Au Centre collégial de Mont-Laurier du Cégep de Saint-Jérôme, May Anne Tremblay enseigne le cours Intervention: Santé mentale et dépendances en Techniques d’éducation spécialisée. Elle a voulu développer l’empathie de ses étudiants et de ses étudiantes envers les personnes schizophrènes. Pour y arriver, rien de mieux que la réalité virtuelle!
May Anne Tremblay a fait vivre à ses élèves l’expérience de l’application Goliath [en anglais]. Cette application est gratuite sur les casques Meta (Oculus) Quest 2. May Anne a discuté de son expérience avec le technopédagogue de son collège, Édouard Morrissette, dans un épisode du balado de celui-ci: Les défricheurs du numérique.
Développer l’empathie envers les personnes schizophrènes
Dans Goliath, Jon, un homme schizophrène, partage son vécu dans une expérience immersive d’environ 25 minutes.
La schizophrénie affecte la perception de la réalité. L’application permet d’expérimenter ce que vivent les personnes atteintes de schizophrénie.
La personne qui porte le casque:
- voit ses mains se transformer en formes géométriques
- entend son nom être répété sans savoir d’où provient le son
- vit des expériences déstabilisantes
- etc.
Pour May Anne, l’objectif de l’activité est d’amener ses élèves à avoir une meilleure compréhension de ce qu’est la schizophrénie. L’utilisation de l’application Goliath vise à développer l’empathie des élèves envers les personnes schizophrènes, ce qui peut être difficile dans un cours magistral. Goliath permet aux élèves de vraiment comprendre à quel point la schizophrénie est déstabilisante pour ceux et celles qui en souffrent.
Pour assurer le bon déroulement de la séance
Le Centre collégial de Mont-Laurier s’est doté de 6 casques de réalité virtuelle Oculus Quest 2, (devenu depuis Meta Quest 2).
May Anne a divisé son groupe de 21 élèves en 4 sous-groupes de 5 ou 6 personnes. Même si l’expérience Goliath ne dure qu’environ 25 ou 30 minutes, May Anne Tremblay a prévu 50 minutes par sous-groupe. En effet, puisque l’application Goliath est très immersive et déroutante, elle voulait que chaque élève ait d’abord la chance de se familiariser avec le casque. Pour ce faire, elle a d’abord présenté aux élèves un extrait de quelques secondes d’une vidéo YouTube qui présente l’interface du casque. Elle voulait aider les élèves à repérer le bouton qui permet d’ouvrir la bibliothèque de jeux et leur permettre de voir la bibliothèque à l’avance. Elle leur a expliqué les boutons sur lesquels appuyer… et ceux à éviter! Puis, elle les a invités à utiliser l’application d’introduction fournie avec les casques, First steps [en anglais], pendant une dizaine de minutes.
Il est important de noter que la majorité des applications de réalité virtuelle sont en anglais. Dans Goliath, le personnage parle anglais avec un accent prononcé. Pour s’assurer que les élèves qui parlent peu anglais comprennent quand même, May Anne et Édouard ont trouvé sur YouTube une vidéo d’un utilisateur de Goliath qui s’est enregistré en jouant [en anglais]. Le rendu est en 2D et l’expérience de visionnement n’est pas du tout la même, mais, sur YouTube, des sous-titres sont disponibles. May Anne et Édouard ont téléchargé les sous-titres (avec le site web DownSub), les ont traduits (avec Google Translate) et les ont partagés avec les élèves.
Réactions des élèves
May Anne Tremblay a sondé ses élèves après l’expérience. 94% des élèves qui ont répondu au sondage ont trouvé l’expérience très satisfaisante, 6% l’ont trouvé satisfaisante. Personne n’a été insatisfait. 94% encore ont trouvé les casques très faciles à utiliser, alors que May Anne craignait initialement que ce soit un obstacle.
Certaines personnes ont signalé que les casques deviennent inconfortables à la longue. Édouard Morrissette a expliqué que cela était en partie dû au fait que le collège avait doté ses casques d’un protecteur en silicone pour recouvrir la mousse des casques. Cela est important pour des raisons d’hygiène, mais rend les casques moins confortables.
Par ailleurs, May Anne avait répété à ses élèves de ne pas trop bouger. Elle voulait éviter que les personnes en immersion n’entrent en collision les unes avec les autres. (D’ailleurs, elle avait réservé un gymnase pour l’occasion, pour que chaque élève ait plus d’espace. Elle explique qu’il faut un minimum de 2 mètres par 2 mètres pour chaque personne.) Mais le résultat des avertissements de May Anne est que certaines personnes ont pensé qu’elles n’avaient pas du tout le droit de bouger et ont ainsi eu le sentiment de ne pas profiter pleinement de l’expérience.
Être dans la peau d’une personne schizophrène
May Anne raconte que plusieurs élèves lui ont dit qu’en enlevant le casque, ils et elles avaient oublié être dans un gymnase. Les élèves avaient oublié que des gens pouvaient les observer pendant qu’ils et elles bougeaient les mains pour tenter d’attraper des objets imaginaires et qu’ils et elles risquaient d’avoir l’air fou. C’est ainsi que l’utilisation de l’application immersive joue mieux son rôle pour développer l’empathie envers les personnes schizophrènes que tout autre cours: les élèves entrent vraiment dans la peau d’une personne psychotique. Dans le balado, May Anne Tremblay raconte qu’une élève a été vraiment marquée par l’activité, car elle avait récemment vu un homme psychotique dans un dépanneur et qu’elle s’était un peu moquée de lui avec ses amis. Elle a dit: «Plus jamais je ne vais rire d’une personne qui est dans cette situation-là, parce que je l’ai vécue, et c’est très déstabilisant quand tu penses que ce que tu vois c’est vrai, et que les autres ne le voient pas.»
Une collègue enseignante en Soins infirmiers qui a vu les élèves de May Anne en pleine immersion a expliqué à celle-ci que, si on les imaginait sans ce casque, ses élèves ressemblaient beaucoup aux personnes hospitalisées pour des troubles de santé mentale. Un élève est debout et fixe le plafond sans rien dire… Une autre est à genoux et tente d’attraper des objets invisibles en riant…
May Anne raconte que plusieurs étudiantes sont même revenues en classe pour observer leurs collègues de classe vivre l’expérience après elles.