L’intégrité dans les évaluations à distance ou hors classe — Partie 1: Prévenir
La question du plagiat préoccupe beaucoup les enseignants, en particulier lors d’évaluations à distance. Bien qu’il n’y ait pas de solution miracle, je vous présente différentes stratégies pour que vous puissiez avoir confiance que vos étudiants sont bien les auteurs des réponses ou des travaux que vous évaluez.
Dans le présent article, je vous proposerai des stratégies pour prévenir le plagiat et la tricherie.
Dans un second article, je vous suggérerai des façons de vous éloigner des examens écrits traditionnels.
Informer les étudiants des règles et les sensibiliser à l’importance de les respecter
La première chose à faire pour éviter que les étudiants ne trichent pendant une évaluation est de s’assurer qu’ils connaissent les règles. Poser une question à un ami pour la rédaction d’un travail long est-il un acte de tricherie? Ça dépend! Clarifiez les règles pour chaque travail. Peut-être que pour un travail long, vous encouragez les étudiants à s’entraider (tout en exigeant d’eux des productions individuelles personnelles) mais que, pour un test, vous leur interdisez de communiquer entre eux ou avec qui que ce soit. Assurez-vous que ce soit clair pour eux.
Parlez-leur aussi du règlement disciplinaire de votre collège. Informez-les des sanctions associées au plagiat.
Faites signer une déclaration d’intégrité à vos étudiants, avant chaque évaluation. Renseignez-vous auprès de votre collège pour voir si un document institutionnel existe. Assurez-vous que le langage utilisé à l’intérieur de ce document soit clair et simple.
Soyez bienveillants: les étudiants sont à l’école pour apprendre. L’intégrité intellectuelle s’apprend et il y a fort à parier que plusieurs cas de plagiat sont dus à l’ignorance plutôt qu’à la volonté de mal faire.
Toutefois, si vous décelez un cas de plagiat au cours duquel l’intention délictueuse ne fait pas de doute raisonnable, appliquez les sanctions annoncées. Cela implique souvent de signaler l’incident à la Direction des études de votre collège, qui pourra faire le suivi approprié si le ou les mêmes étudiants sont impliqués dans un incident similaire dans un autre cours. Appliquer les sanctions découragera la récidive.
Minimiser les tentations de tricher
Sécuriser les étudiants
Si un étudiant a l’impression de ne pas pouvoir réussir sans contourner les règles, il sera plus porté à tricher. Faites en sorte que vos étudiants se sentent capables de réussir:
- Offrez-leur plusieurs occasions d’évaluations formatives avec des rétroactions
- Informez-les à l’avance des modalités d’évaluation. Faites en sorte qu’au moins une évaluation formative préalable ait eu une forme similaire à celle de l’évaluation sommative.
- Songez à mettre en œuvre une approche inclusive qui permet à chaque étudiant de choisir le format qui lui convient le mieux. Par exemple, pour présenter le fruit d’une recherche, offrez aux étudiants le choix de rédiger un travail écrit ou d’enregistrer une vidéo.
Au Collège Vanier, l’enseignante de biologie Neerusha Gokhool Baurhoo a choisi de sécuriser ses étudiants pour limiter le plagiat. Dans son récit Des examens à distance en équipe pour une évaluation inclusive, intègre et juste, elle explique comment elle a permis aux étudiants qui le désiraient de réaliser leur examen en équipe. (L’examen prenait la forme de 3 questions de type « étude de cas ».) Puis, elle a réalisé une courte entrevue individuelle avec chaque étudiant pour s’assurer que chacun avait bel et bien contribué au travail. (Par exemple, elle demandait à chaque élève « À [telle question], vous avez répondu [telle chose]: pouvez-vous m’expliquer pourquoi? ».) Ses entrevues l’ont convaincue que les travaux étaient bien les productions solidaires de tous les membres de l’équipe: ils avaient discuté et échangé ensemble pour en venir à mieux comprendre la matière que s’ils avaient à faire une évaluation individuelle.
