Le groupe complet, lors du voyage au Pérou en 2019-2020
D’ailleurs, dans le cadre du projet actuel, les finissants et finissantes volontaires agissent comme mentors pour les plus jeunes. Ces élèves n’ont pas pu vivre dès leur entrée dans le programme un cursus tel que celui que David et Julie déploient en ce moment, mais ils et elles ont des compétences fort utiles et connaissent bien le projet de station météo de David.
Dans le cadre des nouveaux projets de recherche, l’implication des étudiants et étudiantes sera systématisée, plus vaste et plus conséquente. La recherche permettra d’observer et de documenter les impacts sur les élèves de leur participation à de tels projets.
Des activités intégrées aux cours
Au moment où j’ai discuté avec David et Julie, la 1re session du projet tirait à sa fin. Les enseignants et les enseignantes de Technologie du génie physique ont identifié 2 cours de 1re session dans lesquels des activités pédagogiques ont été remplacées par des activités en lien avec le projet de station météo.
Géocache au Parc Angrignon
Dans l’un des cours, pour se familiariser avec le positionnement GPS (essentiel pour l’opération d’une station météo portative), les élèves ont fait une activité de géocache au Parc Angrignon. Ce parc est voisin du collège. Les élèves ont passé 90 minutes dans le parc à prendre des mesures. Ils et elles ont appris à lire un plan et à lire des coordonnées GPS. À chaque point de coordonnées atteint, ils et elles devaient prendre une série de mesures à l’aide de leur station météo portative.
Comme David me l’a expliqué, quand on va installer une station météo sur un glacier, il faut savoir utiliser un GPS. Ne serait-ce que pour pouvoir retourner chercher la station au bon endroit après!
Julie m’a dit que les élèves (et les enseignants!) avaient adoré l’expérience. Plusieurs élèves ont mentionné avoir aimé le simple fait d’être à l’extérieur. Cela m’a rappelé les vertus de la pédagogie extérieure, qui fait de plus en plus parler.
Apprendre à utiliser un logiciel qui servira pour le projet
Dans un autre cours, les élèves ont appris à utiliser un logiciel qui permet d’analyser les données qu’ils et elles avaient prises avec leur station météo lors de l’activité au Parc Angrignon.
Des activités en dehors des cours
Les activités intégrées aux cours sont obligatoires pour tous et toutes. Cependant, le projet inclut aussi des activités extracurriculaires non obligatoires (mais populaires!). Ces activités font elles aussi appel aux compétences en génie physique des élèves.
Activité d’accueil dans le programme
À l’automne 2022, les élèves de 1re année, accompagnés de plusieurs enseignants et enseignantes (dont David et Julie) et de 5 élèves mentors de 3e année, ont fait une sortie à l’Observatoire du Mont-Mégantic. (L’Observatoire est un partenaire du projet de recherche.) L’Observatoire dispose d’instruments météo sur place, au sommet de la montagne. L’équipe enseignante et les mentors ont invité les élèves de 1re année à venir avec eux pour observer leur travail lors d’une simulation d’expédition. 95% des élèves de 1re année ont participé.
Les élèves écoutent des explications à propos du fonctionnement de la station météo pendant la sortie au Mont Mégantic.
La sortie au Mont-Mégantic a fait office d’activité d’accueil pour le programme. Cette activité a été l’occasion pour les nouveaux étudiants et les nouvelles étudiantes de découvrir d’autres perspectives professionnelles pour les technologues en génie physique que celles qu’ils et elles connaissent généralement en s’inscrivant dans le programme. Plusieurs se voient travailler dans un laboratoire, mais le génie physique peut les mener dans des endroits variés!
Et surtout, l’activité avait un aspect social important. Elle a permis aux élèves de développer un sentiment d’appartenance envers leur groupe et de tisser des liens avec l’équipe enseignante.
Lors de l’activité, 1 enseignant de 1re année était présent, mais aussi 3 enseignants et 1 enseignante de 2e et 3e année. Pour les élèves, voir que leurs futurs profs sont là, c’est hypermotivant! Ils et elles voient qu’il y a une unité d’ensemble dans le programme, que le programme ne sera pas un paquet de cours décousus.
—David Beaulieu
Conférence d’un météorologue
Un midi, à la fin novembre 2022, le météorologue Gilles Brien est venu rencontrer les élèves de Technologie du génie physique pour leur parler des changements climatiques. Ses explications scientifiques ont permis aux élèves de prendre conscience que ces changements vont affecter différemment plusieurs endroits sur la Terre.
Un travail étudiant rémunéré
À partir de leur 3e session d’études, les élèves pourront s’impliquer dans le projet en dehors des heures de classe pour agir comme assistants et assistantes de recherche sur une base volontaire.
Apprivoiser le projet, graduellement
En 1re session, les élèves n’ont pas les compétences nécessaires pour participer à la conception de la station. Cependant, ils et elles peuvent déjà apprendre à utiliser la station et, plus largement, s’initier à la prise de mesures sur le terrain. Ils et elles découvrent le projet en compagnie de leurs enseignants et enseignantes et des élèves mentors. Voir les finissants et finissantes au travail leur permet de comprendre l’utilité concrète des connaissances qu’ils et elles acquièrent dans leurs cours. Comme me l’a dit David, cela montre en quoi les notions difficiles qui sont enseignées dans leurs cours de mathématiques peuvent être utiles.
