Fermer×
27 janvier 2022

Des stages rémunérés pour des étudiants grâce à un projet de recherche collégial

J’enseigne en Technologie du génie physique depuis une dizaine d’années et, comme plusieurs enseignants du réseau collégial, je suis également chercheur. Depuis l’été 2020, le projet de recherche sur lequel je travaille est devenu l’occasion pour plusieurs étudiants du programme de faire des stages rémunérés, entre autres grâce au financement de Mitacs et à la collaboration d’InnovLog, un centre collégial de transfert de technologie (CCTT) affilié à mon cégep.

Le projet dista

La 1re phase du projet

En 2020, j’ai publié le récit La distanciation au cœur d’un projet motivant pour les étudiants de technologie du génie physique. J’y présentais la façon dont j’ai adapté le cours porteur de l’épreuve synthèse de programme lors du basculement de l’enseignement en ligne en urgence à l’hiver 2020.

Pour l’occasion, j’avais repris avec les étudiants du cours un projet de recherche sur lequel je travaillais déjà en collaboration avec des collègues enseignants-chercheurs et avec Optech, un centre collégial de transfert de technologie (CCTT) affilié à mon cégep.

Initialement, le projet dista visait à utiliser l’intelligence artificielle pour qu’un ordinateur puisse reconnaître les voitures et les cyclistes sur les images fournies par des caméras, puis mesurer la distance entre eux. Avec l’arrivée de la pandémie, j’ai eu l’idée d’adapter la technologie que nous nous apprêtions à développer pour plutôt mesurer les distances entre des personnes. Sur un écran géant, les mesures de distance étaient affichées sur le flux de la caméra. Ainsi, les personnes filmées pouvaient savoir, en temps réel, si la distance qui les séparait de leurs voisins était bel et bien supérieure à 2 mètres, pour respecter les consignes de distanciation sociale en vigueur.

Des passants se voient en direct sur un écran sur un camion et voient les mesures des distances qui les séparent.

La 2e phase du projet

Depuis mon 1er récit, l’équipe du CCTT InnovLOG du cégep André-Laurendeau m’a contacté. Ensemble, nous avons déployé la phase 2 du projet dista: InnovLOG a vu pour dista des applications dans le domaine de la logistique.

À partir du moment où l’on peut mesurer la distance entre des personnes, on peut développer des applications pour aider les entreprises à gérer le flux de la clientèle. Cela est pertinent qu’on soit ou non dans un contexte de distanciation sociale. C’est ainsi qu’est née, grâce à du financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), la technologie Logisticam.

À quoi sert la technologie Logisticam?

Dans la 1re phase du projet dista, on était dans une approche pédagogique et de sensibilisation du public. Notre but était que les gens apprennent à constater eux-mêmes ce que 2 mètres représentent.

Dans le cadre de la technologie Logisticam, en partenariat avec InnovLOG, nous travaillons maintenant dans un contexte où les données recueillies ne sont plus diffusées au public, mais plutôt utilisées par l’entreprise ou l’organisme qui gère le système.

Logisticam recueille des données sur la position des gens dans l’espace, en 3D, dans un lieu donné (le hall d’entrée d’un bâtiment, une station de métro, un commerce, etc.). Il faut installer des caméras pour filmer le lieu, et celles-ci peuvent fonctionner 24 h sur 24 et recueillir les données en continu.

Les données accumulées peuvent servir à bâtir une cartographie. Par exemple, la personne responsable des ressources matérielles d’un collège ou la personne responsable de la sécurité d’un commerce peut voir sur son écran quels sont les lieux problématiques dans son bâtiment, en ce qui concerne l’achalandage. Les données peuvent être consultées en temps réel, pour savoir s’il y a une situation à corriger immédiatement, ou rétroactivement, une fois par mois, par exemple, pour identifier s’il y a des zones ou des périodes problématiques dans le bâtiment.

Les données relatives à la distanciation physique des personnes peuvent être facilement observables avec un code de couleur, grace à la technologie Logisticam.

L’intérêt du système dépasse le contexte de la COVID-19. Il s’agit, pour une entreprise ou un organisme public, d’avoir une idée très nette de l’achalandage de ses bâtiments. On peut savoir où sont les gens, à quelle heure. Les applications vont de la sécurité aux stratégie commerciales et publicitaires des lieux achalandés.

Un triple partenariat: une équipe d’enseignants-chercheurs du Cégep André-Laurendeau, InnovLOG et des entreprises privées ou organismes publics

InnovLOG nous a mis en lien avec des entreprises et des organismes avec qui nous avons pu développer et tester notre technologie.

Notre partenariat avec InnovLOG et ces milieux partenaires a permis l’embauche d’étudiants. Ainsi, ce qui a commencé comme un projet de fin d’études pour certains étudiants est devenu un stage de recherche rémunéré dans une formule alternance travail-études (ATE) pour d’autres. InnovLOG a trouvé des partenaires prêts à payer les étudiants pour travailler sur ces projets.

Des stages financés en partie grâce à Mitacs

Nous avons également fait une demande de financement auprès de Mitacs, un organisme sans but lucratif qui encourage la croissance et l’innovation au Canada. Mitacs peut payer jusqu’à la moitié du salaire des étudiants stagiaires. Mitacs collabore avec Collèges et instituts Canada (CICan) et le Fonds québécois de la recherche —Nature et technologies (FQRNT).