Valoriser l’apprentissage
Si la volonté d’un étudiant dans le cours est centrée sur le fait d’obtenir la meilleure note possible plutôt que sur le fait d’apprendre ou d’acquérir des compétences, les risques de tricherie sont plus importants.
Encore une fois, il n’y a pas de solution miracle à ce problème, mais proposer aux étudiants des situations d’évaluation (et d’apprentissage) authentiques et faire en sorte qu’ils soient conscients de l’utilité des apprentissages sur le marché du travail, par exemple, sont de bonnes pistes.
Offrez aussi aux étudiants des rétroactions riches sur leurs travaux tout au long de la session, pour qu’ils apprennent à voir les évaluations comme des occasions d’apprentissage.
Valoriser les productions des étudiants
Une autre bonne pratique est de valoriser les productions que les étudiants réalisent dans le cadre des évaluations.
Vous pourriez simplement demander aux étudiants de partager leurs productions avec leurs collègues. Par exemple:
- Au terme d’un projet de session, vous pourriez calquer la formule Ma thèse en 180 secondes pour demander à vos étudiants de résumer leur projet en vidéo en 3 minutes. Ces vidéos seraient ensuite partagées sur le forum du cours (que ce soit Flipgrid, un forum sur Moodle ou un canal sur Teams).
- Si les productions des étudiants ont un aspect visuel (image, vidéo, maquette, etc.), vous pouvez organiser une exposition virtuelle.
- Demandez-leur de déposer leur production sur le forum du cours plutôt que de vous la soumettre uniquement à vous.
- Organisez un « atelier carrousel »: les étudiants présentent leur travail dans une courte vidéo déposée sur le forum du cours ou en visioconférence lors d’un cours synchrone.
ou
La diffusion des productions peut aussi dépasser le cadre de la classe. Pourquoi ne pas proposer à vos étudiants que l’évaluation prenne la forme d’une contribution à Wikipédia? Des enseignants de diverses disciplines ont témoigné d’une telle pratique dans les pages de Profweb:
- Valérie Fiset en histoire de l’art (Cégep de Trois-Rivières)
- Martin Baron en histoire (Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue)
- Simon Villeneuve en physique (Cégep de Chicoutimi)
Autre option dans le même ordre d’idée: un blogue de classe public.
Dans tous les cas, diffuser les productions de vos étudiants pourra motiver ceux-ci à y consacrer des efforts. Ils pourraient aussi être dissuasifs pour les potentiels plagiaires qui craindraient que leurs collègues de classe (ou d’autres personnes) ne remarquent leur fraude.
La double évaluation
Dans l’expérience de Neerusha Gokhool Baurhoo présentée plus haut, l’entrevue individuelle est utilisée dans une approche de double évaluation: elle est jumelée à une autre méthode d’évaluation. Comme l’examen écrit de Neerusha était réalisé en équipe, c’était une excellente idée (voire un incontournable). L’entrevue permet de s’assurer que chaque étudiant maîtrise bien, individuellement, la compétence ciblée.
Toutefois, même lorsqu’un examen ou un travail écrit est réalisé individuellement, on peut douter de l’intégrité des étudiants. Faire suivre l’évaluation écrite d’une évaluation orale est alors une façon de confirmer que l’étudiant est bien l’auteur du travail soumis.
Une variante moins chronophage que la double évaluation systématique est d’annoncer aux étudiants qu’une entrevue individuelle pourrait être exigée, en cas de suspicion. Cela pourrait suffire à limiter la tentation de la tricherie.
Pour encore plus d’inspiration au sujet de la prévention du plagiat, consultez le Guide sur le plagiat et l’intégrité intellectuelle développé par le Réseau des répondantes et répondants TIC (REPTIC).
De plus, l’excellent dossier écrit dans Profweb, en 2007, par Nicole Perreault, alors animatrice du Réseau des répondantes et répondants TIC (REPTIC), est toujours très actuel.
Pour des suggestions sur des méthodes d’évaluations à distance moins propices au plagiat que l’examen traditionnel, lisez le deuxième article de cette série.