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13 février 2023

Utilisation pédagogique d’un wicked problem en situation authentique — Les changements climatiques au cœur d’un cursus périscolaire en Technologie du génie physique

Au Cégep André-Laurendeau, David Beaulieu, enseignant en Technologie du génie physique, et Julie Roberge, enseignante au Département de français, mènent actuellement un projet de recherche sur l’utilisation pédagogique des wicked problems (problèmes dont les enjeux sont complexes et mal définis) en situation authentique.

Je me suis entretenue avec David et Julie pour en savoir plus sur ce projet à plusieurs volets.

Photo montrant Julie Roberge et David Beaulieu côte à côte, souriant à la caméra. Julie appuie son bras sur l’épaule de David, qui, lui, a les bras croisés.

Julie Roberge et David Beaulieu (Crédit photo: Guillaume Barbeau, technicien en information, Cégep André-Laurendeau)

Un projet de recherche en 3 volets

Un projet technologique qui a donné lieu à 2 projets pédagogiques

L’ensemble du projet tire sa source d’un projet de recherche financé par le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologie (FRQNT), mené par David et ses collègues enseignants en Technologie du génie physique Richard Milette et Yanick Heynemand. Dans le cadre de ce projet s’échelonnant sur plusieurs années, ils travaillent au développement d’une station météo adaptée à la prise de mesures sur des glaciers.

David a eu l’idée d’impliquer des étudiants et des étudiantes dans ce projet. En effet, les élèves de Technologie du génie physique développent au cours de leurs études des compétences qui leur permettent de contribuer à la conception de la station.

Ce projet, qui a débuté à l’automne 2022, conduit les élèves de 1re année à s’embarquer dans un véritable cursus périscolaire qui s’étendra jusqu’à leur graduation.

Pour tirer parti de l’expérience au maximum, David a sollicité l’aide de Julie afin de mener 2 autres projets de recherche portant sur l’aspect pédagogique associé à la participation des élèves.

Impacts sur la motivation: la perception des élèves

La conception d’une station météo pour monitorer la fonte des glaces a tout pour stimuler l’intérêt des élèves: les changements climatiques sont un sujet qui préoccupe généralement les jeunes (et les moins jeunes!). Et la lutte aux changements climatiques est un wicked problem.

David et Julie font l’hypothèse qu’exploiter un wicked problem en situation authentique pourra avoir un impact positif chez les élèves sur:

  • leur motivation
  • leur rétention au sein du programme
  • leur réussite

Pour observer et documenter les perceptions des élèves à ces égards, David et Julie ont obtenu du financement dans le cadre du programme d’aide à la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage (PAREA).

David et Julie voient dans l’exploitation des wicked problems en situation authentique une piste de solutions au problème de décrochage et au taux d’échec élevé dans le programme de Technologie du génie physique.

Comment enseigner les wicked problems en situation authentique?

David m’a expliqué que l’enseignement exploitant les wicked problems en situation authentique fait l’objet de relativement peu de littérature. Dans la littérature, l’enseignement exploitant les wicked problems au collégial est abordé seulement d’un point de vue social (à travers des discussions sur des enjeux sociaux, par exemple) plutôt que dans l’action et avec des solutions techniques. David et Julie ont donc l’idée de réaliser une recherche-action sur l’enseignement des wicked problems en situation authentique.

Financé par le programme Actions concertées du Fonds de recherche – Société et culture (FRQSC), ce projet vise à travailler de façon itérative avec les différentes personnes enseignantes impliquées pour la création, l’adaptation et l’implémentation de situations d’apprentissage authentiques liées à la conception de la station météo.

À l’automne 2022, David, Julie et leurs collègues (Yanick Heynemand, Richard Milette et Corinne Vallée) ont eu une rencontre de formation avec Marie Ménard au sujet de l’évaluation en situation authentique. L’équipe de recherche a également lu le livre La situation authentique: de la conception à l’évaluation, d’Anne-Marie Duval et Mélanie Pagé.

Activités vécues par les élèves

La conception d’une station météo est un projet qui occupe David et ses collègues depuis plusieurs années, mais le financement reçu par le biais du FRQNT permettra d’améliorer grandement la station développée.

N’empêche, au cours des dernières années, David avait déjà impliqué des étudiantes et des étudiants comme assistantes et assistants de recherche (rémunérés) dans ce projet de conception. En 2019-2020, il s’est rendu au Pérou avec un groupe d’élèves qui avaient coconçu des prototypes de stations pour les tester sur un glacier.

David Beaulieu et 3 étudiants finissants, après avoir installé une station météo sur le glacier Ausengate au Pérou en janvier 2020.

