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10 mai 2021

La classe comodale: une classe sans papier?

Pendant la pandémie, j’ai donné quelques cours de façon comodale. Voulant tirer parti de tous les moyens technologiques à ma disposition, j’ai plutôt constaté que les étudiants qui venaient en classe physiquement avaient choisi de le faire pour, justement, prendre une pause du numérique.

En avril 2021, après 17 ans de carrière, je peux dire que j’ai donné les classes les plus high-tech de ma vie : 4 écrans, 2 caméras, souris et clavier sans fil, dans un environnement digne d’un scénario de science-fiction où il fallait porter des couvre-visages et désinfecter la salle avant et après le passage des étudiants. Je n’ai bizarrement pas eu peur de donner des cours comodaux. Je me disais : l’important, c’est de retrouver les étudiants, sous quelque modalité que ce soit.

J’ai tout de même fait mes recherches avant de concevoir mes cours :

  • articles universitaires
  • revues pédagogiques
  • entrevue de collègues d’autres cégeps
  • etc.

Pendant cette recherche, un souvenir s’imposait : une étudiante m’avait envoyé une photo de voyage d’une salle de classe au Népal juste avant la pandémie.

La photo d’une salle de classe népalaise prise par mon ancienne étudiante Taylor Winlo

Sur la photo, on voyait une pièce sombre dans une maison de pierres modestement meublée avec 2 longs bancs et 2 tables. Un tableau blanc qui semblait un peu usé était suspendu sur les pierres. Et c’est tout. Chaque fois que je préparais mes cours comodaux, je pensais à cette image de simplicité dans la relation pédagogique : l’enseignant, l’étudiant et la matière. Pas de média entre les 2. Une relation directe, sans chichi.

Une première expérience d’enseignement à distance en 2014

J’ai commencé à donner des cours en ligne en 2014. Avec 2 autres collègues du département de français, nous avons fait le saut et nous avons exploré les cours hybrides. Je me rappelle de notre exaltation, de nos appels téléphoniques quelques minutes avant les cours, et de tout ce qu’on tentait de faire en utilisant des tableaux blancs interactifs, des sondages ou le clavardage. Nous étions heureux de découvrir de nouveaux moyens d’interagir avec les étudiants. Puis, au fil des ans, des problèmes techniques m’ont fait délaisser ce mode d’enseignement.

Urgence sanitaire et urgence pédagogique

En 2020, la pandémie est arrivée.

Malgré mon expérience préalable dans les cours hybrides, j’ai dû reconcevoir les cours de A à Z, compte tenu:

  • de la nouvelle modalité 100% en ligne
  • des nouveaux outils disponibles:
    • partage d’écran
    • travaux d’équipe dans des salles de petits groupesv
    • jeux et questionnaires en ligne

À l’hiver 2021, j’ai rejoint la communauté de pratique sur l’enseignement à distance de mon collège et j’ai entendu le mot «comodal» pour la première fois. Donner des cours comodaux semblait la seule façon de retourner rapidement en classe et de briser l’isolement de certains étudiants. Il m’a semblé que c’était une urgence pédagogique.

Intégrer les technologies en enseignement: un équilibre à trouver

Je n’ai pas peur de la technologie, cela est sans doute un grand avantage dans le monde d’aujourd’hui. Je sais que l’enseignement peut largement s’en passer comme il l’a fait pendant des siècles, mais je sais aussi qu’on peut réaliser beaucoup d’activités intéressantes avec les technologies et qu’elles ouvrent de nouveaux horizons à la fois pour les enseignants et pour les étudiants. Je n’ai pas de nostalgie du passé, pas de fascination pour le présent. J’essaie de prendre le meilleur des outils qui sont à ma disposition pour enseigner. Alors, que choisir pour la classe comodale?

Des étudiants assistant à mon cours comodal en présentiel

Tous les experts en comodalité proposent toutes sortes d’interactions virtuelles entre les étudiants en présentiel et en distanciel. Ils suggèrent notamment que les étudiants des 2 groupes utilisent une plateforme commune pour les échanges, ce qui implique que les étudiants en présentiel soient équipés d’un ordinateur et soient connectés à la plateforme. C’est là que j’ai commencé à me confronter à un dilemme : malgré ce que disait la littérature, je sentais que les quelques étudiants qui allaient venir à mon cours venaient chercher autre chose que des écrans, des plateformes et des salles Zoom. J’ai essayé de bien faire, d’être une enseignante moderne en tentant de faire collaborer tous les élèves ensemble, notamment à travers une activité avec Kahoot.