On embarque les élèves de 1re année dans un projet de mesure de données environnementales relié aux changements climatiques. C’est un enjeu de société qui les préoccupe.
—David Beaulieu
Au fur et à mesure qu’ils acquerront des compétences dans leur parcours scolaire, les élèves qui sont aujourd’hui en 1re année pourront contribuer au projet de conception de façon de plus en plus significative, soit dans leur cours, soit sur une base volontaire de façon extracurriculaire.
Un voyage de fin d’études
Pendant leur dernière année d’études, les finissants et finissantes qui le désirent pourront faire un voyage pour aller installer leur station sur un glacier afin de la tester et de recueillir des données. (La station testée au Pérou en 2019-2020 ne pouvait pas être laissée sur place. Le but, maintenant, est de concevoir une station qui pourrait fonctionner de façon autonome sur un glacier.)
À quoi servent les données recueillies par la station météo?
L’objectif est que les données recueillies soient utilisées par le GlacioLab de l’Université du Québec à Trois-Rivières (un partenaire du projet). Le GlacioLab est dirigé par Christophe Kinnard, qui est aussi directeur de la Chaire de recherche du Canada en hydrologie de la cryosphère.
Le GlacioLab étudie des glaciers, mais les données sont très rares ou inexistantes pour certains d’entre eux (comme le glacier péruvien visité par David et ses élèves en 2019-2020).
Les technologues en génie physique du Cégep-André Laurendeau pourraient ainsi utiliser leur expertise en conception et en prise de mesure pour alimenter l’équipe du GlacioLab. Ensuite, Christophe Kinnard et son équipe vont utiliser ces données pour alimenter un modèle prédictif sur la fonte des glaciers. Ce n’est pas rien!
Parmi les autres partenaires du projet, mentionnons le Centre d’études nordiques de l’Université Laval (CEN). Le CEN donne à David et à son équipe accès à tout un réseau de stations météo à travers l’Arctique canadien, en plus de leur faciliter l’accès à leurs stations de recherche en régions éloignées. L’équipe du Cégep André-Laurendeau peut utiliser les données fournies par le CEN pour étalonner les siennes.
Hypothèses au sujet des conditions gagnantes pour l’utilisation pédagogique des wicked problems en situation authentique
Selon David et Julie, pour que l’utilisation pédagogique d’un wicked problem en situation authentique soit réussie, il faut que le problème soit un problème que les étudiants ont à cœur.
L’authenticité ne suffit pas nécessairement. David m’a expliqué qu’il aurait pu amener ses élèves dans une usine de tournevis pour leur demander de concevoir un capteur pour détecter les tournevis défectueux. Cela aurait été très pertinent pédagogiquement et très authentique, mais trouver un enjeu que les élèves ont à cœur et qui les intéresse sincèrement, ça rend l’activité encore plus forte.
On ne va pas régler le problème des changements climatiques, mais on va participer à trouver des solutions. On va contribuer à trouver des solutions avec nos expertises à nous: la prise de mesures.
—David Beaulieu
Ainsi, la force d’un «bon» wicked problem est d’aller au-delà des intérêts scolaires des élèves et de leurs aspirations professionnelles et de vraiment s’ancrer profondément en eux.
La clé, c’est que, dans les pires moments de leurs études, quand les élèves ne sauront plus pourquoi ils sont en Technologie du génie physique, le projet va leur rappeler qu’ils travaillent pour une cause plus grande qu’eux. Ça, ça va les motiver!
—David Beaulieu
Julie est du même avis: le choix du problème est central. Les changements climatiques, la faim dans le monde… Ce sont des problèmes pour lesquels la recherche d’une solution sera motivante. Évidemment, il est important de bien cerner une portion du problème à laquelle on veut s’attaquer avec nos élèves. Par définition, les wicked problems sont des problèmes «plus grands que nature». Les changements climatiques et la faim dans le monde, ce ne sont pas des problèmes que les élèves ont vraiment la possibilité de régler… Il faut choisir un aspect précis du problème, comme la mesure de la fonte des glaciers dans le cas du projet de David et Julie.
Par ailleurs, David croit que, pour que l’utilisation pédagogique d’un wicked problem soit gagnante, il est très important de travailler concrètement à résoudre le problème. Il ne suffit pas de faire une simulation en classe et de dire: «Voici ce qu’on pourrait faire.». Il faut agir pour vrai. Il ne suffit donc pas d’étudier un problème authentique; il faut que la contribution qu’on offre à sa solution le soit également.
Julie m’a aussi parlé de l’intérêt qu’elle voit au fait que leur projet s’étende sur toute la durée du programme et soit pensé en approche-programme. Cependant, dans un autre contexte, un enseignant ou une enseignante pourrait tout de même choisir d’exploiter un wicked problem en situation authentique à plus petite échelle, en l’intégrant à l’intérieur d’un seul cours.
Évidemment, la recherche permettra d’en apprendre beaucoup plus (ou de corriger des perceptions erronées!) au sujet de l’utilisation pédagogique des wicked problems!