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Travailler (et surtout, communiquer) à 2 pour désamorcer une bombe, c’est le but du jeu Keep Talking and Nobody Explodes [en anglais]. Je l’utilise pour enseigner la communication aux élèves de divers programmes techniques (Techniques d’hygiène dentaire, Optique et lunetterie, Techniques de l’informatique, etc.).

Mon collègue François Lalonde est plutôt technophile et s’intéresse à la réalité virtuelle depuis son apparition. C’est lui qui a découvert l’application Keep Talking and Nobody Explodes (en vente pour une dizaine de dollars) et qui en a vu le potentiel pédagogique. Il m’a convaincue de tenter l’expérience pour la 1re fois à l’hiver 2020, juste avant la pandémie. Et depuis, d’autres collègues ont embarqué dans cette aventure avec nous!

Déroulement de l’activité

Au Cégep Édouard-Montpetit, dans la bibliothèque, il y a un grand local nommé Espace Moebius. C’est un local qui comprend à la fois une classe d’apprentissage actif, un médialab et une zone de discussion. Il y a là plusieurs casques de réalité virtuelle. De plus, un technicien ou une technicienne est toujours sur place.  

Le jour de l’activité, le cours commence dans la salle de classe habituelle. J’explique le déroulement de la séance à tout le monde, puis je pars vers l’Espace Moebius avec la moitié du groupe. L’autre moitié reste en classe pour faire un travail sur la gestion du stress amorcé la semaine précédente. (C’est un travail assez long que les élèves ont commencé et devront terminé à la maison, alors ils et elles sont heureux d’avoir du temps en classe pour l’avancer.)

Les élèves qui sont à l’Espace Moebius font l’activité en réalité virtuelle. C’est une 1re expérience de réalité virtuelle pour plusieurs personnes. Avant que les élèves ne mettent les casques pour la 1re fois, je leur explique les règles de sécurité de base (par exemple, ne pas se déplacer avec le casque). Je leur montre aussi le fonctionnement de la manette et leur présente le jeu. L’aspect technologique de l’activité n’est pas compliqué du tout, mais il contribue néanmoins à l’idée «d’apprivoiser l’inconnu», ce qui fait partie de l’exercice.

Les élèves forment des équipes de 2.

  • Une personne (la personne A) met un casque de réalité virtuelle Oculus Go (et tient la manette qui va avec). La personne A voit apparaître virtuellement une «bombe», qu’il faut désamorcer.
  • L’autre personne (la personne B) a entre les mains les consignes écrites à suivre pour désamorcer la bombe, mais elle ne voit pas la bombe. La personne B découvre les consignes et doit en même temps guider la personne A pour que celle-ci désamorce la bombe.

Le site web de l’application Keep Talking and Nobody Explodes est en anglais, mais l’application elle-même (et le manuel contenant les consignes de désamorçage) est disponible en français. L’application est simple d’utilisation et fonctionne bien. J’ai éprouvé peu de problèmes techniques au fil des années.

Note de l’éditrice: variante sans utilisation de la réalité virtuelle

L’application Keep Talking and Nobody Explodes fonctionne particulièrement bien en réalité virtuelle. Le fait que le casque empêche la personne qui le porte de voir son interlocuteur ou son interlocutrice a une valeur ajoutée certaine dans le cadre de cette activité. Cependant, l’application est également disponible pour un cellulaire ou une tablette et le jeu pourrait aussi être très formateur sous cette forme pour les élèves du collégial. Si vous n’avez pas accès à des casques de réalité virtuelle dans votre collège mais que le jeu vous intéresse, ne vous en privez pas!

Après une 1re tentative, les rôles sont interchangés: la personne A prend la place de la personne B. Chaque élève a le temps de faire plusieurs tentatives dans chaque rôle. Chaque tentative permet d’apprendre et de raffiner ses stratégies de communication.

Après environ 1 heure, les élèves qui sont à l’Espace Moebius retournent en classe et l’autre moitié du groupe vient à l’Espace Moebius pour jouer.

Au total, la séance du cours dure 3 heures.

Un jeu… sérieux

L’activité est ludique à souhait (l’application est vendue comme un jeu, en réalité!). Cependant, elle est également très formatrice. Elle pousse les élèves à appliquer de façon très concrète les concepts de base de la communication:

  • modèle transactionnel
  • émetteur
  • récepteur
  • bruits physiologiques et psychologiques
  • langage verbal et non verbal
  • etc.

