Réflexion sur les règles éthiques en biotechnologie
Louise Bouchard a siégé à différents comités d’éthique. C’est dire son souci pour le respect des règles régissant la manipulation des organismes vivants. En biotechnologie, on suit de près l’industrie, mais également la recherche, qu’elle soit menée à des fins médicales, agroalimentaires ou environnementales. Des questionnements éthiques surgissent régulièrement. Quoi de mieux pour la formation des étudiants qu’un blogue animé par les futurs juristes du domaine !
Mieux sensibiliser les étudiants aux aspects éthiques de la profession
C’est l’évaluation récente du programme qui a eu pour effet d’intégrer les préoccupations éthiques dans nos cours. La petite équipe de professeurs qui s’est mise à l’œuvre lors de la création du programme, en 2003, s’était concentrée sur le développement du contenu scientifique et technique. Nous avons réalisé par l’exercice que nous avions jusque-là laissé aux seuls cours de philosophie le soin de traiter de ces questions.
Les petits rongeurs comme le rat servent de modèle d’étude en recherche biomédicale.
Nous sommes pourtant directement concernés. Les étudiants apprennent à manipuler différentes formes d’organismes vivants, incluant les animaux de laboratoire. Ils sont confrontés à beaucoup de pratiques qui questionnent leurs valeurs et soulèvent des problèmes d’éthique.
L’utilisation à des fins médicales d’animaux avec lesquels on a une relation d’affection suscite des réactions importantes. Les animaux auxquels on s’identifie, aussi. Le développement des biotechnologies est rapide et les méthodes que l’on emprunte pour réaliser des applications industrielles doivent respecter les règles de déontologie et être fondées sur des pratiques éthiques. Que penser des impacts de la pharmacogénomique, des OGM (organismes génétiquement modifiés), du clonage, de l’utilisation des cellules souches ou des sujets humains pour la recherche? On utilise tous les organismes vivants en biotechnologie, de la bactérie jusqu’à l’homme!
Certaines découvertes faites en étudiant la petite plante Arabidopsis thaliana nous permettent de mieux comprendre comment se développent les cancers et d’élaborer des stratégies de traitement.
Un blogue qui canalise les inquiétudes et alimente la réflexion
À l’hiver 2008, j’ai eu l’occasion de mesurer l’étendue des besoins des étudiants et leur volonté de tenir des débats sur ces questions.
J’accueillais alors pour la première fois un conférencier, dans le cadre du cours Techniques de culture cellulaire (210-485-SH). J’avais fait cela très naïvement. Je n’avais prévu aucun moment pour le débat. Les réactions ont été fortes. Je ne parvenais plus à reprendre le fil de mon cours tant les étudiants posaient de questions. C’est comme ça que j’ai introduit, en 2009, l’idée du débat et de la préparation au débat qui m’amena à la création d’un site Web.
Un site Web qui donne le goût d’approfondir l’analyse
Claude Martel, alors conseiller pédagogique TIC, a pris en main le projet. C’est à lui que je dois la mise en œuvre du site Intégration de l’éthique à la formation spécifique en biotechnologie conçu pour alimenter la réflexion et aider les étudiants à définir un point de vue déontologique sur leur profession. Une section « Actualités » présente de la documentation classée chronologiquement, qui apparaît d’abord dans les nouvelles, puis dans les archives. Le site a été développé avec Agora Scriptor dont nous devons la conception au professeur de littérature Jean-Yves Fréchette.
Afin d’assurer la durabilité des liens listés, Claude Martel m’a recommandé de pointer mes hyperliens vers les documents téléchargés des sites, plutôt que vers le site lui-même lorsque cela est possible. Alors l’article reste accessible lorsque le lien est périmé. On peut procéder ainsi une fois obtenue l’autorisation de l’auteur de l’article.
Ce qui donne un réel dynamisme à notre site est d’en avoir fait un tribunal d’opinion.
