Après la lecture d’un article sur les incitatifs comportementaux, je me suis questionnée sur leur utilisation. Les recherches abordent peu l’utilisation des incitatifs comportementaux (aussi appelés nudges ou coups de pouce) en contexte d’apprentissage. Celles qui le font sont plutôt centrées sur les enfants. Voici quelques pistes pour implanter les incitatifs comportementaux au collégial.
Utilisation d’incitatifs comportementaux pour modifier l’environnement d’apprentissage
Le concept d’incitatif comportemental provient des sciences comportementales. Le but d’un incitatif comportemental est d’encourager la modification du comportement d’un individu en introduisant dans son environnement des éléments influençant sa motivation à prendre une décision, idéalement vers le comportement souhaité. L’implantation d’un incitatif comportemental doit être facile et peu coûteuse.
Pour assurer la réussite d’un incitatif comportemental et maximiser son impact, cet incitatif doit être basé sur des connaissances issues des sciences cognitives. Il peut également être établi par l’expérimentation:
- on remarque un besoin
- on instaure une stratégie selon notre analyse du processus cognitif de l’individu, de son contexte et de son comportement antérieur
- finalement, on adapte nos stratégies selon les résultats
Deux types d’incitatifs comportementaux existent :
- Le type 1 est axé sur les comportements automatiques. Cela n’engage pas les réflexions de l’individu: il va poser une action spontanément. Par exemple:
- Enregistrer tout le monde par défaut comme donneurs et donneuses d’organes, pour avoir le plus grand nombre possible de dons d’organes.
- Réduire la largeur d’une route lors de travaux de construction en mettant des blocs de ciment pour réduire la vitesse de conduite.
- Le type 2 est axé sur l’engagement de l’individu vers une réflexion consciente. On souhaite que la personne se questionne avant de poser une action. Ce type nécessite plus d’efforts de la part de la personne qui le vit que le type 1. Par exemple:
- Afficher des statistiques sur la santé en faveur des personnes empruntant les escaliers à côté des portes d’ascenseurs, en espérant que les utilisateurs et utilisatrices empruntent les escaliers.
- Placer une mouche gravée dans les urinoirs pour limiter les éclaboussures [en anglais], puisque les hommes vont être portés à viser l’image.
Ces 2 types peuvent être subdivisés en 2 autres types :
- Un incitatif est transparent quand l’intention derrière lui est évidente pour les personnes qui le reçoivent: ces personnes peuvent reconnaître l’intention persuasive. Par exemple, l’intention de placer la mouche dans l’urinoir est une intention évidente.
- Un incitatif est non transparent, au contraire, quand l’intention derrière lui n’est pas évidente pour les personnes touchées: la personne ne reconnaît pas l’intention persuasive. Il est important d’étudier les processus cognitifs et l’acceptabilité éthique avant d’implanter un incitatif de ce type. Par exemple, le fait d’exposer les étudiantes et les étudiants à l’image d’une paire d’yeux sur un écran à côté d’une boîte destinée à recueillir des contributions volontaires dans un café étudiant les rend plus susceptibles de donner que quand c’est une image de fleurs qui est affichée [en anglais]. Cela rend les gens plus coopératifs puisque cela leur donne l’impression d’être observés. Cela influence les comportements des gens, qui souhaitent préserver leur réputation.
Conditions favorables à l’apprentissage et formations plus engageantes
Est-ce qu’il existe des conseils pour motiver nos apprenants et nos apprenantes à effectuer les activités à réaliser sur notre plateforme d’apprentissage? Comment faites-vous pour que vos élèves retiennent les notions et prennent le contrôle de leurs apprentissages pour un réinvestissement à long terme?
Ça ne veut pas dire qu’un incitatif comportemental appliqué dans un domaine va fonctionner en éducation. En contexte scolaire, les incitatifs comportementaux peuvent être utilisés dans le but d’améliorer la réussite scolaire des élèves. Par exemple, ils peuvent être utiles pour:
- le développement de nouvelles compétences
- l’appropriation de nouveaux outils
- l’apprentissage de méthodes de travail
- etc.
Les incitatifs comportementaux peuvent être utilisés:
- avant la formation:
- diminuer l’absentéiste
- etc.
- pendant la formation:
- engager les élèves
- faciliter l’apprentissage
- les motiver
- etc.