La station météo testée sur un glacier péruvien en 2019-2020

8 personnes se tiennent debout sur un petit monticule terreux. Les personnes regardent la caméra en souriant. La plupart ont des bâtons de marche en mains. Quelques-unes portent de gros sacs à dos. D'autres sacs et d'autres bâtons de marche sont posés par terre au pied des personnes. Les personnes portent des manteaux coupe-vent et ont toutes leurs capuchons. Le temps semble humide, voire pluvieux. Des montagnes rocheuses sont visibles en arrière-plan; il y a un peu de neige au sommet de ces montagnes, mais pas là où les personnes se tiennent.

Le groupe complet, lors du voyage au Pérou en 2019-2020

D’ailleurs, dans le cadre du projet actuel, les finissants et finissantes volontaires agissent comme mentors pour les plus jeunes. Ces élèves n’ont pas pu vivre dès leur entrée dans le programme un cursus tel que celui que David et Julie déploient en ce moment, mais ils et elles ont des compétences fort utiles et connaissent bien le projet de station météo de David.

Dans le cadre des nouveaux projets de recherche, l’implication des étudiants et étudiantes sera systématisée, plus vaste et plus conséquente. La recherche permettra d’observer et de documenter les impacts sur les élèves de leur participation à de tels projets.

Des activités intégrées aux cours

Au moment où j’ai discuté avec David et Julie, la 1re session du projet tirait à sa fin. Les enseignants et les enseignantes de Technologie du génie physique ont identifié 2 cours de 1re session dans lesquels des activités pédagogiques ont été remplacées par des activités en lien avec le projet de station météo.

Géocache au Parc Angrignon

Dans l’un des cours, pour se familiariser avec le positionnement GPS (essentiel pour l’opération d’une station météo portative), les élèves ont fait une activité de géocache au Parc Angrignon. Ce parc est voisin du collège. Les élèves ont passé 90 minutes dans le parc à prendre des mesures. Ils et elles ont appris à lire un plan et à lire des coordonnées GPS. À chaque point de coordonnées atteint, ils et elles devaient prendre une série de mesures à l’aide de leur station météo portative.

Comme David me l’a expliqué, quand on va installer une station météo sur un glacier, il faut savoir utiliser un GPS. Ne serait-ce que pour pouvoir retourner chercher la station au bon endroit après!

Julie m’a dit que les élèves (et les enseignants!) avaient adoré l’expérience. Plusieurs élèves ont mentionné avoir aimé le simple fait d’être à l’extérieur. Cela m’a rappelé les vertus de la pédagogie extérieure, qui fait de plus en plus parler.

Apprendre à utiliser un logiciel qui servira pour le projet

Dans un autre cours, les élèves ont appris à utiliser un logiciel qui permet d’analyser les données qu’ils et elles avaient prises avec leur station météo lors de l’activité au Parc Angrignon.

Des activités en dehors des cours

Les activités intégrées aux cours sont obligatoires pour tous et toutes. Cependant, le projet inclut aussi des activités extracurriculaires non obligatoires (mais populaires!). Ces activités font elles aussi appel aux compétences en génie physique des élèves.

Activité d’accueil dans le programme

À l’automne 2022, les élèves de 1re année, accompagnés de plusieurs enseignants et enseignantes (dont David et Julie) et de 5 élèves mentors de 3e année, ont fait une sortie à l’Observatoire du Mont-Mégantic. (L’Observatoire est un partenaire du projet de recherche.) L’Observatoire dispose d’instruments météo sur place, au sommet de la montagne. L’équipe enseignante et les mentors ont invité les élèves de 1re année à venir avec eux pour observer leur travail lors d’une simulation d’expédition. 95% des élèves de 1re année ont participé.

Une vingtaine de personnes se tiennent debout en formant un demi-cercle autour d'une station météo portative posée sur un trépied au centre d'une clairière sablonneuse entourée de feuillus aux couleurs automnales. Les personnes écoutent l'une d'elles, un homme, que l'on devine être un enseignant en train de leur expliquer quelque chose.

Les élèves écoutent des explications à propos du fonctionnement de la station météo pendant la sortie au Mont Mégantic.

La sortie au Mont-Mégantic a fait office d’activité d’accueil pour le programme. Cette activité a été l’occasion pour les nouveaux étudiants et les nouvelles étudiantes de découvrir d’autres perspectives professionnelles pour les technologues en génie physique que celles qu’ils et elles connaissent généralement en s’inscrivant dans le programme. Plusieurs se voient travailler dans un laboratoire, mais le génie physique peut les mener dans des endroits variés!

Et surtout, l’activité avait un aspect social important. Elle a permis aux élèves de développer un sentiment d’appartenance envers leur groupe et de tisser des liens avec l’équipe enseignante.