Mitacs et CICan étaient précédemment moins bien implantés dans le réseau collégial québécois; ils œuvrent davantage dans les collèges du reste du Canada et dans les universités. Toutefois, ils ont été très présents pour nous: ils nous ont accompagnés et ont démontré une volonté de s’adapter à la réalité collégiale québécoise. Par exemple, ils exigent normalement que les stages qu’ils financent soient de 16 semaines à temps plein. Or, cela n’est pas possible dans le calendrier scolaire collégial. Cependant, ils ont accepté que les stages de nos étudiants soient plutôt de 12 semaines à temps plein en entreprise, précédées et/ou suivies de quelques semaines à temps partiel au cégep (pour un équivalent de 16 semaines à temps pleins), pendant les sessions de cours.

Ainsi, puisque notre projet était un projet d’innovation, mon équipe et moi au cégep avons été à même, grâce au FRQNT et à Mitacs, d’engager des stagiaires rémunérés sans avoir à débourser leur salaire du tout. Cela a été possible grâce au programme de bourses de recherche en milieu collégial.

Êtes-vous, vous aussi, un enseignant-chercheur qui aimerait faire travailler des étudiants stagiaires rémunérés sur votre projet (dans le centre de recherche auquel vous êtes affiliés, par exemple)? Si oui, grâce à ces programmes , vous pourriez être en mesure de créer ces stages sans avoir à débourser! Vos étudiants y gagneraient autant que vous!

Si vous avez un projet qui pourrait bénéficier du soutien de Mitacs, je vous encourage vivement à communiquer avec leur équipe. Ils pourront vous aider dans vos démarches.

Des retombées exceptionnelles

En 1 an et demi, ce sont 12 de nos étudiants qui ont ainsi pu faire un stage rémunéré associé aux projets dista et Logisticam. C’est quelque chose d’assez inédit pour un petit programme comme le nôtre (nos cohortes comptent entre 10 et 20 finissants). Jusqu’à maintenant, le plus gros employeur pour nos stagiaires était Optech, qui prend en moyenne 2 stagiaires par année. Nous avons assurément battu des records!

Ce projet est une belle opportunité pour nos étudiants. Au plus fort de la pandémie de COVID-19, plusieurs entreprises ont fermé temporairement ou réduit leurs activités et n’étaient plus disposées à embaucher des stagiaires. Sans notre projet, certains de nos étudiants n’auraient probablement pas trouvé de stage.

Je suis très fier que mon projet de recherche ait pu faire une aussi grosse différence dans notre programme d’études!

Des stages à temps partiel faits au cégep: une nouveauté utile et aimée des étudiants

Nous avons l’habitude que des étudiants de notre programme fassent des stages chez Optech ou dans d’autres centres de recherche. Cependant, aucun étudiant n’avait réalisé de stages au Cégep André-Laurendeau avec une équipe de chercheurs du cégep.

Évidemment, l’un des intérêts d’un stage est de mettre les étudiants en contact avec des milieux de travail en dehors de leur cégep. C’est pourquoi les stages à temps plein se réalisaient tous dans des organismes ou entreprises partenaires.

Les stages à temps partiel se sont déroulés au cégep, avec mes collègues et moi, au cours des sessions d’automne 2020 à automne 2021. Cela était très pratique pour la conciliation travail (stage)-études. Nous pouvions nous adapter à leur horaire de cours et ils n’avaient pas à se déplacer pour venir faire leurs stages, puisqu’ils étaient déjà au cégep.

En cours de session, plusieurs de nos étudiants ont normalement un emploi à temps partiel non spécialisé (en restauration, par exemple). Il va sans dire qu’un stage rémunéré à temps partiel dans leur domaine d’études, c’est beaucoup plus stimulant et plus formateur pour eux!

Un projet de recherche qui profite aux étudiants du programme

En Technologie du génie physique, il est fréquent que les étudiants fassent des stages dans des centres de recherche. La plupart de ces stages amènent les étudiants à toucher à plusieurs projets l’un après l’autre. Cela peut être intéressant, car ça leur permet d’être en contact avec des idées variées. Toutefois, les stages liés à dista et Logisticam se sont tous concentrés sur ces seuls projets. Je trouve cela très intéressant, car les étudiants ont pu connaître le projet en profondeur et même devenir des spécialistes! Ils ont également eu la chance de participer aux activités de diffusion des connaissances qui font partie du projet. C’est très valorisant pour eux.

Comme enseignant, je trouve stimulant de savoir qu’un projet sur lequel je travaille donne lieu à des stages pour des étudiants de mon programme. Ces stages sont de remarquables occasions d’apprentissage pour les élèves.

Si vous êtes enseignant-chercheur, pourquoi ne pas vérifier si des programmes de financement vous permettraient de recruter des étudiants de votre programme comme stagiaires rémunérés? Cela pourrait être positif autant pour votre projet et votre programme que pour vos étudiants stagiaires et vous!

À propos de l'auteur

David Beaulieu

Il est enseignant en technologie du génie physique au Cégep André-Laurendeau à Montréal. Ingénieur physicien et titulaire d’une maitrise en gestion de projet d’ingénierie (Polytechnique, Montréal), son parcours professionnel a d’abord été marqué par plus de 10 ans d’expériences variées en gestion de projet suivi par presque 10 ans d’enseignement. Il enseigne maintenant le développement et le prototypage d’instruments de mesure. L’implication des étudiants a toujours été au cœur de son enseignement. Depuis quelques années, il lance des projets de recherche qui mettent de l’avant l’expertise de ses étudiants.

S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires