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20 avril 2023

Utilisation d’incitatifs comportementaux pour modifier l’environnement d’apprentissage

Après la lecture d’un article sur les incitatifs comportementaux, je me suis questionnée sur leur utilisation. Les recherches abordent peu l’utilisation des incitatifs comportementaux (aussi appelés nudges ou coups de pouce) en contexte d’apprentissage. Celles qui le font sont plutôt centrées sur les enfants. Voici quelques pistes pour implanter les incitatifs comportementaux au collégial.

Le concept d’incitatif comportemental provient des sciences comportementales. Le but d’un incitatif comportemental est d’encourager la modification du comportement d’un individu en introduisant dans son environnement des éléments influençant sa motivation à prendre une décision, idéalement vers le comportement souhaité. L’implantation d’un incitatif comportemental doit être facile et peu coûteuse.
Pour assurer la réussite d’un incitatif comportemental et maximiser son impact, cet incitatif doit être basé sur des connaissances issues des sciences cognitives. Il peut également être établi par l’expérimentation:

  • on remarque un besoin
  • on instaure une stratégie selon notre analyse du processus cognitif de l’individu, de son contexte et de son comportement antérieur
  • finalement, on adapte nos stratégies selon les résultats

Deux types d’incitatifs comportementaux existent :

  1. Le type 1 est axé sur les comportements automatiques. Cela n’engage pas les réflexions de l’individu: il va poser une action spontanément. Par exemple:
    1. Enregistrer tout le monde par défaut comme donneurs et donneuses d’organes, pour avoir le plus grand nombre possible de dons d’organes.
    2. Réduire la largeur d’une route lors de travaux de construction en mettant des blocs de ciment pour réduire la vitesse de conduite.
  2. Le type 2 est axé sur l’engagement de l’individu vers une réflexion consciente. On souhaite que la personne se questionne avant de poser une action. Ce type nécessite plus d’efforts de la part de la personne qui le vit que le type 1. Par exemple:
    1. Afficher des statistiques sur la santé en faveur des personnes empruntant les escaliers à côté des portes d’ascenseurs, en espérant que les utilisateurs et utilisatrices empruntent les escaliers.
    2. Placer une mouche gravée dans les urinoirs pour limiter les éclaboussures [en anglais], puisque les hommes vont être portés à viser l’image.

Ces 2 types peuvent être subdivisés en 2 autres types :

Conditions favorables à l’apprentissage et formations plus engageantes

Est-ce qu’il existe des conseils pour motiver nos apprenants et nos apprenantes à effectuer les activités à réaliser sur notre plateforme d’apprentissage? Comment faites-vous pour que vos élèves retiennent les notions et prennent le contrôle de leurs apprentissages pour un réinvestissement à long terme?
Ça ne veut pas dire qu’un incitatif comportemental appliqué dans un domaine va fonctionner en éducation. En contexte scolaire, les incitatifs comportementaux peuvent être utilisés dans le but d’améliorer la réussite scolaire des élèves. Par exemple, ils peuvent être utiles pour:

  • le développement de nouvelles compétences
  • l’appropriation de nouveaux outils
  • l’apprentissage de méthodes de travail
  • etc.

Les incitatifs comportementaux peuvent être utilisés:

  • avant la formation:
    • diminuer l’absentéiste
    • etc.
  • pendant la formation:
    • engager les élèves
    • faciliter l’apprentissage
    • les motiver
    • etc.
  • après la formation:
    • changer les comportements
    • etc.

Quelques catégories d’incitatifs comportementaux fonctionnent bien en éducation:

  • des interventions qui ajoutent de l’information d’assistance pour les élèves:
    • diriger l’élève vers des exercices supplémentaires lors d’un mauvais résultat
    • offrir des questions de réflexion pendant une lecture
    • etc.
  • des interventions qui s’appuient sur des outils d’autorégulation:
    • fixation d’objectifs
    • feuille de suivi
    • etc.

Voici des exemples d’incitatifs comportementaux, triés selon les 4 types.

On opte pour un incitatif de type 1 lorsque la charge cognitive est élevée dans les situations d’apprentissage. On ne veut pas surcharger l’apprenant ou l’apprenante avec d’autres réflexions. Par exemple:

Transparent Non transparent

On opte pour un incitatif de type 2 lorsque l’on souhaite obtenir un changement de comportement persistant à long terme et quand la situation d’apprentissage n’est pas associée à une charge cognitive trop élevée.

Transparent Non transparent

Choisir le bon incitatif selon le contexte

Voici un tableau décisionnel pour vous aider à choisir le type d’incitatif à employer selon le contexte.

