La remorqueuse de l’espace — Un jeu vidéo pour apprendre la physique autrement
Apprendre en s’amusant? Pourquoi pas! Pour permettre à tout le monde, dont mes étudiants, de s’approprier des notions de physique mécanique de façon à la fois agréable et efficace, j’ai conçu le jeu vidéo éducatif La remorqueuse de l’espace. Le jeu consiste en une série d’énigmes dont la résolution passe par la maîtrise de notions de la physique du mouvement (cinématique). Le jeu intègre une trame narrative de science-fiction pleine d’humour.
Les 10 premiers niveaux du jeu, qui couvrent les notions de position et de déplacement, sont offerts gratuitement sur la plateforme Steam. Si vous ne connaissez pas Steam, il s’agit d’une plateforme de jeu vidéo. Vous pouvez la télécharger gratuitement. Le jeu complet sera lancé au mois d’août et inclura les notions de:
- vitesse
- variation de vitesse
- accélération le long d’un axe
- accélération centripète
Vous pouvez ajouter La remorqueuse de l’espace à votre liste de souhaits sur Steam pour ne pas rater le lancement! L’accès au jeu complet sera payant (11,49$), mais les 10 premiers niveaux (environ 10% du jeu) resteront toujours accessibles sans frais.
Le jeu est aussi disponible en anglais.
Déjà, mon jeu:
- a été finaliste dans la catégorie « Jeu à impact social » lors du festival montréalais du jeu vidéo MegaMigs en 2020
- est finaliste aux Prix Numix 2021
Bande-annonce du jeu
Synopsis du jeu
Le jeu commence avec la voiture du joueur qui s’écrase sur la Lune (clin d’œil à Elon Musk et à SpaceX). Le joueur ou la joueuse contacte alors le service à la clientèle de la compagnie La remorqueuse de l’espace pour avoir de l’aide. Une intelligence artificielle maladroite, mais bien intentionnée, prend son appel et l’aide à récupérer les piles de sa voiture, éparpillées sur la Lune.
Récupérer les piles implique de résoudre des puzzles qui intègrent les notions de:
- position
- déplacement
- vitesse
- variation de vitesse
- accélération le long d’un axe
- accélération centripète
Plus le joueur avance, plus les puzzles deviennent complexes.
En parallèle, au fil du jeu, la relation du joueur avec l’intelligence artificielle se développe et les motivations de cette « personne » deviennent de plus en plus intrigantes…
Vue de la conversation entre le joueur ou la joueuse et l’intelligence artificielle du service à la clientèle du service La remorqueuse de l’espace
De plus, chaque niveau complété permet d’en savoir plus sur l’histoire des sciences. Le dernier chapitre est d’ailleurs dédié aux femmes en sciences. Cela donne un contexte pour réfléchir aux inégalités qui ont mené à la sous-représentation des femmes dans l’histoire des sciences. Finalement, chaque nouveau chapitre permet d’en savoir plus sur les mers et les atterrisseurs lunaires qui parsèment sa surface. Le contexte du jeu permet donc d’aborder la conquête de l’espace, mais aussi le paradoxe de Fermi (sommes-nous seuls dans l’Univers?), 2 sujets qui soulèvent beaucoup de passions.
Les transitions entre les niveaux permettent d’en apprendre plus sur l’histoire des sciences, à travers la toponymie lunaire
Les différentes « technologies » proposées dans le jeu. Chacune d’elles est associée à un concept en physique.
Aspects pédagogiques du jeu
Aucune connaissance préalable en physique n’est nécessaire pour jouer: le jeu est conçu de telle sorte que l’on puisse apprendre au fur et à mesure. Les notions théoriques, intimement liées aux technologies de la remorqueuse de l’espace, sont présentées dans un manuel d’instruction qui ressemble à un manuel IKEA. Après 2 erreurs, on peut aussi avoir accès à des indices si on le souhaite, mais il est aussi possible de seulement se fier à son instinct pour progresser… en apprenant de ses erreurs et en réessayant les niveaux! Le jeu permet de vraiment saisir et ressentir les notions de cinématique. Le joueur développe donc une compréhension « intuitive » que les équations de la physique ne permettent pas toujours d’acquérir.