Lors de l’activité, 1 enseignant de 1re année était présent, mais aussi 3 enseignants et 1 enseignante de 2e et 3e année. Pour les élèves, voir que leurs futurs profs sont là, c’est hypermotivant! Ils et elles voient qu’il y a une unité d’ensemble dans le programme, que le programme ne sera pas un paquet de cours décousus.

—David Beaulieu

Conférence d’un météorologue

Un midi, à la fin novembre 2022, le météorologue Gilles Brien est venu rencontrer les élèves de Technologie du génie physique pour leur parler des changements climatiques. Ses explications scientifiques ont permis aux élèves de prendre conscience que ces changements vont affecter différemment plusieurs endroits sur la Terre.

Un travail étudiant rémunéré

À partir de leur 3e session d’études, les élèves pourront s’impliquer dans le projet en dehors des heures de classe pour agir comme assistants et assistantes de recherche sur une base volontaire.

Apprivoiser le projet, graduellement

En 1re session, les élèves n’ont pas les compétences nécessaires pour participer à la conception de la station. Cependant, ils et elles peuvent déjà apprendre à utiliser la station et, plus largement, s’initier à la prise de mesures sur le terrain. Ils et elles découvrent le projet en compagnie de leurs enseignants et enseignantes et des élèves mentors. Voir les finissants et finissantes au travail leur permet de comprendre l’utilité concrète des connaissances qu’ils et elles acquièrent dans leurs cours. Comme me l’a dit David, cela montre en quoi les notions difficiles qui sont enseignées dans leurs cours de mathématiques peuvent être utiles.

On embarque les élèves de 1re année dans un projet de mesure de données environnementales relié aux changements climatiques. C’est un enjeu de société qui les préoccupe.

—David Beaulieu

Au fur et à mesure qu’ils acquerront des compétences dans leur parcours scolaire, les élèves qui sont aujourd’hui en 1re année pourront contribuer au projet de conception de façon de plus en plus significative, soit dans leur cours, soit sur une base volontaire de façon extracurriculaire.

Un voyage de fin d’études

Pendant leur dernière année d’études, les finissants et finissantes qui le désirent pourront faire un voyage pour aller installer leur station sur un glacier afin de la tester et de recueillir des données. (La station testée au Pérou en 2019-2020 ne pouvait pas être laissée sur place. Le but, maintenant, est de concevoir une station qui pourrait fonctionner de façon autonome sur un glacier.)

À quoi servent les données recueillies par la station météo?

L’objectif est que les données recueillies soient utilisées par le GlacioLab de l’Université du Québec à Trois-Rivières (un partenaire du projet). Le GlacioLab est dirigé par Christophe Kinnard, qui est aussi directeur de la Chaire de recherche du Canada en hydrologie de la cryosphère.

Le GlacioLab étudie des glaciers, mais les données sont très rares ou inexistantes pour certains d’entre eux (comme le glacier péruvien visité par David et ses élèves en 2019-2020).

Les technologues en génie physique du Cégep-André Laurendeau pourraient ainsi utiliser leur expertise en conception et en prise de mesure pour alimenter l’équipe du GlacioLab. Ensuite, Christophe Kinnard et son équipe vont utiliser ces données pour alimenter un modèle prédictif sur la fonte des glaciers. Ce n’est pas rien!

Parmi les autres partenaires du projet, mentionnons le Centre d’études nordiques de l’Université Laval (CEN). Le CEN donne à David et à son équipe accès à tout un réseau de stations météo à travers l’Arctique canadien, en plus de leur faciliter l’accès à leurs stations de recherche en régions éloignées. L’équipe du Cégep André-Laurendeau peut utiliser les données fournies par le CEN pour étalonner les siennes.

Hypothèses au sujet des conditions gagnantes pour l’utilisation pédagogique des wicked problems en situation authentique

Selon David et Julie, pour que l’utilisation pédagogique d’un wicked problem en situation authentique soit réussie, il faut que le problème soit un problème que les étudiants ont à cœur.

L’authenticité ne suffit pas nécessairement. David m’a expliqué qu’il aurait pu amener ses élèves dans une usine de tournevis pour leur demander de concevoir un capteur pour détecter les tournevis défectueux. Cela aurait été très pertinent pédagogiquement et très authentique, mais trouver un enjeu que les élèves ont à cœur et qui les intéresse sincèrement, ça rend l’activité encore plus forte.

On ne va pas régler le problème des changements climatiques, mais on va participer à trouver des solutions. On va contribuer à trouver des solutions avec nos expertises à nous: la prise de mesures.

—David Beaulieu

Ainsi, la force d’un «bon» wicked problem est d’aller au-delà des intérêts scolaires des élèves et de leurs aspirations professionnelles et de vraiment s’ancrer profondément en eux.

