instincts.

Vous pouvez également proposer des options liées au format de support que vos élèves choisissent pour soumettre leur travail. Non seulement cela encourage les élèves à sortir des sentiers battus, mais cela correspond aux directives de la conception universelle des apprentissages (CUA) [PDF].

Vous pouvez également encourager ou obliger vos élèves à travailler par étapes pour éviter qu’ils et elles se tournent vers ChatGPT s’ils et elles croulent sous la pression de dernière minute. Cela aurait pour effet supplémentaire d’étayer le développement des compétences organisationnelles dans le travail en classe.

Enfin, l’ambiguïté du droit d’auteur vis-à-vis de l’IA et la difficulté que ChatGPT a dans sa propre intégrité intellectuelle [en anglais] peuvent être exploitées en demandant aux élèves de valider leurs références et d’utiliser des outils comme Zotero.

Un héritage pédagogique pour l’intégrité intellectuelle

Pour résumer, les préoccupations quant à l’intégrité intellectuelle à l’ère de l’IA sont liées:

  • au plagiat et à la tricherie, car l’outil permet aux élèves d’obtenir instantanément des travaux écrits en fonction de leurs demandes
  • au fait que les élèves ne font pas les recherches exigées ou comprennent mal les fondements des arguments qu’ils et elles présentent dans leurs travaux
  • à la capacité réduite des individus à penser par eux-mêmes, car l’outil augmente grandement la capacité des élèves à accomplir des tâches sans développer les compétences visées.

Des pistes de solutions existent à différents niveaux.

Dans la classe:

  • Offrir du soutien aux élèves
  • Être proactif et transparent avec les élèves
  • Encourager l’utilisation de ChatGPT comme outil de recherche
  • Encourager les étudiants et les étudiantes à s’approprier l’information pour eux-mêmes et elles-mêmes
  • Favoriser la confiance des élèves en leurs propres idées
  • Faire travailler les élèves par étapes
  • Choisir des méthodes d’évaluation appropriées

Dans le département:

  • Pendant une journée pédagogique, organiser une discussion sur l’intégrité intellectuelle

Dans l’établissement:

  • Mettre à jour les politiques pour tenir compte des menaces à l’intégrité intellectuelle
  • Créer un comité sur l’intégrité intellectuelle

Les idées précédentes représentent différentes pistes de solutions. Le défi est de les adapter à votre contexte d’enseignement (toutes les idées peuvent être améliorées [en anglais]).

Notre but est d’aider toute la communauté.

Nous sommes tous dans le même bateau. Et nous devons nous rappeler que tout ne repose pas sur nos épaules. Certaines de ces idées, en particulier la question de l’équité, pourraient nécessiter une discussion aux niveaux pédagogique, philosophique et même politique. On peut se demander comment on peut influencer les jeunes pousses de la Silicon Valley pour qu’elles conçoivent des outils qui favorisent davantage l’intégrité intellectuelle. Après tout, l’UNESCO adopte des recommandations qui visent l’équité et les principes connexes. Le Canada est signataire. Compte tenu des défis évolutifs et ambigus à l’intégrité intellectuelle, nous devons rester soudés, nous devons développer nos idées ensemble et partager nos expériences les uns et les unes avec les autres (savoir communautaire, responsabilité collective).).

Nous espérons que cet article et les témoignages d’enseignants et d’enseignantes qu’il contient alimenteront les discussions et la collaboration futures.

Et vous? Comment les pistes de solutions ci-dessus pourraient-elles être appliquées à votre propre contexte d’enseignement? Quelles autres préoccupations avez-vous concernant l’IA générative et quelles pistes de solutions voyez-vous? Nous vous invitons à partager vos réponses à ces questions dans la section commentaires ci-dessous.

À propos des auteurs

Quinn Johnson

Quinn Johnson est un ancien enseignant d’anglais langue seconde. Il est diplômé de l’Université Laval en technologie éducative. Il a travaillé avec la Vitrine Technologie Éducation (aujourd’hui Collecto) dans son projet de développement d’un portail pour les ressources éducatives libres. Il travaille actuellement comme conseiller pédagogique au Cégep Champlain – St. Lawrence à Québec.

Alexandre Enkerli

Alexandre accompagne les professionnels de l’apprentissage dans leur appropriation technologique selon leurs contextes spécifiques, comme il le faisait en tant que technopédagogue pour la Vitrine technologie-éducation de 2014 à 2016 et comme conseiller technopédagogique chez Collecto de 2021 à 2023. Alexandre occupe de nouveau ce rôle après des incursions à Ottawa (conception de parcours d’apprentissage en cybersécurité et d’une expérience d’apprentissage en ligne massive et ouverte à tous (CLOM) sur la participation publique ) et au Saguenay-Lac-Saint-Jean où il a travaillé au COlab sur un projet recherche-action participative .

Jeffery Aubin

Jeffery Aubin est enseignant de Humanities au Cégep Champlain – St. Lawrence. Diplômé en études classiques, il détient une maîtrise en littérature ancienne et un doctorat en études religieuses, en philosophie de la religion. Comme philologue et enseignant, Jeffery croit que développer d’excellentes capacités de lecture est essentiel à la pensée critique et à la pensée indépendante.

Martin Thériault

Martin Thériault est enseignant en tourisme au Cégep Champlain – St. Lawrence, à Québec. Depuis plusieurs années, il donne divers cours liés au développement de produits touristiques et au tourisme durable.

Patrick Savard

Patrick Savard enseigne l’anglais au collégial depuis 20 ans. Il a donné tous les cours de base et développé un certain nombre de cours complémentaires dans le programme Arts et littérature au Cégep Champlain – St. Lawrence.

Philippe Blouin

Philippe S. Blouin est enseignant en Humanities au Cégep Champlain – St. Lawrence à Québec. Il est également chercheur en philosophie et se spécialise en phénoménologie husserlienne.

Shanelle Guitard

Shanelle Guitard travaille comme technicienne en documentation depuis 2018. Elle travaille à la bibliothèque du Cégep Champlain – St. Lawrence depuis 2022.

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