Comment utiliser le jeu avec des étudiants?
J’ai entamé des démarches avec Martin Riopel, chercheur à l’UQAM, afin d’obtenir du financement pour évaluer formellement la pertinence pédagogique de mon jeu. Je suis optimiste, entre autres, car une étude semblable sur le jeu Slice Fractions, pour l’apprentissage des mathématiques des jeunes du primaire, a montré un effet positif. Cette étude avait montré que:
- le jeu seul sans soutien d’un enseignant aide les jeunes à apprendre
- le soutien d’un enseignant aide les jeunes à apprendre
- quand les jeunes bénéficient à la fois de cours donnés par un enseignant et du jeu, les 2 effets s’additionnent
J’ai espoir que la situation sera similaire pour mon jeu avec les étudiants du collégial.
Le jeu peut être utile dans de nombreux cours de physique:
- en mécanique dans le programme de sciences de la nature
- dans une technique physique
- en mise à niveau pour physique de secondaire 5
Vous pouvez utiliser le jeu:
- pour faire une démonstration en classe
- pour demander aux étudiants de compléter un niveau ou quelques niveaux en particulier en guise de laboratoire (en classe ou pas) ou de devoir. Vous pouvez faire un retour sur l’activité, entre autres, par le biais d’un exercice individuel ou d’une discussion en plénière.
- comme activité complémentaire en proposant à vos étudiants de faire le jeu au complet, en parallèle de votre enseignement
Si vous ciblez seulement certains niveaux spécifiques pour vos étudiants, vous pouvez les faire jouer au jeu en mode « niveaux déverrouillés ». Le joueur ou la joueuse peut alors sélectionner librement le niveau de son choix, mais la trame narrative, l’histoire des sciences et les informations sur la Lune sont éliminées du jeu.
Si vous choisissez des niveaux parmi les premiers, alors les étudiants pourront jouer gratuitement au démo. Ces niveaux portent principalement sur les notions de position et de déplacement. Le premier niveau où il est question de vitesse sera aussi débloqué, en plus d’un niveau exploratoire sur le mouvement circulaire (en utilisant des trous noirs!).
Développer mon jeu
Un jeu… vraiment ludique
J’ai mené un premier projet s’apparentant au développement d’un jeu sérieux en créant modappi en 2011. Modappi était un outil d’apprentissage des notions liées aux laboratoires et aux vecteurs qui incluait des éléments de ludification, mais ce n’était pas réellement des jeux à proprement parler, c’était surtout un module d’apprentissage interactif (d’où le nom « mod-app-i »). Cette expérience a éveillé mon intérêt pour les jeux vidéos.
En 2017, j’ai suivi une AEC en Design de niveau de jeu au Campus ADN (arts et divertissement numérique) afin de parfaire mes connaissances dans ce domaine. Cette formation m’a donné les outils afin de concevoir un vrai jeu. De plus, cet été, je vais faire le microprogramme en jeu vidéo indépendant de l’UQAT.
En 2020, j’avais déjà les niveaux du jeu en main et les énigmes associées à chacun, mais il manquait un peu de chair autour de l’os pour en faire une histoire « captivante ». J’ai donc fait affaire avec une firme de scénarisation de jeux vidéos, Sweet Baby [en anglais]. Ils m’ont aidé à développer l’histoire entourant la relation entre le joueur et l’intelligence artificielle qui lui vient en aide (de façon très maladroite) en s’inspirant de la structure narrative d’une comédie romantique.