- après la formation:
- changer les comportements
- etc.
Quelques catégories d’incitatifs comportementaux fonctionnent bien en éducation:
- des interventions qui ajoutent de l’information d’assistance pour les élèves:
- diriger l’élève vers des exercices supplémentaires lors d’un mauvais résultat
- offrir des questions de réflexion pendant une lecture
- etc.
- des interventions qui s’appuient sur des outils d’autorégulation:
- fixation d’objectifs
- feuille de suivi
- etc.
Voici des exemples d’incitatifs comportementaux, triés selon les 4 types.
On opte pour un incitatif de type 1 lorsque la charge cognitive est élevée dans les situations d’apprentissage. On ne veut pas surcharger l’apprenant ou l’apprenante avec d’autres réflexions. Par exemple:
Transparent | Non transparent |
---|---|
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On opte pour un incitatif de type 2 lorsque l’on souhaite obtenir un changement de comportement persistant à long terme et quand la situation d’apprentissage n’est pas associée à une charge cognitive trop élevée.
Transparent | Non transparent |
---|---|
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Choisir le bon incitatif selon le contexte
Voici un tableau décisionnel pour vous aider à choisir le type d’incitatif à employer selon le contexte.
Construire des incitatifs comportementaux efficaces
Les incitatifs comportementaux doivent être testés en situation réelle et doivent avoir un effet positif sur les étudiants et les étudiantes.
Différents critères doivent être pris en compte lors de la création d’un incitatif comportemental:
- L’incitatif doit être présenté le plus clairement possible.
- L’incitatif ne doit pas contraindre l’élève. Il faut rester dans une logique éthique et non de manipulation.
- L’incitatif ne doit pas engendrer une punition ou une perte pour l’élève.
- L’incitatif doit être adapté au contexte des élèves. Ne surchargez pas l’environnement d’apprentissage d’incitatifs comportementaux si cela n’est pas nécessaire.
Des freins au succès des incitatifs
Le plus grand défi est de constater des effets à long terme pour les incitatifs comportementaux. Actuellement, les recherches abordent surtout les effets à court terme de leur implantation.
Quelques éléments peuvent modérer leur efficacité:
- Les normes sociales peuvent entraîner soit le sous-investissement, soit le surinvestissement des élèves, puisqu’ils et elles vont mettre en place des actions pour ressembler à leurs pairs.
Par exemple, si un enseignant affirme que les étudiants et étudiantes réussissent son examen avec une moyenne de 80 %, une étudiante avec des difficultés scolaires pourrait utiliser de mauvaises stratégies pour tenter de réussir l’examen (apprendre par cœur ou tricher, par exemple) (exemple d’un incitatif de type 2). - Les habitudes de vie et les préférences des élèves peuvent influencer la réussite de l’incitatif.
Par exemple, un étudiant peut trouver quelque chose à faire qui sera plus agréable qu’assister au cours et étudier. Il risque donc davantage de passer à côté de l’incitatif mis en place. - Les croyances antérieures de performance des élèves peuvent déjouer l’incitatif. Par exemple:
- Un étudiant qui a une grande confiance en ses capacités peut avoir l’impression de savoir ce qui est bon pour lui. Cela peut l’empêcher d’agir et de mettre des efforts dans le cours (ne pas faire les lectures et les activités, etc.).
- Une étudiante peut penser que la réalisation d’un exercice de révision en fin de chapitre est une perte de temps et donc ne pas le faire.
- La focalisation sur l’atteinte ou non de l’objectif final (mesure des résultats de succès) peut être faite au détriment du parcours réalisé (changement de comportement implanté tranquillement). Il faut se rappeler que les résultats ne sont pas toujours immédiatement visibles : le processus comportemental des élèves est aussi important.
Par exemple, les résultats d’un étudiant peuvent avoir diminué parce qu’il a passé du temps à mettre en place un procédé de planification pour l’étude. Cela ne veut pas dire que les incitatifs comportementaux implantés ne sont pas adéquats: le processus peut l’aider pour les autres examens.
Et vous, comment percevez-vous les incitatifs comportementaux? Voyez-vous des effets bénéfiques à les utiliser? Est-ce que vous en utilisez déjà?
Pour en savoir plus
Bressoud, E. (2022). «Épisode 41 : Nudge et autres coups de pouce pour mieux apprendre», Never Stop Learning. [en anglais]