Merci pour le papier!

Quelle ne fut ma surprise quand j’ai donné quelques feuilles imprimées aux étudiants en présentiel, car je craignais qu’ils voient mal l’écran où serait projeté le Kahoot. Je leur ai dit qu’ils pouvaient se connecter par le biais de leur téléphone avec le reste de la classe en ligne ou, s’ils préféraient, remplir le questionnaire sur papier. Dans les trois groupes, la réponse a été la même : «on préfère le papier». Je n’avais pas anticipé cette réaction unanime.

À la fin du cours, je ne sais plus quel étudiant m’a dit en partant : «merci pour le papier». J’étais tout émue et décontenancée. Ces mots sont restés dans ma tête. C’était donc bien ça. Ils venaient voir des êtres humains, sentir des corps et se reposer des écrans et plateformes virtuelles. Ils voulaient revenir à une relation pédagogique directe, simple et essentielle. Toucher du papier, prendre un crayon dans les mains, croiser des regards. Une salle de classe sobre, comme celle photographiée par mon étudiante, leur aurait suffi.

À l’heure où il est à la mode de prôner une salle de classe high-tech et sans papier, il me semble qu’il est important d’avoir toujours en tête l’aspect traditionnel et artisanal de notre métier, ce qui n’est pas nécessairement en contradiction avec l’usage des technologies pour certaines activités.

De plus, il faut considérer que, dans une formule comodale, les étudiants qui choisissent de venir en classe le font peut-être parce qu’ils ont naturellement moins d’intérêt envers les technologies. Il est bon de chercher à répondre à leurs besoins autant qu’à ceux des étudiants plus technophiles.

Revenir à l’essentiel

La technologie, même si elle peut s’avérer fort utile dans les salles de classe contemporaines, n’est pas la condition sine qua non de l’enseignement. Il est important de revaloriser un savoir non médiatisé, expérientiel, qui émane des relations humaines directes. Cela pose aussi un gros défi pour le retour en classe des enseignants après la pandémie, car comme me l’a dit un étudiant en présentiel dans la classe comodale : «si en classe, on fait la même chose qu’en ligne, cela ne sert à rien de venir…»

Soyons créatifs! Réfléchissons ensemble à nos futures salles de classe afin de faire coexister l’aspect artisanal de notre profession avec sa composante technologique. Le contexte pandémique nous force à repenser nos outils d’enseignement de fond en comble. Il s’agit, non pas de régresser et de cultiver une nostalgie de méthodes pédagogiques révolues, mais de revenir à l’essentiel et de choisir avec soin les outils qui bonifient notre enseignement et l’apprentissage de nos étudiants. Papier, crayons et craies n’ont pas dit leur dernier mot!

À propos de l'auteure

Anne-Laure Teichet

Anne-Laure Teichet est détentrice d’une maîtrise en sciences de l’éducation de l’Université de Montréal et d’une maîtrise de philosophie à l’Université de Nice. Elle enseigne le français langue seconde et la littérature au collège Dawson. Elle y est membre de la communauté de pratique sur l’enseignement à distance [en anglais].

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Christian Birault
Christian Birault
15 mai 2021 19h03

le besoin de contact humain …
les formes humaines de contact « cathodique » restent à inventer et developer.
Malgré le progrès des matériels, les échanges sont purement techniques.
Avant les risques liés à la CoViD, des situations assez similaires se sont présentées :
– conf. à distances quand on vit en brousse, à plusieurs heures de route,
– l’example le plus particulier, est la partie d’échec à distance : le plaisir de la partie à 2 se trouve fortement réduit … autant jouer contre un PC !
Ce compte rendu est très intéressant !

Michaël Réano
Michaël Réano
18 mai 2021 19h59

Le papier, toujours une bonne idée pour compléter des cartes lacunaires, des test de connaissances mais des activités pratiques c’est mieux. J’en recherche pour mes cours en restauration, œnologie. A vos craies et ardoises, vous avez 60 minutes !