L’important, pour qu’un jeu en soit vraiment un, c’est que les joueurs éprouvent le sentiment de recevoir une récompense, d’une façon ou d’une autre; qu’ils sentent qu’il y a une progression. Il peut être aussi intéressant de donner une certaine liberté aux joueurs afin que différents types de joueurs puissent y prendre plaisir. Dans mon jeu:
- certains joueurs se satisferont de résoudre les énigmes.
- d’autres voudront suivre l’histoire liée aux interactions entre les personnages.
- d’autres aimeront en apprendre plus sur l’histoire des sciences, la géographie lunaire et les atterrisseurs lunaires (Les transitions d’un niveau à un autre sont une occasion, de façon optionnelle, d’en apprendre plus sur la géographie et sur les scientifiques qui ont donné leurs noms aux différentes mers lunaires, ainsi que les atterrisseurs qui se trouvent sur la Lune.)
Beaucoup de travail pour y arriver
J’ai fait seul le design de jeu et de niveaux, en plus d’une très grande partie de la programmation. Un ami programmeur m’a aidé quelques semaines au début pour lancer le projet, mais, depuis 3 ans, j’ai continué seul. J’ai acheté quelques modèles 3D (l’astronaute, la voiture, etc.) déjà existants sur le magasin en ligne du moteur de jeu Unity. La Lune, je l’ai conçue à l’aide du logiciel 3D Blender [en anglais] (il n’y avait aucun modèle assez précis pour mes besoins!). J’ai aussi engagé pendant quelques semaines une étudiante en modélisation 3D pour m’aider avec le visuel et la palette de couleur du jeu.
Plusieurs personnes dans mon entourage, dont quelques-uns de mes anciens étudiants, m’ont aussi aidé à tester les niveaux et à valider la clarté des fonctionnalités, des tutoriels et de l’interface usager du jeu. En 2020, j’ai engagé la firme Wako Factory pour évaluer mon jeu et me suggérer des améliorations. L’évaluateur, qui n’avait pas fait de physique depuis longtemps, a bien apprécié son expérience. Grâce à ses conseils, j’ai entre autres:
- ajouté des indices pour chaque niveau
- amélioré le design de certains niveaux
- rendu certains niveaux non obligatoires pour que les joueurs aient un sentiment de liberté
Le jeu n’est pas basé sur l’idée de performance afin de mettre le joueur dans un environnement qui n’est pas stressant. On peut recommencer un niveau un grand nombre de fois sans être pénalisé. Le but est juste de s’amuser et d’apprendre.
La conception d’un jeu: pas si différente de l’enseignement
Ma formation et mon expérience en conception de niveaux de jeux m’ont permis de constater à quel point le design de niveaux s’approche de l’enseignement.
Dans un jeu vidéo, chaque niveau doit être un défi, mais chaque défi doit être atteignable. À certains moments, le design doit enseigner au joueur une nouvelle mécanique de jeu. Puis, les niveaux doivent permettre au joueur d’expérimenter avec celle-ci de différentes façons pour finalement le pousser à une maîtrise complète de la mécanique. Le joueur (que ce soit dans mon jeu ou dans Super Mario Bros.) doit continuellement être en train d’apprendre et de découvrir de nouvelles choses car, sinon, il peut s’ennuyer assez rapidement. Par contre, il faut aussi veiller à ce que la gradation des niveaux ne se fasse pas de façon trop abrupte afin de ne pas le décourager. Donner de la liberté au joueur peut aussi contribuer à rendre l’expérience plus agréable pour le joueur.
Le parallèle avec l’enseignement est évident: il faut prendre nos étudiants là où ils sont (et ils ne sont pas tous au même point) et leur proposer des défis pour les motiver à apprendre et leur faire comprendre qu’ils sont capables de le faire.
Allez l’essayer dès maintenant
Alors? Curieux d’essayer le jeu? Allez jeter un coup d’œil aux premiers niveaux; c’est gratuit (tout comme l’installation de la plateforme Steam sur votre ordinateur)!