Des activités en dehors des cours: un succès pour la socialisation et la création d’un sentiment d’appartenance
À partir de l’automne 2022, des activités variées en lien avec le projet de station météo ont été mises sur pied.
Certaines activités se déroulent en dehors des cours et la participation y est optionnelle. Par exemple, une sortie à l’Observatoire du Mont-Mégantic est organisée chaque automne. Elle tient lieu d’activité d’accueil dans le programme. L’Observatoire dispose d’instruments météo au sommet de la montagne. Des enseignants et des élèves de 3e année invitent les élèves de 1re année à venir avec eux pour observer leur travail lors d’une simulation d’expédition et de l’installation d’une station météo. La très grande majorité des élèves participent. À l’automne 2022, 95% des élèves de 1re année ont participé. (Certaines de ces activités périscolaires ont été financées grâce au programme Novascience.)
Comme le programme accueille chaque automne une dizaine d’étudiantes et étudiants de la France pour une session, ces derniers sont aussi invités à se joindre au groupe. Ils et elles le font avec bonheur et surprise: en France, les étudiantes et les étudiants n’ont pas l’habitude de sortir avec leurs enseignants ou leurs enseignantes.
L’une des tâches de Richard dans le projet est de documenter les comportements des élèves pendant les activités périscolaires comme cette sortie au mont Mégantic, pour évaluer leur motivation. Il a remarqué que les activités réalisées en 1re session aident visiblement à l’intégration des élèves. Les élèves se mêlent les uns aux autres et leurs rapports interpersonnels se développent.
D’autres activités extrascolaires peuvent également être organisées. Par exemple, un météorologue est venu donner une conférence un midi et une conférence sur l’environnement a été présentée à l’ensemble de la population étudiante du cégep.
De plus, à partir de leur 3e session d’études, les élèves peuvent s’impliquer dans le projet en dehors des heures de classe pour agir comme assistants et assistantes de recherche rémunérés. Cette possibilité d’emploi est un encouragement à s’impliquer dans leurs études, à la fois pour un salaire et pour l’expérience que cela représente.
Des activités dans les cours: des pistes intéressantes à travailler
Au début des projets de recherche pédagogique, Richard et Yanick ont eu pour mandat de concevoir des activités pédagogiques en lien avec le projet de station météo à intégrer dans les cours. Au départ, ils ont imaginé 2 activités pour les élèves de 1re session:
- Activité de géocache au parc Angrignon
Quand on va déposer (ou récupérer) une station météo sur un glacier, il faut savoir utiliser un GPS. Certaines heures de l’un des cours de 1re session ont été consacrées à une sortie au grand parc Angrignon, tout près du Cégep André-Laurendeau.
Les élèves ont appris à lire des coordonnées géographiques et à utiliser un GPS dans le cadre d’une activité de «chasse au trésor». À chaque point de coordonnées atteint, les élèves devaient prendre une série de mesures à l’aide d’une station météo portative.
- Activité d’analyse des données recueillies avec les stations météo lors de la sortie au parc Angrignon
Richard s’est rendu dans un cours donné par Jude (Initiation au prototypage) pour enseigner aux élèves à utiliser un logiciel leur permettant d’exploiter les données recueillies au parc Angrignon.
Yanick et Richard m’ont expliqué qu’au début, ils ressentaient une certaine pression pour essayer d’intégrer des activités en lien avec la station météo dans tous les cours (alors que, dans certains cas, les contenus s’y prêtent plus ou moins). De plus, même dans les cours où cela était a priori plus naturel, une séance de cours consacrée à une activité «spéciale» animée par un autre enseignant invité pouvait donner l’impression d’être «déconnectée» du reste du cours. L’important, c’était de trouver le bon lien, la bonne façon de présenter le tout aux élèves pour que ça semble cohérent.
Se centrer sur le problème épineux pour rallier les élèves… et les enseignants!
Les changements climatiques sont sur toutes les lèvres, sans qu’on sache réellement comment s’y attaquer. Est-ce que ça change vraiment quelque chose si un individu participe à la collecte du compost dans sa ville? Il faut donc amener les étudiantes et les étudiants à comprendre quelle place elles et ils peuvent prendre dans la lutte aux changements climatiques.
L’équipe a réalisé que le projet, officiellement lié à la lutte aux changements climatiques (le «problème épineux» à l’ordre du jour), était devenu en pratique très orienté sur la conception et la fabrication d’une station météo pour étudier la fonte des glaciers.
