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Ce texte a initialement été publié par Profweb sous licence CC BY-NC-ND 4.0 International, avant la création d’Éductive.

La pandémie de COVID-19 a forcé le département de français du cégep de Saint-Laurent à revoir les modalités du test de classement en français pour les étudiants allophones. Se tourner vers Moodle n’a pas été sans difficultés, mais les efforts en ont nettement valu la peine!

À qui s’adresse le test de classement ?

C’est à partir de ses résultats en français de secondaire 5 qu’un étudiant accède au premier cours de français de la séquence régulière ou, s’il éprouve plus de difficulté, est redirigé vers le cours de Renforcement. Ainsi, un candidat n’ayant pas fait ses études au Québec doit être évalué afin de pouvoir intégrer un cours qui sera adapté à son niveau. À travers le réseau collégial, il n’y a pas de manière commune d’évaluer la qualité de la langue des étudiants que l’on dit «allophones».

Note de l’auteure
Notons que l’appellation «allophone» ne témoigne pas tout à fait de la réalité puisque nombre de candidats provenant de pays francophones font partie de ce groupe. En effet, à défaut de connaître et comprendre les standards des systèmes d’éducation desquels ils sont issus, nous n’avons pas d’autres solutions que de leur faire faire un examen de français.

Le test de classement en français en temps normal

Au cégep de Saint-Laurent, le test est relativement exhaustif :

  • 70 questions de grammaire à choix multiples
  • 1 texte de 250 mots sur un sujet imposé
  • 1 dictée d’un peu plus de 100 mots
  • 1 entrevue d’une dizaine de minutes avec un enseignant du département de français

Les examens sont corrigés par un comité formé de plusieurs enseignants. Chaque année, c’est environ 150 à 200 dossiers qui sont traités.

En mars 2020, au moment des admissions du premier tour, nous avons été confrontés à l’impossibilité de tenir nos journées d’examen en présence et, ainsi, à la nécessité de trouver une autre manière de procéder aux évaluations.

Dans l’urgence, nous avons réduit notre test à une simple rédaction réalisée à distance dans un format de type questionnaire fait à partir des outils Google Forms. Dès le début de la session d’automne, il est apparu que cela n’avait pas été suffisant et n’avait pas permis une classification optimale des dossiers.

En effet, nombre d’étudiants ont eu recours au soutien du correcteur automatique de leur logiciel de rédaction et leurs résultats ne témoignaient pas de leurs compétences réelles. Plusieurs étudiants ont dû être changés de cours alors que la session d’automne était déjà entamée, ce qui était loin d’être idéal, autant pour eux que pour la coordination départementale et l’organisation scolaire. Certains ont même été redirigés vers le cheminement tremplin DEC de la formation continue puisqu’ils avaient un niveau insuffisant pour entamer des études à la formation régulière, ne comprenant pas leurs professeurs à l’oral.

Évaluer avec Moodle

Il fallait donc impérativement trouver une manière plus fiable d’évaluer les compétences langagières des candidats. C’est vers Moodle que je me suis tournée pour construire le nouvel examen, désireuse de réintégrer une partie portant sur la grammaire.

Le premier avantage de Moodle est qu’il offre une grande possibilité de choix quant au type de questions que l’on peut créer :

  • choix multiples
  • réponses courtes
  • appariement
  • etc.

La plupart de ces options permettent une correction automatique, ce qui constitue un avantage évident. De plus, dans la conception pédagogique du test, on peut regrouper les questions par catégorie (par exemple : orthographe, homophones) et lier ces catégories à la banque de questions produite antérieurement. Nous pouvons ainsi distribuer de manière aléatoire les questions selon leur catégorie. Si cette partie de la conception pédagogique est relativement longue, elle a cependant d’importants avantages. D’une part, cela réduit considérablement les possibilités de plagiat. D’autre part, la banque de questions peut être réutilisée pour constituer d’autres examens, par exemple.

Vue d’un étudiant lors de la réalisation du test

Vue de l’évaluateur

En ce qui a trait à la rédaction de 250 mots, une banque de questions à réponse longue a été créée, de sorte que les sujets varient d’une personne à l’autre. D’ailleurs, les correcteurs intégrés des navigateurs internet ne détectent que très peu d’erreurs. Cet avantage est majeur lorsqu’on cherche à évaluer la qualité du français écrit dans un texte.

Enfin, l’examen se terminait par une entrevue avec un enseignant du département de français. Les enseignants avaient la responsabilité d’envoyer un lien Zoom par courriel aux étudiants auxquels ils étaient associés pour réaliser cette entrevue.

Afin de permettre à chaque enseignant d’avoir une vue d’ensemble du dossier d’un candidat avant d’émettre un jugement final permettant de diriger la personne vers le cours le plus approprié, ils ont tous été ajoutés à la page de ce test dans Moodle. Cela leur permettait, par ailleurs, de corriger directement la rédaction dans le système.

Vue de l’évaluateur – correction et note directe de la rédaction dans Moodle

Coordonner l’implantation d’un test en ligne

Toute cette logistique n’a pas été simple. D’abord, un apprentissage des rouages de Moodle a été nécessaire.

Ensuite, il a fallu un énorme soutien de la Direction des ressources technologiques (DRT), entre autres pour la gestion des accès des candidats. En effet, n’étant pas encore inscrits au cégep, ils n’avaient pas de numéro d’admission (DA) et ne faisaient pas partie du système Moodle. L’équipe d’infrastructure informatique de la DRT et le service technopédagogique ont établi un processus d’accès à une deuxième plateforme Moodle. Ils ont créé les utilisateurs et envoyé automatiquement la procédure de connexion aux candidats (nom d’utilisateur et mot de passe) ainsi que les informations sur la manière de demander de l’aide en cas de difficulté informatique.