L’un des constats que font les personnes étudiantes est qu’elles n’ont pas toutes les mêmes références. Par exemple, le nom de la lettre grecque Ψ (psi) n’est pas connu de tout le monde!  

L’activité permet aux élèves de constater qu’en tant que spécialistes de leur domaine (hygiénistes dentaires, opticiennes ou opticiens, techniciens ou techniciennes en informatique, etc.), ils et elles développent un monde de références qui ne sera pas le même que celui des clients et clientes qu’ils et elles rencontreront dans leur pratique professionnelle.

L’exercice fait comprendre à tout le monde que la signification ne réside pas nécessairement dans le mot utilisé: encore faut-il que les 2 personnes qui communiquent aient les mêmes référents! Les élèves prennent conscience de l’importance du vocabulaire qu’ils et elles utilisent pour bien se faire comprendre.

Le jeu amène aussi les élèves à prendre conscience de l’importance des indices non verbaux pour appuyer la communication. En effet, la personne qui porte le casque de réalité virtuelle ne voit pas la personne qui lui donne les consignes. Elle est complètement privée de l’accès au langage corporel de l’autre.

En outre, le jeu plonge les élèves dans une situation de stress (il y a un temps limite pour désamorcer la bombe avant qu’elle explose et les élèves ne peuvent commettre qu’un nombre limité d’erreurs). Outre le fait qu’il s’agit d’un bruit psychologique pouvant entraver la communication, la gestion du stress est justement l’un des thèmes abordés dans mes cours, puisque le stress affecte la capacité à formuler un message clair.   

D’autres bruits psychologiques peuvent s’ajouter, comme le fait de sentir son égo menacé en voyant que d’autres équipes performent mieux. En tant qu’animatrice de l’activité, je peux aussi m’amuser en  diversifiant les sources de bruits afin d’augmenter la difficulté de la tâche (par exemple: ajouter un fond musical, augmenter le volume, etc.).

Comme il y a peu d’élèves qui portent un casque en même temps, je peux faire un bon suivi du déroulement de l’activité pour chaque équipe. Je peux donner de la rétroaction en direct aux élèves. Par exemple, quand une équipe rencontre un problème de communication, je peux lui demander de l’identifier en faisant référence aux modèles théoriques de communication. Cela oblige les étudiants et les étudiantes à vraiment intégrer les concepts théoriques vus précédemment en classe.

Évaluation sommative

Après l’activité, les élèves ont une réflexion à rédiger à propos de leur expérience. Dans ce travail, ils et elles prennent conscience de leurs forces  en ce qui a trait à leurs compétences en communication et des défis qu’ils et elles devront surmonter. (Cette réflexion est l’une des 1res évaluations sommatives du cours.)

Une activité marquante

Je n’avais jamais utilisé un casque de réalité virtuelle. J’ai trouvé que cette activité a été plaisante et elle m’a aidé à réaliser qu’il est difficile de donner des consignes à une autre personne lorsque nous ne voyons pas la même chose.

—Une étudiante

Je me rends compte que j’ai dû donner plusieurs indices et utiliser les bons mots pour que la bombe soit désamorcée.

—Une autre étudiante

Les élèves aiment beaucoup l’activité Keep Talking and Nobody Explodes. C’est une activité marquante qui laisse un souvenir durable aux élèves, car elle est amusante, novatrice (avec l’utilisation de la réalité virtuelle) et formatrice. J’ai rencontré d’anciens étudiants et d’anciennes étudiantes dans les corridors plusieurs sessions après leur cours et ils et elles m’ont reparlé du jeu!

Avez-vous intégré, vous aussi, une activité ludique de réalité virtuelle dans l’un de vos cours? Partagez votre expérience dans les commentaires!

Remerciements

Je tiens à remercier mes collègues enseignant et enseignante du département de psychologie, François Lalonde et sa complice dans le jeu pédagogique, Janie Duchesneau. L’intégration de la réalité virtuelle dans mes cours est rendue possible grâce au soutien de plusieurs personnes, conseillère, technicien et technicienne: Julie Jacob, Cédric Corriveau-Mercier et Cynthia Simard, pour n’en nommer que quelques-unes. Enfin, je tiens aussi à remercier les personnes étudiantes qui se sont prêtées au jeu jusqu’à maintenant, et ce, peu importe si elles étaient craintives ou non face aux technologies.

Ce récit reprend certains éléments d’un billet publié sur le site de l’Espace Moebius du Cégep Édouard-Montpetit.

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