Le projet de station météo est la façon concrète dont les élèves du programme peuvent contribuer (à leur mesure) à la lutte aux changements climatiques. Cela peut assurément être très motivant pour elles et eux. Cependant, au fil du temps, Richard, Yanick et Jude ont constaté que certaines personnes étudiantes devenaient un peu agacées d’entendre sans cesse parler de stations météo. Elles avaient grosso modo l’impression de s’être inscrites à leur insu dans un programme de météo plutôt qu’en Technologie du génie physique. En élargissant le thème vers la lutte aux changements climatiques dans son ensemble, les portes d’entrée pour «accrocher» les élèves se multiplient. Reste qu’aucun thème ne pourra jamais mobiliser tout le monde en un clin d’œil: intéresser le plus grand nombre d’élèves possible est un défi.
Éducation citoyenne
Le projet de station météo donne la chance aux élèves de Technologie du génie physique qui le désirent de réaliser des activités périscolaires extraordinaires (voyage au Pérou ou dans le Grand-Nord). Cependant, la lutte aux changements climatiques n’est pas le contenu d’un cours en soi. L’équipe a choisi de changer sa perspective et de voir les efforts que font plusieurs enseignants et enseignantes pour initier les élèves à la pensée environnementale comme le volet «éducation citoyenne» de leur programme. Il s’agit pour l’équipe d’encourager les enseignants et enseignantes à faire des liens entre les contenus de leurs cours et le problème de la lutte aux changements climatiques, sur une base volontaire.
Une approche-programme… en toute flexibilité
La clé est la flexibilité. La station météo ne doit pas être vue comme un carcan imposé. Richard lui-même m’a raconté qu’il donne un cours de prototypage en dernière année et qu’il craignait, d’une certaine façon, d’être «obligé» de parler sans cesse de la station météo pour ne pas «trahir» l’approche-programme. Mais ce n’est pas ça l’idée: il peut réorienter ses projets à sa guise.
Pour rallier le plus d’enseignants et d’enseignantes possible, il faut qu’ils et elles conservent leur liberté et puissent avoir du plaisir à enseigner les projets qu’ils et elles choisissent de réaliser en classe. Par exemple, à l’automne 2024, Yanick a donné le cours Chaines de mesure. Il n’a pas parlé de stations météo dans son cours, mais le projet final des élèves consistait à produire une pompe à chaleur (thermopompe). L’utilisation d’une pompe à chaleur électrique domestique est l’une des 10 actions pour une planète prospère ciblées par l’Organisation des Nations Unies.
Aujourd’hui, Richard et Yanick n’essaient plus de concevoir des activités qu’ils iraient animer eux-mêmes dans les différents cours du programmes. L’équipe a plutôt développé un modèle pédagogique qui permet à chaque enseignant ou enseignante du programme de choisir les projets qu’il ou elle soumet à ses élèves et d’en être en charge. Il sera question de ce modèle dans un atelier que Julie et Jude animeront avec Corinne Vallée lors du colloque de l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC) en juin 2025: «Un modèle d’enseignement pour concevoir des activités pédagogiques motivantes pour tous et toutes!».
Richard et Yanick m’ont dit qu’au début du projet, lorsqu’ils essayaient de concevoir des activités clés en main, ils avaient longtemps cherché des activités en lien avec le projet de station météo à faire dans les cours d’optique, mais n’en avaient pas trouvé qui pouvaient être réalisées à des coûts raisonnables. Aujourd’hui, ils ne s’en préoccupent plus: s’il n’y a pas d’activités directement liées à la station météo (ou aux changements climatiques) dans tous les cours, ce n’est pas grave du tout!
Des discussions stimulantes et profitables
Richard, Yanick et Jude sont très satisfaits des retombées que le projet a eues.
Les discussions entourant le projet ont mené à des collaborations plus étroites entre les enseignants et enseignantes d’un même bloc de cours. Par exemple, Jude et Yanick, qui enseignent tous les 2 le prototypage, travaillent maintenant en équipe et les élèves le sentent. Les élèves perçoivent mieux la suite logique entre les cours; les cours ne sont plus des ilots détachés les uns des autres. Les cours sont orientés par les changements climatiques, dans la mesure du possible. Ce que les étudiants apprennent ici et là leur servira pour concevoir et construire la station météo, ou tout autre projet qui mettra leurs compétences à profit.
Yanick, lui, est un nouvel enseignant, qui ne travaille au Cégep André-Laurendeau que depuis 2020, après une carrière dans l’industrie. L’orientation «changements climatiques» donne un sens aux apprentissages qu’il souhaite voir chez les étudiantes et les étudiants.
Jude apprécie particulièrement le fait que l’approche développée dans le cadre du projet fait une place à l’éducation citoyenne. Même si un jour les budgets ne permettent plus de faire des voyages au Pérou ou au Nunavik, le thème des changements climatiques restera porteur de sens.
Je suis prof depuis 43 ans. J’ai enseigné beaucoup… mais est-ce que j’ai éduqué un peu?
—Jude Levasseur