Tableau décisionnel avec 2 questions. La première: «Est-ce que l’on souhaite un changement de comportement sur le long terme?» La deuxième: «Est-ce que la situation est associée à une charge cognitive élevée?» Pour une situation ne nécessitant pas un changement à long terme, mais requérant une charge cognitive élevée, le tableau indique « Type 1 ». Pour une situation nécessitant un changement à long terme, mais ne requérant pas une charge cognitive élevée, le tableau indique « Type 2 ». Pour une situation nécessitant un changement à long terme et requérant une charge cognitive élevée, de même que pour une situation ne nécessitant pas un changement à long terme et ne requérant pas une charge cognitive élevée, le tableau indique qu’il faut enquêter sur le contexte pour trouver le type d’incitatif comportemental le plus approprié.

Tableau décisionnel pour choisir le bon incitatif comportemental selon le contexte. (Traduction d’un tableau tiré de Weijers, et al., 2021 [en anglais])

Construire des incitatifs comportementaux efficaces

Les incitatifs comportementaux doivent être testés en situation réelle et doivent avoir un effet positif sur les étudiants et les étudiantes.
Différents critères doivent être pris en compte lors de la création d’un incitatif comportemental:

  • L’incitatif doit être présenté le plus clairement possible.
  • L’incitatif ne doit pas contraindre l’élève. Il faut rester dans une logique éthique et non de manipulation.
  • L’incitatif ne doit pas engendrer une punition ou une perte pour l’élève.
  • L’incitatif doit être adapté au contexte des élèves. Ne surchargez pas l’environnement d’apprentissage d’incitatifs comportementaux si cela n’est pas nécessaire.

Des freins au succès des incitatifs

Le plus grand défi est de constater des effets à long terme pour les incitatifs comportementaux. Actuellement, les recherches abordent surtout les effets à court terme de leur implantation.

Quelques éléments peuvent modérer leur efficacité:

  • Les normes sociales peuvent entraîner soit le sous-investissement, soit le surinvestissement des élèves, puisqu’ils et elles vont mettre en place des actions pour ressembler à leurs pairs.
    Par exemple, si un enseignant affirme que les étudiants et étudiantes réussissent son examen avec une moyenne de 80 %, une étudiante avec des difficultés scolaires pourrait utiliser de mauvaises stratégies pour tenter de réussir l’examen (apprendre par cœur ou tricher, par exemple) (exemple d’un incitatif de type 2).
  • Les habitudes de vie et les préférences des élèves peuvent influencer la réussite de l’incitatif.
    Par exemple, un étudiant peut trouver quelque chose à faire qui sera plus agréable qu’assister au cours et étudier. Il risque donc davantage de passer à côté de l’incitatif mis en place.
  • Les croyances antérieures de performance des élèves peuvent déjouer l’incitatif. Par exemple:
    • Un étudiant qui a une grande confiance en ses capacités peut avoir l’impression de savoir ce qui est bon pour lui. Cela peut l’empêcher d’agir et de mettre des efforts dans le cours (ne pas faire les lectures et les activités, etc.).
    • Une étudiante peut penser que la réalisation d’un exercice de révision en fin de chapitre est une perte de temps et donc ne pas le faire.
  • La focalisation sur l’atteinte ou non de l’objectif final (mesure des résultats de succès) peut être faite au détriment du parcours réalisé (changement de comportement implanté tranquillement). Il faut se rappeler que les résultats ne sont pas toujours immédiatement visibles : le processus comportemental des élèves est aussi important.
    Par exemple, les résultats d’un étudiant peuvent avoir diminué parce qu’il a passé du temps à mettre en place un procédé de planification pour l’étude. Cela ne veut pas dire que les incitatifs comportementaux implantés ne sont pas adéquats: le processus peut l’aider pour les autres examens.

Et vous, comment percevez-vous les incitatifs comportementaux? Voyez-vous des effets bénéfiques à les utiliser? Est-ce que vous en utilisez déjà?

Pour en savoir plus

Bressoud, E. (2022). «Épisode 41 : Nudge et autres coups de pouce pour mieux apprendre», Never Stop Learning. [en anglais]

J. Weijers, R., B. de Koning, B. et Pass, F. (2021). «Nudging in education: from theory towards guidelines for successful implementation», European Journal of Psychology of Education. [en anglais]

Damgaard, M. T. et Nielson, H. S. (2018). «Nudging in education», Economics of Education Education Review. [en anglais]

À propos de l'auteure

Lisa-Marie Gauthier

Lisa-Marie est conseillère technopédagogique et elle est détentrice d’une maîtrise en technologie éducative réalisée à l’Université Laval. Ses champs d’intérêts sont la conception de formations et la découverte de nouveaux outils technologiques. Elle a également travaillé 5 ans dans le domaine de l’éducation primaire et préscolaire.

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