La clé, c’est que, dans les pires moments de leurs études, quand les élèves ne sauront plus pourquoi ils sont en Technologie du génie physique, le projet va leur rappeler qu’ils travaillent pour une cause plus grande qu’eux. Ça, ça va les motiver!

—David Beaulieu

Julie est du même avis: le choix du problème est central. Les changements climatiques, la faim dans le monde… Ce sont des problèmes pour lesquels la recherche d’une solution sera motivante. Évidemment, il est important de bien cerner une portion du problème à laquelle on veut s’attaquer avec nos élèves. Par définition, les wicked problems sont des problèmes «plus grands que nature». Les changements climatiques et la faim dans le monde, ce ne sont pas des problèmes que les élèves ont vraiment la possibilité de régler… Il faut choisir un aspect précis du problème, comme la mesure de la fonte des glaciers dans le cas du projet de David et Julie.

Par ailleurs, David croit que, pour que l’utilisation pédagogique d’un wicked problem soit gagnante, il est très important de travailler concrètement à résoudre le problème. Il ne suffit pas de faire une simulation en classe et de dire: «Voici ce qu’on pourrait faire.». Il faut agir pour vrai. Il ne suffit donc pas d’étudier un problème authentique; il faut que la contribution qu’on offre à sa solution le soit également.

Julie m’a aussi parlé de l’intérêt qu’elle voit au fait que leur projet s’étende sur toute la durée du programme et soit pensé en approche-programme. Cependant, dans un autre contexte, un enseignant ou une enseignante pourrait tout de même choisir d’exploiter un wicked problem en situation authentique à plus petite échelle, en l’intégrant à l’intérieur d’un seul cours.

Évidemment, la recherche permettra d’en apprendre beaucoup plus (ou de corriger des perceptions erronées!) au sujet de l’utilisation pédagogique des wicked problems!

Une piste pour renouveler l’épreuve synthèse de votre programme?

L’approche-programme qui englobe le projet de station météo peut être une piste inspirante si vous cherchez à rendre l’épreuve synthèse de votre programme plus signifiante ou si vous avez besoin que vos élèves voient mieux le lien entre cette épreuve et l’ensemble de leur parcours. En effet, il peut être difficile pour les élèves de réaliser un projet de fin d’études qui regroupent des compétences issues de différents cours s’il n’y a pas de lien clair entre ces cours.

Avec un projet comme celui qui a lieu en Technologie du génie physique au Cégep André-Laurendeau, la voie pour l’épreuve synthèse de programme est toute tracée: les élèves pourront concevoir une station météo!

Améliorations itératives et généralisation des résultats

La conception de la station météo passe par un processus itératif. En collaboration avec les élèves, David et ses collègues développent une nouvelle version améliorée de la station chaque année. Chaque cohorte peut donc tester sa version de la station.

L’aspect pédagogique du projet passe lui aussi par un processus itératif. En effet, puisque le projet se déroule sur 3 ans, au moins 3 cohortes d’élèves pourront le vivre en 1re année. Chaque fois, les activités pédagogiques récurrentes seront bonifiées et améliorées. Elles le seront en se basant sur les témoignages des élèves et des enseignants et enseignantes, recueillis par le biais d’entrevues de groupe et individuelles, mais également sur ceux des élèves mentors qui accompagnent les groupes.

Qu’est-ce qui fonctionne bien? Quelles sont les conditions gagnantes pour l’utilisation pédagogique d’un wicked problem en situation authentique? David et Julie veulent que leur projet mène à des conclusions actionnables, qui pourraient être adaptées pour d’autres programmes techniques et dans d’autres contextes.

Le projet en est à ses débuts, mais il sera assurément très intéressant d’en suivre les développements et les conclusions!

Éductive est officiellement partenaire du projet de recherche et participera à la diffusion des résultats. Abonnez-vous à notre infolettre pour ne rien manquer!

Pour en savoir plus 

 

Un article écrit par David Beaulieu et Julie Roberge dans le numéro de printemps 2022 de Pédagogie collégiale: «Le wicked problem pour engager les étudiants dans leurs études»

Une nouvelle parue le 28 octobre 2022 sur le Portail du réseau collégial du Québec, à propos des subventions obtenues par David, Julie et leurs collègues: «Les départements de Technologie du génie physique et de Français reçoivent près de 1,3 million$ en subventions»

Un texte écrit en 2022 par David et Julie dans Spectre, la revue de l’Association pour l’enseignement de la science et de la technologie au Québec (AESTQ): «Les méchants problèmes qui font réussir. L’acquisition des compétences par la résolution d’un problème d’envergure en situation authentique»

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.

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