De plus, du matériel pour soutenir les étudiants dans leur utilisation de la plateforme a dû être produit :

  • messages détaillés avec captures d’écran
  • tutoriels
  • présentation PowerPoint.

Un séance d’information sur Zoom précédait le début de l’examen. Un lien devait donc être transmis aux étudiants, ce qui nécessitait une manipulation supplémentaire. Moodle évoluant constamment, il est dorénavant possible de planifier une activité en y intégrant un lien vers la plateforme de visioconférence Teams. Cela a l’avantage de concentrer les informations et de réduire les manipulations technologiques pour les organisateurs.

Afin de ne pas laisser les étudiants à eux-mêmes en cas de pépins technologiques, ceux-ci pouvaient rester connectés à la plateforme de visioconférence Zoom après la séance d’information qui précédait la passation de l’examen. Ils étaient envoyés dans des salles différentes de sorte qu’ils ne voyaient pas les autres, mais pouvaient, en tout temps, demander le soutien technique d’une personne responsable qui demeurait connectée tout au long de l’examen. Encore une fois, les techniciens informatiques du cégep ont donné beaucoup de temps, demeurant disponibles pour répondre aux besoins techniques qui dépassaient ce que la personne responsable pouvait gérer. C’est par l’entremise d’un nouveau service appelé DRT Virtuelle que cette aide a été fournie.

L’étudiant peut accéder au service de soutien informatique DRT Virtuelle en tout temps lors de son examen.

Formation des enseignants-évaluateurs

L’autre importante difficulté rencontrée est que les enseignants du comité d’évaluation devaient eux-mêmes se familiariser avec la plateforme Moodle que peu d’entre eux connaissaient. Cela a généré du découragement chez certains, d’une part. D’autre part, cela a eu comme effet négatif une sous-utilisation des résultats du test. En effet, plusieurs évaluateurs ont peu consulté les résultats de la partie grammaire pour émettre leur jugement final, se fiant essentiellement à la rédaction et à l’entrevue qu’ils avaient réalisées. Ainsi, l’analyse des dossiers n’a pas été aussi raffinée qu’elle aurait pu l’être. Cela s’améliorera certainement à l’usage.

Afin d’aider les évaluateurs, un tutoriel et une copie du test ont été mis à la disposition des évaluateurs dans l’espace Moodle pour qu’ils puissent se pratiquer à corriger et à noter le test. J’ai aussi organisé de petites formations avec eux afin de leur montrer l’interface Moodle et les étapes à suivre pour bien procéder à l’évaluation de la partie rédaction du test.

Les prochaines étapes du projet

Ce projet de test en ligne a eu une suite inattendue : à la fin du mois de novembre, l’organisation scolaire nous apprenait que le ministère avait rendu inaccessibles toutes les notes de français de secondaire 5 pour l’année 2019-2020. Ainsi, nous n’avions aucun résultat chiffré pour classer les étudiants qui faisaient une demande d’admission au collégial pour l’hiver 2021. En quelques heures seulement, le test Moodle a été adapté pour ces personnes.

Une fois cette étape franchie, le test a connu un nouveau rebondissement : certains étudiants avaient droit à des mesures adaptatives, ce que nous n’avions pas prévu. Heureusement, Moodle offre plusieurs possibilités et permet de joindre un fichier dans les questions à réponse longue. Cette option a été ajoutée et le temps pour la passation du test a été allongé pour tous les participants, dans une perspective de conception universelle de l’apprentissage. Il est à noter que nous aurions aussi pu utiliser la fonction «dérogation» de Moodle pour offrir du temps supplémentaire, soit aux étudiants ayant droit à des mesures adaptatives seulement, soit à l’ensemble du groupe. En somme, l’investissement de départ, en termes de temps, s’est avéré fort rentable dans cette situation!

Pour en apprendre davantage sur la conception universelle de l’apprentissage et découvrir différentes fonctionnalités et outils numériques pouvant contribuer à rendre l’apprentissage plus accessible à tous les étudiants, Profweb vous suggère son dossier Des outils numériques pour soutenir une approche pédagogique inclusive.

Finalement, Moodle est un outil très utile, non seulement pour l’enseignement à distance, mais comme plateforme d’apprentissage en général. Évidemment, comme toute chose, cela nécessite de maitriser l’outil au moins minimalement, ce qui est vrai pour les enseignants, mais aussi pour les étudiants qui doivent apprendre à naviguer sur la plateforme. Si les apprentissages que la situation sanitaire actuelle nous imposent de faire sont parfois éreintants, si les difficultés techniques rencontrées sont souvent frustrantes, si les plateformes ne sont pas non plus une panacée, il n’en demeure pas moins que la découverte de nouveaux outils constituent au final, à mon avis, un gain pour tous.

Remerciements
Merci à Sirléia Rosa, analyste technopédagogique et répondante TIC et à son équipe à la Direction des ressources technologiques (DRT) du cégep de Saint-Laurent pour leur collaboration à ce projet.

À propos de l'auteure

Annie Gingras

Elle enseigne le français au cégep de Saint-Laurent depuis 2006. Au cours de sa carrière, elle a assumé les fonctions de coordonnatrice départementale, ce qui lui a permis de prendre en charge divers dossiers, dont celui des admissions des étudiants allophones. Depuis 2017, elle est responsable de l’amélioration de la maîtrise de la langue dans son cégep et elle s’implique activement dans le Réseau des répondants et répondantes du dossier du français (Réseau repfran).

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