- Nous y faisons les annonces des conférences à venir.
- Nous y proposons des lectures.
- Je lui donne le rôle d’un tremplin vers le Net; mes étudiants doivent nourrir leurs prises de position, souvent imposées, les explorer, et les défendre.
- Le débat se poursuit durant un mois sur le blogue avec le conférencier. Les étudiants m’ont confié avoir gagné en qualité argumentative, par ce processus, et même parfois avoir changé d’opinion!
Mon projet a eu un effet positif sur les deux premières cohortes d’essais, même la plus difficile. Cela leur donne le goût de fouiller leur sujet. Les étudiants m’informent même. Cette année, nous avons discuté des services de congélation des cellules souches de cordon ombilical et de la possibilité de les utiliser plus tard pour guérir un enfant malade.
Un contexte à succès : la formule de conférences de l’Université de Sherbrooke
Le contexte dans lequel nous travaillons : un blogue d’accès contrôlé (ils utilisent un mot de passe) restreint à mes étudiants et aux conférenciers du programme Droit et sciences de la vie de l’Université de Sherbrooke. J’y joue le rôle de modératrice en acceptant ou refusant la publication des commentaires. Aucun n’a été filtré en deux ans! C’est dire le sérieux du travail de mes étudiants.
Les futurs juristes participent généreusement. Après la conférence, ils exercent encore leur influence sur la classe par le blogue en répondant aux questions. Certains de nos étudiants ont même découvert un débouché encore inconnu d’eux, en se passionnant pour leur programme universitaire (Baccalauréat en droit-sciences de la vie). De nouvelles vocations sont nées!
Le partenariat est une formule sûre. Mes étudiants, qui sont obligés de participer au blogue et de rédiger un nombre minimum de commentaires, adorent l’activité.
Perspectives d’avenir
Les conférences de l’hiver 2010 ont été filmées. Elles seront éditées et déposées sur le site web et viendront étoffer les blogues.
Comme il est important que mes étudiants soient confrontés à une multiplicité de points de vue si l’on veut que nos débats éthiques respectent le tissu de notre société de plus en plus multiculturel et d’allégeances religieuses variées, mes étudiants échangeront peut-être un jour avec des étudiants d’un autre collège. La clientèle de notre programme est trop homogène.
J’espère intégrer au blogue les étudiants de la cité collégiale à Ottawa. Par le moyen de la vidéoconférence, les étudiants pourront assister et participer aux débats que nous entretiendrons par le blogue. D’autres cégeps francophones voudront peut-être un jour nous imiter et se joindre à nous. Le programme est présentement offert aux cégeps de l’Outaouais, de Shawinigan et de Saint-Hyacinthe, de Lévis-Lauzon et d’Ahuntsic.
Voilà un beau contexte de blogue, n’est-ce pas ? Nous vous invitons à faire la lecture du dossier de Charles-Antoine Bachand portant sur le blogue que le 74e bulletin Clic rediffuse ainsi que celui de Sophie Ringuet sur le forum de discussion. Voilà deux médiums entretenant des liens étroits de plus en plus populaires!
Bravo Louise pour cette recherche constante de solutions qui s’adaptent à des réalités nouvelles, qui rendent les étudiant(e)s acteurs de leurs apprentissages et surtout qui impliquent des collaborations, des échanges entre les institutions et les niveaux.
Cette belle expérience de collaboration profitant tout autant au milieu universitaire que collégial me rappelle celle mise sur pied par les collèges Laflèche et Ellis avec l’UQTR. Je vous invite à lire le récit http://www.profweb.qc.ca/fr/publications/recits/de-formidables-tuteurs-pour-lapprentissage-de-langlais-au-collegial/index.html de Gina Lavine si ce n’est déjà fait. Elle y explique combien le programme de tutorat à distance offert aux étudiants de ces régions unilingues francophones est formidable pour l’apprentissage de l’anglais langue seconde. Bravo Louise!